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la France championne des inégalités scolaires

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  • la France championne des inégalités scolaires

    LE MONDE | 03.12.2013 Par Mattea Battaglia et Aurélie Collas

    Y aura-t-il un « choc PISA » ? Nul doute que la mauvaise note attribuée par l'OCDE à la France, dans le cadre de son Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), va susciter l'émoi. Les résultats de cette enquête triennale, publiés mardi 3 décembre, révèlent que la France bat des records d'injustice. Que son école, prétendument pour tous, est d'abord faite pour une élite, mais se révèle incapable de faire réussir les enfants les moins privilégiés. Elle en est même de moins en moins capable.

    L'édition 2012 de PISA met l'accent sur le niveau des élèves de 15 ans en mathématiques. Les statisticiens de l'OCDE situent la France à la 25e place sur 65 participants – à la 18e sur les 34 pays membres de l'OCDE. Avec un score de 495 points, elle est tout juste dans la moyenne des pays de l'OCDE, mais loin derrière ceux qui lui ressemblent en termes de niveau de vie et de richesse économique. Si l'on ne tenait compte que des performances des élèves issus de milieux sociaux favorisés, la France se situerait dans le premier quart du classement (13e). En revanche, en ne comptabilisant que les élèves les plus défavorisés, elle perdrait vingt places, pour figurer au 33e rang.

    Lire notre analyse (abo Des écarts qui se creusent

    Le fossé n'a jamais été aussi grand entre les « bons » et les « mauvais ». Si, en mathématiques, la part des élèves très performants est restée stable par rapport à 2003 (13 %), la proportion d'élèves en difficulté s'est, elle, envolée (22,4 %, contre 16,6 % il y a dix ans). Triste présage pour ces jeunes : l'OCDE les considère comme n'ayant pas les compétences suffisantes pour poursuivre des études et participer « de manière efficace et productive » à la vie de la société.

    Ce sont eux qui tirent les résultats de la France vers le bas, eux que le système ne parvient pas à faire progresser. Le score de la France a baissé de 16 points en mathématiques, en une décennie (passant de 511 à 495 points). Elle faisait partie du groupe de pays « au-dessus » de la moyenne ; elle est maintenant « dans » la moyenne. En compréhension de l'écrit et en sciences – les deux autres champs d'investigation de PISA –, les élèves français ne sont guère plus brillants. Ils se situent soit dans la moyenne (pour les sciences), soit à peine au-dessus (pour la lecture).

    L'évolution est d'autant plus frappante en mathématiques que, sur la même période, plus d'un tiers des pays ont progressé – Italie, Pologne, Portugal, Brésil… Et que ceux qui occupent les trois premières marches du podium placent au moins le tiers de leurs jeunes dans le groupe des meilleurs élèves – Shanghaï (55 %), Singapour (40 %) et Hongkong (34 %).

    Le poids croissant des inégalités sociales

    Plus qu'ailleurs et plus que par le passé, les origines sociales pèsent sur la réussite scolaire. C'est en France entre un cinquième et un quart des résultats des élèves en mathématiques (22,5 %) qui sont directement imputables aux origines socio-économiques, contre 15 % en moyenne dans l'OCDE. Il n'y a en réalité que sept pays sur les 65 du classement où l'origine socio-économique conditionne autant les destins scolaires (plus de 20 %). Un chiffre qui vaut à la France la triste réputation de pays le plus inégalitaire de l'OCDE.

    Son système en laisse beaucoup sur le bord de la route, puisque seuls 22 % des jeunes les plus défavorisés « confinent à l'excellence », contre 26 % en moyenne dans l'OCDE, et contre plus de la moitié dans les pays asiatiques. Certains pays – Allemagne, Italie, Pologne, Turquie… – ont su, en dix ans, améliorer l'équité sociale de leur système scolaire. La France pas.

    « Il est temps de mener une réforme globale pour lutter contre l'échec scolaire, estime Eric Charbonnier, expert à l'OCDE. Jusqu'à présent, le diagnostic a été posé, un certain nombre de leviers identifiés, mais sans faire consensus et sans être activés en même temps. » Ses préconisations : améliorer la formation initiale et continue des enseignants – « elle est au coeur des systèmes qui fonctionnent bien », dit-il –, ou encore concentrer les moyens dans les établissements les plus défavorisés. Autrement dit, revoir la politique d'éducation prioritaire, dont on sait qu'elle n'aboutit pas toujours à « donner plus à ceux qui ont moins ».

    Les difficultés des enfants d'immigrés

    Le système français est encore plus discriminant pour les enfants issus de l'immigration, « au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté », lit-on au fil de l'enquête. Même après contrôle du milieu socio-économique, ils affichent des scores en mathématiques inférieurs de 37 points à ceux des autres jeunes, soit presque l'équivalent d'une année d'étude de perdu !

    L'OCDE est allée plus loin dans l'analyse en distinguant les résultats des adolescents issus de la première et de la seconde génération d'immigrés. Leurs scores sont, respectivement, inférieurs de 83 points et de 60 points à ceux des autres élèves.

    Des élèves anxieux

    Ce n'est pas que les Français n'aiment pas les mathématiques. Au contraire, 65 % déclarent s'y intéresser, soit 12 points de plus que la moyenne de l'OCDE. C'est plutôt que la matière les angoisse, comme c'était déjà le cas il y a dix ans. Ils sont 43 % à se dire « perdus », lorsqu'ils essaient de résoudre un problème (contre 30 % ailleurs) ; plus d'un sur deux est « tendu », quand il a un devoir à faire à la maison.

    A l'anxiété s'ajoute un manque de confiance en soi ; un manque, aussi, de persévérance lorsque les élèves butent sur un problème. Ils sont seulement un tiers à penser que les mathématiques sont l'un de leurs points forts ; pas davantage à se sentir à l'aise avec les exercices les plus difficiles. A l'affirmation : « Quand j'ai un problème difficile à résoudre, j'en fais plus que ce que l'on attend de moi », seul un adolescent sur cinq approuve. L'anxiété est encore plus forte chez les enfants issus de milieux modestes.

    Les filles moins performantes

    Elles ne réussissaient pas mieux – en mathématiques du moins – que les garçons en 2003, et c'est encore le cas aujourd'hui. Les garçons les devancent, en effet, de 9 points. A résultats équivalents, elles se sentent « moins sûres de leurs compétences » et font preuve d'une « moindre persévérance ». En compréhension de l'écrit, en revanche, les filles gardent un très net avantage, avec un score de 44 points supérieur à celui des garçons. La différence est quasiment nulle en sciences (3 points en faveur des garçons).

    La France pointée du doigt comme le système scolaire le plus inégalitaire… Le ministre de l'éducation nationale en fait un argument pour légitimer sa politique. « Les systèmes les plus performants sont ceux qui démocratisent le plus l'école, affirme-t-il. C'est ce que l'on tente de faire depuis un an et demi, dans l'esprit de la loi de refondation de l'école. » Pour faire accepter ses réformes (des rythmes, de la formation des enseignants, des programmes…), Vincent Peillon en appelle à une prise de conscience collective. « Il y a un impératif national à se saisir des inégalités. » Il en va, selon lui, du redressement économique autant que de la cohésion sociale.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet

  • #2
    Pourquoi les écoliers asiatiques réussissent mieux que les autres

    Le Figaro Home ACTUALITE International Par Meddy Mensah
    Publié le 03/12/2013 à 19:35


    INTERVIEW - Les pays asiatiques occupent les premières places du tête du classement PISA qui évalue le niveau des élèves de 15 ans dans le monde. Jean-François Sabouret, sociologue spécialiste du Japon, explique les ingrédients de cette réussite.

    Parmi les enseignements du classement Pisa (Programme for international student assessment), il y a la domination sans partage des pays asiatiques: le premier pays européen ne pointe qu'à la huitième place et il s'agit du... Liechtenstein. Arrivent en tête: Shanghaï, Singapour, Hong Kong, suivis de Taïwan, la Corée du Sud, Macao (Chine), et le Japon. Quel sont les secrets de cette réussite? Le sociologue et directeur émérite au CNRS, Jean-François Sabouret, spécialiste du Japon, apporte quelques éléments de réponses.

    Le Figaro. - Comment expliquer cette prédominance des pays asiatiques dans ce classement?

    Jean-François Sabouret. - Tous ces pays en tête du classement sont des pays hier encore émergents - même s'ils tendent à l'être de moins en moins - obnubilés par la puissance japonaise qui garde encore un très grand rayonnement sur le continent. Ces derniers veulent donc entrer en compétition avec le Japon qui reste en ligne de mire malgré sa perte de vitesse. Une compétition qui met l'accent sur l'éducation car il faut savoir, et c'est là une deuxième explication, que le point commun à tous ces pays, c'est l'importance accordée au savoir et à la matière grise.

    Le lien social, réputé très fort dans ces pays, peut-il expliquer pour une part ces bons résultats?

    Bien sûr. Tout d'abord, il faut se souvenir que ces pays sont d'inspiration confucéenne (en référence à l'enseignement du philosophe Confucius, NDLR), et donc, ont un rapport très privilégié à l'étude, aux valeurs du travail. En outre, il y a bien sûr le respect des traditions, de la hiérarchie et donc des parents et professeurs. Il y a aussi la croyance, naïve ou non, je ne sais pas, que la réussite scolaire est ouverte à tous de manière égalitaire, et qu'elle permettra à terme d'occuper un bon travail et de se situer en haut de l'échelle sociale. Enfin en Chine, le lien social est fort en effet et la volonté de réussite éducative également avec par exemple le rôle des «mères tigres» comme on les surnomme. Des mères qui ne travaillent pas pour se dévouer entièrement à l'éducation de leur(s) enfant(s) comme en Corée ou au Japon.

    Existe-t-il un revers de la médaille concernant le système éducatif asiatique?

    Effectivement, l'enfant peut être porteur d'une trop grande charge sur ses épaules, ce qui peut l'amener dans les cas les plus extrêmes au suicide. Au Japon par exemple, il est arrivé que certains élèves se suicident après la publication de leurs résultats, parce qu'ils ne se voyaient plus dignes de leurs parents. Il faut savoir que dans les pays asiatiques, il existe un accord tacite et invisible entre les parents et leur(s) enfant(s) qui veut que ces derniers remboursent, par l'éducation et la réussite, la dette qu'ils ont contractée envers leurs parents en venant au monde. L'enfant est donc porteur de l'honneur familial mais aussi collectif à travers le patriotisme qui reste toujours présent - un peu moins au Japon qui est devenu plus individualiste. Une charge symbolique donc mais qui peut s'avérer trop lourde à supporter pour certains.
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    Mahomet

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    • #3
      À Shanghaï, ces enfants uniques surperformants

      Le Figaro Home ACTUALITE International Par Patrick Saint-Paul
      Publié le 03/12/2013

      À Shanghaï, quelque 84% des diplômés du lycée accèdent à l'université, contre 24% au niveau national.

      Le par cœur et les méthodes à l'ancienne sont à l'honneur. Et les élèves, premiersdu classement Pisa, rodés aux examens.

      Les élèves de Shanghaï ont surpassé ceux du monde entier. Pour la deuxième fois d'affilée, ils se classent avec brio à la première place de l'étude Pisa, améliorant leurs performances, par rapport à 2009, dans les trois disciplines testées et obtenant le meilleur score dans chacune d'entre elles: 613 en mathématiques, 580 en sciences et 570 en compréhension écrite. Bien que remarquable, le succès de Shanghaï ne saurait cependant représenter les performances de l'ensemble de la Chine.

      Ces très bons résultats ont différentes explications. Tout d'abord, ils découlent du grand sérieux avec lequel les élèves shanghaïens ont effectué le test de l'OCDE. Les professeurs leur ayant souvent signalé que ses résultats étaient importants pour l'image de la Chine à l'étranger, ils ont fait un effort particulier. Les élèves chinois sont déjà très rodés à passer des examens, alors que toute leur scolarité les prépare à passer le très difficile concours d'entrée à l'université. Pour les réussir et engranger le maximum de points nécessaires pour intégrer les meilleurs établissements, les enfants, dès le primaire, complètent leur journée d'école déjà bien chargée par des cours du soir.

      La clé de la réussite

      Avec la politique de l'enfant unique, les parents chinois accordent une grande importance à la scolarité, tous leurs espoirs de réussite reposant sur un seul enfant. L'éducation est aussi en Chine la clé de la mobilité et de la réussite. Le maître est si respecté que lui poser une question est impensable: ce serait lui signifier que son cours n'est pas parfait. L'accent est mis davantage qu'en Europe ou aux États-Unis sur la formation des enseignants et sur l'enseignement plutôt que sur les activités périscolaires. Le par cœur et les méthodes à l'ancienne sont mis à l'honneur. Résultat: la fantaisie n'est pas stimulée et, à l'âge adulte, les Chinois pêchent en matière d'innovation…

      Mais trente ans après la Révolution culturelle et dans un système qui est toujours gouverné par le parti unique, les élèves de Shanghaï reviennent de loin et très vite. Cependant, Shanghaï est un cas à part en Chine, tout comme les anciennes colonies de Hongkong et de Macao, qui jouissent d'un statut spécial et qui se sont classées troisième et cinquième.

      Avec près de 24 millions d'habitants, l'ancienne perle de l'Orient est la mégalopole la plus peuplée et la plus moderne de Chine. Elle compte plus d'habitants que certains pays de l'OCDE. Et, depuis toujours, elle attire les élites chinoises: quelque 84% des Shanghaïens diplômés du lycée accèdent à l'université, contre 24% au niveau national. Le PIB par habitant y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays. Selon une récente étude, le coût des cours de soutien de mathématiques et d'anglais additionné à celui des leçons de piano et de tennis y équivaut souvent à celui d'un salaire moyen en Chine.

      Il n'empêche que ces résultats sont un signe de la rapide modernisation de la Chine. Des études Pisa ont été réalisées dans d'autres provinces dont les résultats n'ont pas été publiés. Les organisateurs de l'épreuve, qui ont consulté les résultats, disent avoir été surpris par le niveau relativement soutenu, même dans les provinces chinoises reculées. De même que Shenzhen fut le lieu d'expérimentation des réformes économiques chinoises des années 1980, Shanghaï est devenue le laboratoire de la Chine moderne. Nul doute que d'ici à une décennie sa réussite scolaire aura déjà reproduit quelques dizaines de clones à travers le pays.
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