Leopold : Le fait que les rebelles piétinent ne prouve-t-il pas que Kadhafi dispose encore d'un large soutien dans la population libyenne en dehors de Benghazi ?
Rémy Ourdan : Absolument pas. Le fait que les rebelles piétinent est essentiellement lié à leur inexpérience militaire et au fait qu'ils affrontent une armée professionnelle.
Les rebelles n'avancent donc que lorsque l'armée leur laisse le champ libre.
Il est difficile par ailleurs de mesurer le soutien dont bénéficie Kadhafi au sein de la population libyenne. La répression a été rude après les premières manifestations, et aujourd'hui, les journalistes qui travaillent du côté gouvernemental ne peuvent circuler librement et prendre le pouls au sein de la population.
Nico : Malgré les frappes de l'OTAN, le déséquilibre est-il toujours aussi important ? Pensez-vous que des armes vont être données aux insurgés via l'Egypte par exemple ? Cela éviterait l'enlisement.
Les insurgés affirment que des armes arrivent déjà via l'Egypte. Mais après le pillage des casernes gouvernementales, les insurgés n'avaient au début pas de problème d'armement. Leur problème est plutôt leur inaptitude à organiser une défense ou une attaque, ou une quelconque opération militaire.
Les frappes de l'OTAN leur sont donc indispensables. Sans ces frappes, Benghazi serait tombée depuis longtemps, et on peut penser que l'insurrection serait aujourd'hui définitivement terminée.
Sven : Y a-t-il un plus grand risque de perte pour la coalition à Misrata ? Car sinon je ne comprends pas pourquoi elle laisse les forces de Kadhafi pilonner la ville.
La coalition affirme que les défenses antiaériennes ont été totalement anéanties. Le problème à Misrata, selon l'OTAN, est que l'armée de Kadhafi est déployée dans des quartiers habités, et qu'il est donc plus difficile de frapper sans toucher des civils.
Khalil. : Pourquoi l'OTAN n'utilise-t-elle pas son aviation pour couper les lignes de ravitaillement des forces de Kadhafi dans la zone de Bréga, puisqu'il n'y a aucune agglomération importante à l'ouest de cette ville que les insurgés n'arrivent pas à investir ?
L'OTAN a à plusieurs reprises bombardé l'armée de Tripoli entre les villes, aux abords de Benghazi et d'Ajdabiya, et aujourd'hui même, l'OTAN affirme avoir bombardé une colonne de ravitaillement qui se dirigeait vers l'est.
Mais l'OTAN affirme par ailleurs que l'armée utilise de nouvelles méthodes, notamment qu'elle fait accompagner ses convois de ravitaillement de véhicules civils, afin, justement, de dissuader l'OTAN de frapper.
Patrick : Les insurgés se rendent-ils compte que la mission de l'OTAN suivant la résolution de l'ONU est de protéger les populations civiles et non pas leur ouvrir la route comme certains le demandent?
Les insurgés espéraient qu'après avoir sauvé Benghazi, l'aviation occidentale leur ouvre cette route vers l'ouest. Depuis qu'ils ont été stoppés dans leur avancée à 70 kilomètres de Syrte et qu'ils ont dû rebrousser chemin sous de violents bombardements, les insurgés ont compris que le soutien aérien de l'OTAN serait sans doute plus limité qu'ils ne l'envisageaient au départ.
Bruno : Pourquoi l'OTAN n'utilise t-elle pas des hélicoptères de combat? Ceci permettrait, il me semble, une progression bien plus rapide des insurgés.
Même réponse : je ne suis pas sûr que l'OTAN ait pour mission de favoriser la progression des insurgés vers l'ouest. Mireille : Au train où vont les choses, est-il envisageable qu'au final Kadhafi reste, qu'il ait le dessus face aux insurgés , la coalition et l'OTAN ?
Vu le nombre de surprises que nous avons eues depuis un mois et demi, nous allons éviter de faire des pronostics. Pour les rebelles, le maintien de Kadhafi est une solution inacceptable, et il me semble que les Occidentaux ont épousé ce point de vue.
Hakim : Qu'en est-il des rumeurs de désunion au sein des insurgés? Les dirigeants des insurgés sont-ils perçus comme légitimes?
Les insurgés ne reconnaissent pas forcément leurs dirigeants comme des grands leaders pour l'avenir. Mais ils ne sont pas pour autant désunis. Sur les centaines d'insurgés que j'ai rencontrés, tous avaient le même discours, les mêmes espoirs, c'est-à-dire un départ de Kadhafi et un avenir démocratique pour la Libye.
Je crois que les jeunes insurgés ne se posent pour l'instant pas la question de qui dirige réellement leur mouvement.
pdl : Quelles informations fiables avez-vous sur la non-présence d'éléments d’Al-Qaïda au sien du CNT et des forces de la rébellion ?
Aucune information. Il me paraît même évident qu'Al-Qaida n'est pas présente au sein du CNT. Quant à savoir s'il y a des volontaires djihadistes en Libye, je l'ignore. Mais depuis un mois, sur le front de l'est, je n'en ai rencontré aucun.
Hassan : Kadhafi recrute-t-il des mercenaires affiliés à AQMI? Quelle est la position officielle d'AQMI dans le conflit?
Kadhafi est un ennemi de l'AQMI. J'ignore où il recrute ses mercenaires, mais les seuls éléments tangibles dont nous disposons, après avoir vu des cadavres ou des prisonniers, sont que l'essentiel de ces mercenaires sont tchadiens, et ne sont probablement pas islamistes du tout.
denben : J'ai vu dans des reportages à la télé que Kadhafi avait armé des civils pour combattre les insurgés. Qu'en est-il et est-ce bien réel ?
Je couvre la guerre du côté rebelles, il m'est donc difficile de parler du côté gouvernemental où, par ailleurs, aucun journaliste n'a accès au front. Selon certains témoignages, dans certaines offensives, l'armée de Tripoli aurait effectivement été appuyée par des milices, mais nous ignorons l'ampleur du phénomène.
Sid Hammouche : On parle de pro-Khadafi qui auraient infiltré les insurgés? Quel est votre constat?
Evidemment, personne ne revendique ce statut, il est donc difficile de répondre. Ce qu'on constate du côté rebelles, c'est qu'à l'évidence, certains militaires transfuges de l'armée de Kadhafi ne déploient pas un enthousiasme délirant en faveur de la révolution.
Ils sont absents du front, et mentent parfois aux chefs politiques du CNT. Cela ne permet cependant pas de les accuser d'être à la solde de Kadhafi.
Il règne, cela dit, une paranoïa à Benghazi, qui conduit à d'obscurs règlements de comptes durant la nuit. Il y a eu quelques exécutions. Mais il est difficile de faire la part d'éventuelles infiltrations kadhafistes et de règlements de comptes personnels.
Quentin : Y a-t-il des étrangers aux côté des insurgés?
Je n'en ai rencontré aucun.
Antoine : Les défections dans le régime Khadafi se sont-elles traduites sur le terrain ? Ou s'agit-il de responsables de second rang ?
Parmi les responsables qui ont fait défection, certains sont partis à l'étranger, d'autres ont rejoint les rebelles à Benghazi. Pour les insurgés, chaque défection est bonne à prendre, même s'ils ont psychologiquement et politiquement du mal à travailler avec des gens qui ont servi le régime à des postes haut placés.
danilo : De combien d'hommes dispose Kadhafi, et de combien la rébellion?
Je l'ignore. Du côté kadhafiste, aucun chiffre n'est communiqué ; et du côté rebelles, la désorganisation est telle qu'il est impossible de compter les troupes. Chaque jour, au front, le nombre de combattants est très différent.
Yoko : Les jeunes que vous rencontrez au front ne veulent-ils pas que se créé une véritable direction militaire pour leur offensive? Pourquoi après plus d'un mois de combat, ce sont toujours quelques pick-up qui partent en trombe pour revenir aussi vite?
Les jeunes combattants ne cessent de réclamer une direction militaire et la présence d'officiers au front. Ils désespèrent de ne jamais voir arriver ces soldats de l'armée qui ont changé de camp, et c'est justement la raison pour laquelle ils s'interrogent sur la sincérité de leur engagement révolutionnaire.
.....part one
Rémy Ourdan : Absolument pas. Le fait que les rebelles piétinent est essentiellement lié à leur inexpérience militaire et au fait qu'ils affrontent une armée professionnelle.
Les rebelles n'avancent donc que lorsque l'armée leur laisse le champ libre.
Il est difficile par ailleurs de mesurer le soutien dont bénéficie Kadhafi au sein de la population libyenne. La répression a été rude après les premières manifestations, et aujourd'hui, les journalistes qui travaillent du côté gouvernemental ne peuvent circuler librement et prendre le pouls au sein de la population.
Nico : Malgré les frappes de l'OTAN, le déséquilibre est-il toujours aussi important ? Pensez-vous que des armes vont être données aux insurgés via l'Egypte par exemple ? Cela éviterait l'enlisement.
Les insurgés affirment que des armes arrivent déjà via l'Egypte. Mais après le pillage des casernes gouvernementales, les insurgés n'avaient au début pas de problème d'armement. Leur problème est plutôt leur inaptitude à organiser une défense ou une attaque, ou une quelconque opération militaire.
Les frappes de l'OTAN leur sont donc indispensables. Sans ces frappes, Benghazi serait tombée depuis longtemps, et on peut penser que l'insurrection serait aujourd'hui définitivement terminée.
Sven : Y a-t-il un plus grand risque de perte pour la coalition à Misrata ? Car sinon je ne comprends pas pourquoi elle laisse les forces de Kadhafi pilonner la ville.
La coalition affirme que les défenses antiaériennes ont été totalement anéanties. Le problème à Misrata, selon l'OTAN, est que l'armée de Kadhafi est déployée dans des quartiers habités, et qu'il est donc plus difficile de frapper sans toucher des civils.
Khalil. : Pourquoi l'OTAN n'utilise-t-elle pas son aviation pour couper les lignes de ravitaillement des forces de Kadhafi dans la zone de Bréga, puisqu'il n'y a aucune agglomération importante à l'ouest de cette ville que les insurgés n'arrivent pas à investir ?
L'OTAN a à plusieurs reprises bombardé l'armée de Tripoli entre les villes, aux abords de Benghazi et d'Ajdabiya, et aujourd'hui même, l'OTAN affirme avoir bombardé une colonne de ravitaillement qui se dirigeait vers l'est.
Mais l'OTAN affirme par ailleurs que l'armée utilise de nouvelles méthodes, notamment qu'elle fait accompagner ses convois de ravitaillement de véhicules civils, afin, justement, de dissuader l'OTAN de frapper.
Patrick : Les insurgés se rendent-ils compte que la mission de l'OTAN suivant la résolution de l'ONU est de protéger les populations civiles et non pas leur ouvrir la route comme certains le demandent?
Les insurgés espéraient qu'après avoir sauvé Benghazi, l'aviation occidentale leur ouvre cette route vers l'ouest. Depuis qu'ils ont été stoppés dans leur avancée à 70 kilomètres de Syrte et qu'ils ont dû rebrousser chemin sous de violents bombardements, les insurgés ont compris que le soutien aérien de l'OTAN serait sans doute plus limité qu'ils ne l'envisageaient au départ.
Bruno : Pourquoi l'OTAN n'utilise t-elle pas des hélicoptères de combat? Ceci permettrait, il me semble, une progression bien plus rapide des insurgés.
Même réponse : je ne suis pas sûr que l'OTAN ait pour mission de favoriser la progression des insurgés vers l'ouest. Mireille : Au train où vont les choses, est-il envisageable qu'au final Kadhafi reste, qu'il ait le dessus face aux insurgés , la coalition et l'OTAN ?
Vu le nombre de surprises que nous avons eues depuis un mois et demi, nous allons éviter de faire des pronostics. Pour les rebelles, le maintien de Kadhafi est une solution inacceptable, et il me semble que les Occidentaux ont épousé ce point de vue.
Hakim : Qu'en est-il des rumeurs de désunion au sein des insurgés? Les dirigeants des insurgés sont-ils perçus comme légitimes?
Les insurgés ne reconnaissent pas forcément leurs dirigeants comme des grands leaders pour l'avenir. Mais ils ne sont pas pour autant désunis. Sur les centaines d'insurgés que j'ai rencontrés, tous avaient le même discours, les mêmes espoirs, c'est-à-dire un départ de Kadhafi et un avenir démocratique pour la Libye.
Je crois que les jeunes insurgés ne se posent pour l'instant pas la question de qui dirige réellement leur mouvement.
pdl : Quelles informations fiables avez-vous sur la non-présence d'éléments d’Al-Qaïda au sien du CNT et des forces de la rébellion ?
Aucune information. Il me paraît même évident qu'Al-Qaida n'est pas présente au sein du CNT. Quant à savoir s'il y a des volontaires djihadistes en Libye, je l'ignore. Mais depuis un mois, sur le front de l'est, je n'en ai rencontré aucun.
Hassan : Kadhafi recrute-t-il des mercenaires affiliés à AQMI? Quelle est la position officielle d'AQMI dans le conflit?
Kadhafi est un ennemi de l'AQMI. J'ignore où il recrute ses mercenaires, mais les seuls éléments tangibles dont nous disposons, après avoir vu des cadavres ou des prisonniers, sont que l'essentiel de ces mercenaires sont tchadiens, et ne sont probablement pas islamistes du tout.
denben : J'ai vu dans des reportages à la télé que Kadhafi avait armé des civils pour combattre les insurgés. Qu'en est-il et est-ce bien réel ?
Je couvre la guerre du côté rebelles, il m'est donc difficile de parler du côté gouvernemental où, par ailleurs, aucun journaliste n'a accès au front. Selon certains témoignages, dans certaines offensives, l'armée de Tripoli aurait effectivement été appuyée par des milices, mais nous ignorons l'ampleur du phénomène.
Sid Hammouche : On parle de pro-Khadafi qui auraient infiltré les insurgés? Quel est votre constat?
Evidemment, personne ne revendique ce statut, il est donc difficile de répondre. Ce qu'on constate du côté rebelles, c'est qu'à l'évidence, certains militaires transfuges de l'armée de Kadhafi ne déploient pas un enthousiasme délirant en faveur de la révolution.
Ils sont absents du front, et mentent parfois aux chefs politiques du CNT. Cela ne permet cependant pas de les accuser d'être à la solde de Kadhafi.
Il règne, cela dit, une paranoïa à Benghazi, qui conduit à d'obscurs règlements de comptes durant la nuit. Il y a eu quelques exécutions. Mais il est difficile de faire la part d'éventuelles infiltrations kadhafistes et de règlements de comptes personnels.
Quentin : Y a-t-il des étrangers aux côté des insurgés?
Je n'en ai rencontré aucun.
Antoine : Les défections dans le régime Khadafi se sont-elles traduites sur le terrain ? Ou s'agit-il de responsables de second rang ?
Parmi les responsables qui ont fait défection, certains sont partis à l'étranger, d'autres ont rejoint les rebelles à Benghazi. Pour les insurgés, chaque défection est bonne à prendre, même s'ils ont psychologiquement et politiquement du mal à travailler avec des gens qui ont servi le régime à des postes haut placés.
danilo : De combien d'hommes dispose Kadhafi, et de combien la rébellion?
Je l'ignore. Du côté kadhafiste, aucun chiffre n'est communiqué ; et du côté rebelles, la désorganisation est telle qu'il est impossible de compter les troupes. Chaque jour, au front, le nombre de combattants est très différent.
Yoko : Les jeunes que vous rencontrez au front ne veulent-ils pas que se créé une véritable direction militaire pour leur offensive? Pourquoi après plus d'un mois de combat, ce sont toujours quelques pick-up qui partent en trombe pour revenir aussi vite?
Les jeunes combattants ne cessent de réclamer une direction militaire et la présence d'officiers au front. Ils désespèrent de ne jamais voir arriver ces soldats de l'armée qui ont changé de camp, et c'est justement la raison pour laquelle ils s'interrogent sur la sincérité de leur engagement révolutionnaire.
.....part one
Commentaire