Le tabou entourant la question du Sahara marocain est-il en train de se briser en Algérie ? Les déclarations faites récemment par certaines personnalités éminentes de la scène politique de ce pays le laissent entendre.
A commencer par Louiza Hanoune, présidente du Parti des travailleurs algérien, qui avait affirmé que le soutien au Polisario « n’est pas une priorité de l’Algérie, à l’heure actuelle », avant d’ajouter que le gouvernement de son pays devrait faire des efforts dans le sens de la normalisation de ses relations avec le Maroc.
Elle a par ailleurs souligné qu’elle « s’exprime au nom d’une majorité d’Algériens qui désapprouvent la position de leur gouvernement sur la question du Sahara ».
Après la tempête médiatique que ses déclarations ont provoquée au sein de la presse inféodée au Palais d’El Mouradia, elle a tenu à préciser sa pensée dans une adresse au quotidien « Liberté ». « Pour nous, il s’agit de renouer avec la tradition de l’Etoile nord-africaine et de coordonner les efforts pour préserver l’intégrité des nations, parce que ces nations sont en danger », a-t-elle dit en notant que son parti ne veut pas qu’à partir du problème du Sahara, « la voie soit ouverte au morcellement des nations ».
Pour sa part, le secrétaire général du Front de libération nationale, Amar Saïdani, a tenu, récemment des propos qui abondent dans le même sens. Interrogé par une chaîne de télévision algérienne sur les relations entre Rabat et Alger, il a refusé d’exprimer son opinion. « J’ai des choses à dire sur cette affaire, mais je ne les dirais pas de crainte d’entraîner le pays dans une autre voie », a-t-il dit en substance. Même si les déclarations de Saïdani étaient un peu énigmatiques, il n’en demeure pas moins que quelques médias algériens et les séparatistes les ont vivement critiquées considérant que ce dirigeant du FLN appelait son pays à laisser tomber le Polisario et à lever la main sur ce dossier qui envenime les relations avec Rabat.
Un ex-ministre du Commerce et fondateur du parti de Renouveau algérien a, lui aussi, enfoncé encore le clou en affirmant que le contribuable algérien a payé le prix de l’obstination de son pays à continuer de soutenir les séparatistes. « Combien nous coûte cette cause (c’est-à-dire le Sahara) et ce problème qui dure ? A-t-on les moyens de continuer à prendre en charge ce dossier ? Ce n’est pas normal. Ce qui se passe dans le pays, c’est de la folie tout simplement », a-t-il tancé en juin dernier lors d’un forum organisé par le quotidien algérien « Liberté ».
S’agit d’un début de changement de la position de la classe politique concernant la question du Sahara marocain, ou d’une manœuvre politicienne dictée par les circonstances?
Pour Mohammed Benamou, président du Centre marocain des études stratégiques, le régime algérien gère l’affaire du Sahara à huis clos et derrière un rideau de fer. Il la considère comme une affaire d’Etat et personne n’a le droit de discuter ou de mettre en doute cette doctrine sacrée de l’Etat.
« C’est la situation qui prévalait depuis des années, mais le contexte actuel est en train de changer », nous a expliqué Benhamou.
D’abord, la complexité du contexte international marqué par les différentes guerres et crises qui secouent essentiellement l’espace euro-méditerranéen. « Ce sont autant d’éléments qui aujourd’hui placent les pays du Maghreb face aux défis sécuritaires ».
De plus, dans ce contexte, l’Algérie ne peut pas continuer à soutenir « une cause injuste et coûteuse », à cause de la crise économique qui a frappé de plein fouet ce pays suite à la chute des prix du pétrole.
A cela s’ajoute la crise politique. « L’on sait que l’Algérie prépare l’après Bouteflika. Et cette transition doit se passer en douceur et en toute sérénité ».
S’il reconnaît qu’il est difficile de briser un tabou que les caciques du régime algérien ont imposé au peuple, c’est que toute remise en question en la matière pouvait mener à une mort certaine comme ce fut le cas du regretté Mohammed Boudiaf. Il n’en demeure pas moins que les déclarations actuelles des leaders politiques qui prennent le contrepied de la position officielle de l’Algérie ne constituent qu’un début. « Je crois que ces déclarations reflètent un profond sentiment de mécontentement des citoyens algériens qui voient leurs richesses dilapidées pour une cause perdue d’avance », a-t-il conclu.
Mourad Tabet
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