Un cycle vient de s’achever en Tunisie, un nouveau commence. Mais pour l’heure, c’est le sévère revers subi par les islamistes d’Ennahdha qui fait l’évènement et qui retient l’attention.
Non seulement, ils ont été devancés par Nidaa Tounès de l’ancien Premier ministre Caid Beji Essebci, qui a raflé plus de 80 sièges, mais ils ont surtout perdu 22 sièges, n’obtenant que 67 sièges contre 89 en 2011. Ses deux alliés au pouvoir avec lesquels il formait la "troika" qui a gouverné la Tunisie durant deux ans et demi - le CPR (Congrès pour la république) du président Marzouki et Ettakatol du président de l’Assemblée nationale constituante Mustapha Bendjaafar) ont été pratiquement laminés : le CPR n’a obtenu que 4 sièges contre 29 et Ettakatol (membre de l’internationale socialiste) deux sièges contre 20 en 2011. Avec 138 sièges sur 217, ces trois formations détenaient la majorité absolue dans l’Assemblée constituante qui vient donc d’achever son mandat. En revanche, le Front populaire (gauche) de Hama Hammami obtiendrait entre 12 et 15 sièges.
En reconnaissant sa défaite, Ennahdha, qui entend rester dans le jeu politique, veut se donner une image d’un parti islamiste responsable acceptant les règles du jeu. Non par amour soudain des valeurs de liberté, d’égalité et de démocratie, mais par réalisme politique. Quand Rached Ghanouchi déclarait au Washington Post daté du 12 décembre 2013 que "la Tunisie est la dernière bougie du Printemps arabe qui reste allumée malgré tous ces vents qui s'acharnent contre elle", il faisait allusion à l’échec des printemps arabes. Privé du soutien de ses Frères musulmans égyptiens depuis l'éviction de Mohamed Morsi en juillet 2013, sous pression de ses mentors américains et européens qui ne voulaient pas voir la crise perdurant en Tunisie se muer en chaos à l'instar de la Libye voisine, surtout après l'irruption des premiers maquis islamistes dans les monts Chambâa et l’assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, deux dirigeants de gauche et progressiste, le leader islamiste et son parti, qui ont manœuvré jusqu'au bout, n'avaient pas d'autre choix que de battre tactiquement en retraite.
Plus encore, la défaite du parti islamiste s’explique par ses deux ans et demi de pouvoir, lesquels s’étaient traduits au plan politico-institutionnel par une entreprise de déconstruction de l’État, l’émergence des Ligues de protection de la révolution (LPR), ces milices islamistes faisant fonction de police parallèle et dont les progressistes demandaient la dissolution (ce qui a été fait), une tentative de maillage des quartiers par les associations caritatives et le contrôle des mosquées et son indulgence coupable à l’égard de la mouvance djihadiste. Et surtout par une montée des tensions sociales due aux promesses non tenues d’amélioration sociale des plus démunis, une détérioration du climat des affaires, une baisse de l’activité touristique qui fait vivre près de deux millions de personnes, une progression du chômage et de la pauvreté et un recul net du PIB. En outre, l’aide promise par le Qatar en contrepartie d’une islamisation de la société a été un immense bluff, et la promesse d’un "tourisme islamique" faite par Rached Ghannouchi, censé remplacer les millions de visiteurs occidentaux, s’est révélée de la même veine. Au final, son mot d’ordre "l’islam est la solution", pour faire accepter son projet rétrograde et réactionnaire, a échoué.
Quant au parti Nidaa Tounès, il doit son succès à la personnalité de son leader Beji Caid Essebci, ancien compagnon de Bourguiba dont il revendique l’héritage moderniste, et à son projet de société d’une modernité tunisienne non autoritaire fondée sur les acquis démocratiques, de liberté et de justice sociale. Ne disposant pas d’une majorité suffisante, Nidaa Tounes, qui doit également tenir ses promesses, sera-t-il tenté de s’allier avec Ennahdha au nom de la stabilité comme le lui recommandent Washington et ses alliés mais aussi l’Algérie de Bouteflika qui a déroulé le tapis rouge à Rached Ghanouchi, le vaincu de ce scrutin législatif ? Ou devra-t-il nouer des alliances avec d’autres partis non islamistes afin de disposer d’une majorité de 109 députés sur 217 pour gouverner ?
Hassan Zerrouky
Non seulement, ils ont été devancés par Nidaa Tounès de l’ancien Premier ministre Caid Beji Essebci, qui a raflé plus de 80 sièges, mais ils ont surtout perdu 22 sièges, n’obtenant que 67 sièges contre 89 en 2011. Ses deux alliés au pouvoir avec lesquels il formait la "troika" qui a gouverné la Tunisie durant deux ans et demi - le CPR (Congrès pour la république) du président Marzouki et Ettakatol du président de l’Assemblée nationale constituante Mustapha Bendjaafar) ont été pratiquement laminés : le CPR n’a obtenu que 4 sièges contre 29 et Ettakatol (membre de l’internationale socialiste) deux sièges contre 20 en 2011. Avec 138 sièges sur 217, ces trois formations détenaient la majorité absolue dans l’Assemblée constituante qui vient donc d’achever son mandat. En revanche, le Front populaire (gauche) de Hama Hammami obtiendrait entre 12 et 15 sièges.
En reconnaissant sa défaite, Ennahdha, qui entend rester dans le jeu politique, veut se donner une image d’un parti islamiste responsable acceptant les règles du jeu. Non par amour soudain des valeurs de liberté, d’égalité et de démocratie, mais par réalisme politique. Quand Rached Ghanouchi déclarait au Washington Post daté du 12 décembre 2013 que "la Tunisie est la dernière bougie du Printemps arabe qui reste allumée malgré tous ces vents qui s'acharnent contre elle", il faisait allusion à l’échec des printemps arabes. Privé du soutien de ses Frères musulmans égyptiens depuis l'éviction de Mohamed Morsi en juillet 2013, sous pression de ses mentors américains et européens qui ne voulaient pas voir la crise perdurant en Tunisie se muer en chaos à l'instar de la Libye voisine, surtout après l'irruption des premiers maquis islamistes dans les monts Chambâa et l’assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, deux dirigeants de gauche et progressiste, le leader islamiste et son parti, qui ont manœuvré jusqu'au bout, n'avaient pas d'autre choix que de battre tactiquement en retraite.
Plus encore, la défaite du parti islamiste s’explique par ses deux ans et demi de pouvoir, lesquels s’étaient traduits au plan politico-institutionnel par une entreprise de déconstruction de l’État, l’émergence des Ligues de protection de la révolution (LPR), ces milices islamistes faisant fonction de police parallèle et dont les progressistes demandaient la dissolution (ce qui a été fait), une tentative de maillage des quartiers par les associations caritatives et le contrôle des mosquées et son indulgence coupable à l’égard de la mouvance djihadiste. Et surtout par une montée des tensions sociales due aux promesses non tenues d’amélioration sociale des plus démunis, une détérioration du climat des affaires, une baisse de l’activité touristique qui fait vivre près de deux millions de personnes, une progression du chômage et de la pauvreté et un recul net du PIB. En outre, l’aide promise par le Qatar en contrepartie d’une islamisation de la société a été un immense bluff, et la promesse d’un "tourisme islamique" faite par Rached Ghannouchi, censé remplacer les millions de visiteurs occidentaux, s’est révélée de la même veine. Au final, son mot d’ordre "l’islam est la solution", pour faire accepter son projet rétrograde et réactionnaire, a échoué.
Quant au parti Nidaa Tounès, il doit son succès à la personnalité de son leader Beji Caid Essebci, ancien compagnon de Bourguiba dont il revendique l’héritage moderniste, et à son projet de société d’une modernité tunisienne non autoritaire fondée sur les acquis démocratiques, de liberté et de justice sociale. Ne disposant pas d’une majorité suffisante, Nidaa Tounes, qui doit également tenir ses promesses, sera-t-il tenté de s’allier avec Ennahdha au nom de la stabilité comme le lui recommandent Washington et ses alliés mais aussi l’Algérie de Bouteflika qui a déroulé le tapis rouge à Rached Ghanouchi, le vaincu de ce scrutin législatif ? Ou devra-t-il nouer des alliances avec d’autres partis non islamistes afin de disposer d’une majorité de 109 députés sur 217 pour gouverner ?
Hassan Zerrouky
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