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Alain Juppé a dû mettre cartes sur table au Sénat. La démarche en Libye est un « pari »
Les têtes blanches de la commission des affaires étrangères du Sénat sont soucieuses de comprendre vers où Alain Juppé et Gérard Longuet emmènent la France avec les conflits ivoirien et libyen. L'extrême courtoisie du président Josselin de Rohan est parfois trompeuse. Quand il demande aux deux ministres, avec un grand sourire : « Quelle est votre stratégie de sortie ? », il témoigne d'une réelle inquiétude.
En Libye, « entre les deux » Jean-Pierre Bel (Ariège) parle, lui, de « beaucoup de flottement ». « Nous n'avons pas de désaccord formel avec vous, mais nous sommes sur le fil du rasoir tout de même », ajoute Jean-Louis Carrère (Landes).
Alain Juppé a beau rappeler, avec cette clarté qui le caractérise, les deux objectifs - faire triompher le verdict des urnes en Côte d'Ivoire, protéger son peuple de Kadhafi en Libye -, cela n'empêche pas Robert Badinter de dire un peu plus tard, sibyllin : « Vous parlez de porte de sortie, fort bien. À condition qu'elle débouche, au bout d'une cellule, sur un couloir. » De très gros doutes sur la politique guerrière de la France s'expriment au palais du Luxembourg.
Poussé dans ses retranchements, Alain Juppé reconnaît d'ailleurs : « En Afghanistan, nous faisons la guerre. En Côte d'Ivoire, non. Et en Libye, nous sommes entre les deux. »
C'est ce côté aventureux des expériences françaises en Libye et en Côte d'Ivoire qui préoccupe les sénateurs. « En tant que gaulliste, je suis très peu enclin à nous voir nous immiscer dans les affaires intérieures d'autrui, rappelle Christian Poncelet. Souvenez-vous où nous a conduits de laisser l'ayatollah Khomeyni renverser le chah d'Iran depuis la France. »
Sophisme guerrier En dépit de toute sa rigueur et malgré tout son poids, Alain Juppé ne peut que donner raison à Jean-Pierre Chevènement quand celui-ci lui fait remarquer que vouloir chasser du pouvoir Kadhafi, c'est outrepasser le mandat des Nations unies. « Il y a effectivement une ambiguïté. Nous n'avons pas mission de changer de régime », concède le ministre des Affaires étrangères. Acculé, il recourt à une justification tirée par les cheveux : dès lors que l'ONU a donné mandat de « protéger le peuple libyen » des agissements de Kadhafi et que ce serait la mission première du chef de l'État libyen de s'en acquitter, cela ne revient-il pas à devoir le chasser ?
Grimace de Robert Badinter. Voilà un type d'arrangement avec le droit international qui, visiblement, passe mal au Sénat. Elle est là, l'aventure française. Dans ce sophisme guerrier. Cette part d'irrationnel dans l'attitude française entre étrangement en résonance avec le jusqu'au-boutisme de Gbagbo, qui demeure au pouvoir en dépit du verdict des urnes, en Côte d'Ivoire…
Alain Juppé est contraint d'abattre sa dernière carte. On a reproché avec raison à la France de soutenir Ben Ali et Moubarak ? « En Libye, nous avons fait le choix de la démocratie et de la liberté. C'est un pari », assène-t-il. Et un pari, par définition, c'est aventureux.
Dominique de Laage
Les têtes blanches de la commission des affaires étrangères du Sénat sont soucieuses de comprendre vers où Alain Juppé et Gérard Longuet emmènent la France avec les conflits ivoirien et libyen. L'extrême courtoisie du président Josselin de Rohan est parfois trompeuse. Quand il demande aux deux ministres, avec un grand sourire : « Quelle est votre stratégie de sortie ? », il témoigne d'une réelle inquiétude.
En Libye, « entre les deux » Jean-Pierre Bel (Ariège) parle, lui, de « beaucoup de flottement ». « Nous n'avons pas de désaccord formel avec vous, mais nous sommes sur le fil du rasoir tout de même », ajoute Jean-Louis Carrère (Landes).
Alain Juppé a beau rappeler, avec cette clarté qui le caractérise, les deux objectifs - faire triompher le verdict des urnes en Côte d'Ivoire, protéger son peuple de Kadhafi en Libye -, cela n'empêche pas Robert Badinter de dire un peu plus tard, sibyllin : « Vous parlez de porte de sortie, fort bien. À condition qu'elle débouche, au bout d'une cellule, sur un couloir. » De très gros doutes sur la politique guerrière de la France s'expriment au palais du Luxembourg.
Poussé dans ses retranchements, Alain Juppé reconnaît d'ailleurs : « En Afghanistan, nous faisons la guerre. En Côte d'Ivoire, non. Et en Libye, nous sommes entre les deux. »
C'est ce côté aventureux des expériences françaises en Libye et en Côte d'Ivoire qui préoccupe les sénateurs. « En tant que gaulliste, je suis très peu enclin à nous voir nous immiscer dans les affaires intérieures d'autrui, rappelle Christian Poncelet. Souvenez-vous où nous a conduits de laisser l'ayatollah Khomeyni renverser le chah d'Iran depuis la France. »
Sophisme guerrier En dépit de toute sa rigueur et malgré tout son poids, Alain Juppé ne peut que donner raison à Jean-Pierre Chevènement quand celui-ci lui fait remarquer que vouloir chasser du pouvoir Kadhafi, c'est outrepasser le mandat des Nations unies. « Il y a effectivement une ambiguïté. Nous n'avons pas mission de changer de régime », concède le ministre des Affaires étrangères. Acculé, il recourt à une justification tirée par les cheveux : dès lors que l'ONU a donné mandat de « protéger le peuple libyen » des agissements de Kadhafi et que ce serait la mission première du chef de l'État libyen de s'en acquitter, cela ne revient-il pas à devoir le chasser ?
Grimace de Robert Badinter. Voilà un type d'arrangement avec le droit international qui, visiblement, passe mal au Sénat. Elle est là, l'aventure française. Dans ce sophisme guerrier. Cette part d'irrationnel dans l'attitude française entre étrangement en résonance avec le jusqu'au-boutisme de Gbagbo, qui demeure au pouvoir en dépit du verdict des urnes, en Côte d'Ivoire…
Alain Juppé est contraint d'abattre sa dernière carte. On a reproché avec raison à la France de soutenir Ben Ali et Moubarak ? « En Libye, nous avons fait le choix de la démocratie et de la liberté. C'est un pari », assène-t-il. Et un pari, par définition, c'est aventureux.
Dominique de Laage
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