Le tyran que l'on fait finir en martyr

Avec la mort de Kadhafi, c'est un journal permanent d'une certaine chaîne qui va aussi disparaitre. C'est aussi une source d'inspiration pour les tangos. C'est également une herculéenne et consciencieuse méditation pour les derniers potentats. Il est parti comme le furent, avant lui, Saddam et Ben Laden. Dans la liesse synthétique d'une horde hybride et disparate avide de vider en l'air des chargeurs en kilomètres de balles, pour marquer la halte finale de celui que l'on va appeler « dictateur » après 42 ans de bonne séance. Ses dollars ne sentaient pas alors l'effluve de la torture ou l'odeur adhésive de la fermeture des gosiers et la condamnation des libertés. Son vert livresque, son illusion verdâtre ne dégageaient pas alors la senteur fétide et pestilentielle d'un régime unique et inique au monde. Sa Jamahiriya, mi-république mi-royaume, conquérait alors la reconnaissance servile de toute la puissance mondiale.
L'image est insoutenable avec la jubilation de jeunes inconscients qui se photographient à côté d'une vedette qui ne l'est plus. Un cadavre ne peut servir comme canevas de fond à un souvenir de famille. Ainsi, la mort sans état d'âme devient un trophée à exhiber. L'histoire, la vraie, ne fait que commencer en Libye.
par El Yazid Dib
Le Quotidien d'Oran