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«C'est terrible de vivre sous la charia»

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  • «C'est terrible de vivre sous la charia»

    Depuis le début du mois, il sont plus de 20'000 à avoir pris la route pour échapper à la bataille qui a opposé les forces kurdes et les combattants de l'EI autour de leur ville. Dans l'urgence, ils ont attrapé un baluchon et leurs enfants pour franchir au plus vite la frontière turque, à quelques kilomètres de là.


    L'EI se retire et laisse un champ de ruine à Kobané
    Aujourd'hui le fracas des armes s'est tu. Les hommes au drapeau noir ont cédé le contrôle de Tall Abyad aux combattants kurdes et à leurs étendards jaune-vert-rouge frappés d'une étoile. Un soulagement pour la plupart des réfugiés.

    Installée sommairement dans un parc proche du poste-frontière d'Akçakale (sud) où elle s'est faufilée au milieu de la masse des réfugiés, Vefa Hesyni, 32 ans, dit qu'elle aurait fini par devoir rester chez elle toute la journée, tant la loi des jihadistes lui interdisait tout. Même de s'asseoir dehors sur une chaise...

    «Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont fait le tour de la ville pour nous dire tout un tas de choses. Que nos filles peuvent se marier dès l'âge de 8 ans. Que les salons de beauté sont l'oeuvre de Satan. Ou que les femmes devaient rester enfermées tout le temps», assure Vefa, qui a gardé un voile noir qui recouvre son visage.

    Même si elle était la seule à pouvoir nourrir sa famille, elle raconte avoir renoncé à son travail d'agricultrice par peur de faire quelque chose d'interdit et d'être punie.

    «Dieu merci, ils sont partis»

    Elle raconte aussi les visites insistantes, pendant des mois, d'un jihadiste qui voulait épouser sa fille de 13 ans, qui rêve d'être médecin. Et ce voisin, dont des exécutants de l'Etat islamique ont coupé la main parce que coupable de vol. C'était une semaine avant qu'elle ne prenne la fuite pour la Turquie.

    Ils l'ont abandonné en pleine rue, après avoir écrit «Kaffir» (infidèle) sur son front, susurre Vefa. «Dieu merci, ils sont partis. Dieu merci, ils sont partis», répète-t-elle.

    Mahir el-Kuburi se souvient lui aussi parfaitement du jour d'août 2014 où les combattants jihadistes ont débarqué dans Tall Abyad et y ont proclamé le califat.

    «Ce n'était pas une vie», soupire ce fermier âgé de 54 ans. «Au début, certains les ont appréciés parce qu'ils ont essayé de gagner notre confiance en nous offrant gratuitement de la nourriture, de l'eau et toutes sortes d'autres services. Mais ils l'ont vite perdu lorsque tout le monde a constaté leur cruauté».

    Mahir explique que des groupes d'hommes en noir, souvent recrutés localement, patrouillaient tous les jours dans les rues pour s'assurer du strict respect des règles islamiques. A commencer par l'interdiction de l'alcool, immédiate. Il se souvient aussi des punitions infligées à tous les contrevenants, y compris la lapidation jusqu'à ce que mort s'ensuive.

    «Je suis ravi que Daesh soit parti, n'importe quel régime sera meilleur que le leur», s'enthousiasme Mahir, «je veux retourner en Syrie le plus vite possible. Ma Syrie, une Syrie libre».

    Halil el-Ahmed, 55 ans, a réussi à passer en Turquie avec quinze membres de sa famille après avoir passé trois nuits à la belle étoile devant les barbelés qui séparent les deux pays. Lui non plus ne se fait pas prier pour raconter les horreurs de la vie sous le règne des jihadistes.

    «C'est terrible de vivre sous la charia (la loi islamique), qui nous interdit quasiment tout», soupire-t-il.

    Mais cet Arabe s'inquiète déjà de la loi des nouveaux vainqueurs, les Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). En chassant l'EI de Tall Abyad, ils ont étendu leur contrôle sur un vaste territoire de 400 km de long le long de la frontière turque, de Kobané à l'ouest jusqu'à la frontière irakienne.

    «C'est terrible de vivre sous le règne de la peur, d'être effrayé à chaque fois que quelqu'un frappe à la porte», concède Halil. «J'espère que cette guerre va bientôt finir mais je ne veux pas revenir à un pays dirigé par les Kurdes», ajoute-t-il, «nous n'étions pas heureux sous Daesh mais au moins nous connaissions les règles et comment s'y adapter».


    20 minutes
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