Bonjour, est-ce la fin d'une époque ou la fin de la suprématie des Etats-Unis dans le monde ?
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Après quinze ans d’un règne sans partage, Washington semble avoir définitivement ruiné son autorité et son crédit.
Pour Richard Haass, l’un des meilleurs spécialistes américains des relations internationales, « les États-Unis ont fait leur temps au Moyen-Orient ». Ce jugement, sujet à controverse - le président George W. Bush ne serait sûrement pas d’accord - est formulé dans le numéro de novembre-décembre de Foreign Affairs. Haass soutient que la suprématie américaine peut être considérée comme la quatrième période de domination étrangère dans l’histoire récente du Moyen-Orient après le contrôle ottoman, la colonisation britannique et française, et la guerre froide. L’effondrement de l’Union soviétique, il y a seize ans, a inauguré une période où l’Amérique a dominé outrageusement et joui de ce que Haass appelle « une influence et une liberté d’action sans précédent ». Mais désormais, affirme-t-il, cette époque touche à sa fin. Il estime que la région entre dans une phase « où les acteurs étrangers ont un rôle relativement modeste et où les puissances locales reprennent le dessus ».
Haass a-t-il raison ? Ou parle-t-il un peu vite ? Ses sombres conclusions sont-elles excessivement influencées par les erreurs de jugement et les bourdes de l’administration Bush ? L’Amérique peut-elle recouvrer son autorité avec une nouvelle administration ?
Tout d’abord, en dépit de leurs récents échecs, les États-Unis ne sont sérieusement concurrencés au Moyen-Orient par aucune autre puissance ou aucun groupe de puissances étrangères. La guerre en Irak peut avoir toutes les caractéristiques d’un désastre majeur, quelle autre puissance aurait les moyens de dépenser 500 milliards de dollars et de déployer une armée de 140 000 hommes pendant une période indéterminée sur la moitié du globe ? L’Union européenne (UE), dont beaucoup ont espéré qu’elle servirait de contrepoids aux États-Unis, n’a manifestement pas réussi à construire une politique diplomatique et militaire commune. Ses membres sont divisés sur des sujets aussi essentiels que l’Irak, le conflit israélo-arabe et la meilleure manière de contrer l’activisme islamiste. Sur l’Irak, le Royaume-Uni a choisi le parti des États-Unis plutôt que celui de ses principaux partenaires européens, coupant littéralement l’UE en deux.
Du fait de sa spectaculaire croissance économique, la Chine est un adversaire stratégique pour les États-Unis, particulièrement dans l’Est asiatique. Elle est un formidable compétiteur dans la recherche acharnée de matières premières à travers le monde. Pékin a fait des incursions profondes en Afrique, où 500 000 Chinois travaillent désormais, la plupart d’entre eux sur des chantiers de construction. Mais les alliances et partenariats économiques chinois n’ont pas pris cette forme de toute-puissance que les États-Unis peuvent projeter par l’entremise de leur flotte de guerre, de leur réseau mondial de bases militaires et de leur suprématie technologique. L’économie russe, de son côté, s’est améliorée grâce à ses revenus pétroliers et gaziers, mais Moscou est encore très loin de recouvrer l’influence considérable qu’il avait au Moyen-Orient en tant que fournisseur d’armes et protecteur de nombre d’États arabes.
Quant aux puissances régionales, dont Haass estime qu’elles reprendront bientôt la main, il est difficile d’imaginer à qui il pense en particulier. Les Arabes sont encore plus divisés que ne le sont les Européens. Leur richesse pétrolière - qui reste leur principal atout - n’a toujours pas débouché sur la moindre proposition politique cohérente. L’Iran constitue un adversaire plus sérieux de la puissance américaine, mais ses ambitions semblent être purement régionales et défensives. Téhéran cherche à rompre l’isolement artificiel que lui ont imposé les États-Unis, et veut être reconnu comme une puissance de premier plan dans le Golfe et comme le protecteur des communautés chiites partout dans le monde. Sur le plan militaire, plutôt qu’à attaquer d’autres pays, il cherche à se doter de moyens qui lui permettraient de contrer, voire d’empêcher une attaque et d’échapper à une dévastation à l’irakienne.
La suite...
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Après quinze ans d’un règne sans partage, Washington semble avoir définitivement ruiné son autorité et son crédit.
Pour Richard Haass, l’un des meilleurs spécialistes américains des relations internationales, « les États-Unis ont fait leur temps au Moyen-Orient ». Ce jugement, sujet à controverse - le président George W. Bush ne serait sûrement pas d’accord - est formulé dans le numéro de novembre-décembre de Foreign Affairs. Haass soutient que la suprématie américaine peut être considérée comme la quatrième période de domination étrangère dans l’histoire récente du Moyen-Orient après le contrôle ottoman, la colonisation britannique et française, et la guerre froide. L’effondrement de l’Union soviétique, il y a seize ans, a inauguré une période où l’Amérique a dominé outrageusement et joui de ce que Haass appelle « une influence et une liberté d’action sans précédent ». Mais désormais, affirme-t-il, cette époque touche à sa fin. Il estime que la région entre dans une phase « où les acteurs étrangers ont un rôle relativement modeste et où les puissances locales reprennent le dessus ».
Haass a-t-il raison ? Ou parle-t-il un peu vite ? Ses sombres conclusions sont-elles excessivement influencées par les erreurs de jugement et les bourdes de l’administration Bush ? L’Amérique peut-elle recouvrer son autorité avec une nouvelle administration ?
Tout d’abord, en dépit de leurs récents échecs, les États-Unis ne sont sérieusement concurrencés au Moyen-Orient par aucune autre puissance ou aucun groupe de puissances étrangères. La guerre en Irak peut avoir toutes les caractéristiques d’un désastre majeur, quelle autre puissance aurait les moyens de dépenser 500 milliards de dollars et de déployer une armée de 140 000 hommes pendant une période indéterminée sur la moitié du globe ? L’Union européenne (UE), dont beaucoup ont espéré qu’elle servirait de contrepoids aux États-Unis, n’a manifestement pas réussi à construire une politique diplomatique et militaire commune. Ses membres sont divisés sur des sujets aussi essentiels que l’Irak, le conflit israélo-arabe et la meilleure manière de contrer l’activisme islamiste. Sur l’Irak, le Royaume-Uni a choisi le parti des États-Unis plutôt que celui de ses principaux partenaires européens, coupant littéralement l’UE en deux.
Du fait de sa spectaculaire croissance économique, la Chine est un adversaire stratégique pour les États-Unis, particulièrement dans l’Est asiatique. Elle est un formidable compétiteur dans la recherche acharnée de matières premières à travers le monde. Pékin a fait des incursions profondes en Afrique, où 500 000 Chinois travaillent désormais, la plupart d’entre eux sur des chantiers de construction. Mais les alliances et partenariats économiques chinois n’ont pas pris cette forme de toute-puissance que les États-Unis peuvent projeter par l’entremise de leur flotte de guerre, de leur réseau mondial de bases militaires et de leur suprématie technologique. L’économie russe, de son côté, s’est améliorée grâce à ses revenus pétroliers et gaziers, mais Moscou est encore très loin de recouvrer l’influence considérable qu’il avait au Moyen-Orient en tant que fournisseur d’armes et protecteur de nombre d’États arabes.
Quant aux puissances régionales, dont Haass estime qu’elles reprendront bientôt la main, il est difficile d’imaginer à qui il pense en particulier. Les Arabes sont encore plus divisés que ne le sont les Européens. Leur richesse pétrolière - qui reste leur principal atout - n’a toujours pas débouché sur la moindre proposition politique cohérente. L’Iran constitue un adversaire plus sérieux de la puissance américaine, mais ses ambitions semblent être purement régionales et défensives. Téhéran cherche à rompre l’isolement artificiel que lui ont imposé les États-Unis, et veut être reconnu comme une puissance de premier plan dans le Golfe et comme le protecteur des communautés chiites partout dans le monde. Sur le plan militaire, plutôt qu’à attaquer d’autres pays, il cherche à se doter de moyens qui lui permettraient de contrer, voire d’empêcher une attaque et d’échapper à une dévastation à l’irakienne.
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