>>>>Ils ont peur ces officiels du régime ... le pourquoi saute aux yeux.
Boubkar JAMAÏ
Le journal hebdo
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C’est officiel, le Maroc refuse de ratifier le traité instituant la Cour pénale internationale qu’il avait pourtant signé en septembre 2000.
ImageRappelons que la CPI est cette instance apte à poursuivre les personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre dont les statuts ont été adoptés le 17 juillet 1998 par la communauté internationale lors d’une conférence diplomatique à Rome. La volte-face du Maroc est fâcheuse dans la forme et dans le fond. Dans la forme, d’abord. Que s’est-il passé depuis cette date pour que les autorités marocaines reviennent sur leur décision d’adhérer à cette institution qui représente une avancée indéniable pour la justice internationale ? A en croire notre ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, nos responsables auraient mis plus de six années à découvrir qu’en fait, les statuts de la Cour pénale internationale, qu’ils avaient donc signés le 8 septembre 2000, étaient contradictoires avec la Constitution marocaine. En admettant que le ministre des Affaires étrangères a été sincère dans ses explications, il faut alors admettre aussi qu’il vient de reconnaître que les institutions en charge de la chose, c’est-à-dire son ministère, sont d’une incompétence stratosphérique. Ne devaient-elles pas s’assurer de la conformité des statuts de la CPI avec la Constitution marocaine AVANT de la signer en septembre 2000 ? Les autorités marocaines ont pourtant eu plus de deux années pour étudier ces statuts puisque ceux-ci étaient définitifs depuis au moins juin 1998. Résumons. Les autorités marocaines ont mis plus de deux années pour s’assurer qu’ils pouvaient signer ces statuts et six autres années pour changer d’avis. Il faut dire qu’un pays a fait encore mieux que le Maroc. Les Etats-Unis avaient non seulement signé les statuts de la CPI mais ils les avaient aussi ratifiés avant de revenir sur leur signature. Sauf qu’aux Etats-Unis, les statuts de la CPI avaient été signés et ratifiés par l’administration Clinton avant que l’administration Bush ne fasse marche arrière. Ce changement radical d’orientation s’explique par l’arrivée au pouvoir d’une famille politique allergique au multilatéralisme et imbue de l’unicité et de la supériorité américaines. Au Maroc, pourtant, il n’y a eu ni changement de régime ni changement de monarque ni même de ministre des Affaires étrangères. Voilà un paradoxe, mais un paradoxe en apparence seulement. La stabilité des institutions et le maintien des mêmes personnes aux postes-clés ont mené, chez nous, à une politique de girouette qui change de direction avec le vent. Le vent américain très probablement. Et c’est là que le paradoxe n’est qu’apparent. Car la " stabilité " des institutions et la permanence des hommes à leur poste ne garantit pas la permanence des principes et des idéaux, surtout dans le cadre d’un régime où les responsables ne rendent pas compte. Il faut s’incliner ici devant l’effronterie d’un Mohamed Benaïssa qui explique le changement de cap dans cette histoire de CPI par l’argument du respect de la souveraineté nationale. On sort là des problèmes de forme pour entrer dans ceux du fond de cette volte-face. C’est précisément parce que notre régime s’est récemment enfoncé dans la vassalisation à l’égard de l’administration Bush, et donc au mépris de sa propre souveraineté, que notre pays a très vraisemblablement opéré un virage de 180 degrés dans cette affaire. La presse américaine a cité l’existence d’accords secrets, entre les Etats-Unis et de nombreux pays dont le Maroc, engageant ces derniers à revenir sur leur décision de signer les statuts de la CPI. Des informations en tous les cas assez crédibles pour qu’Amnesty International les relaie. Le revirement du Maroc pose deux autres problèmes de fond essentiels. Le statut du roi et notre relation aux valeurs universelles. Pour justifier le refus du Maroc de ratifier les statuts de la Cour pénale internationale, M. Benaïssa a invoqué le respect de la souveraineté nationale qui se concrétise, en l’occurrence, dans l’irresponsabilité juridique du monarque. Puisque, selon notre Constitution, le roi ne peut être jugé, nous ne pouvons accepter donc qu’il puisse l’être par une juridiction internationale. Un jour, la communauté internationale se rassemble et dit que nous devons trouver un moyen pour punir les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et donc dissuader leur perpétration. Pour ce faire, créons une cour pénale internationale qui jugera ces crimes et dont les lois reposent sur les principes admis par toutes les grandes civilisations du monde. Ce à quoi le Maroc répond en substance que notre monarchie est au-dessus des lois et ne peut être poursuivie internationalement, serait-cee pour des crimes aussi horribles que ceux traités par la CPI. Les statuts de celle-ci stipulant que ces lois ne sont pas rétroactives et ne peuvent donc être appliquées qu’aux crimes postérieurs à la ratification de ces statuts, cela signifie que le refus marocain n’est pas fondé sur la crainte de voir le roi poursuivi pour ce qui se serait passé antérieurement à janvier 2007, mais bel et bien pour le protéger de poursuites pour d’éventuels crimes à venir. Quel message venons-nous d’envoyer à la communauté internationale ? En tentant de préserver les privilèges médiévaux d’une monarchie de droit divin, ne venons-nous pas de proclamer à la face du monde notre sous-développement institutionnel? Est-ce avec ce genre de geste que nous comptons convaincre le monde de notre projet d’autonomie du Sahara ? Le Maroc se plaît à afficher une image, qui n’est d’ailleurs pas totalement fausse, d’un pays épris d’universalité. Nous avons un festival des musiques sacrées à Fès pour souligner notre effort à rechercher le commun entre les sphères spirituelles et religieuses de notre monde. Nous organisons toute une pléthore de manifestations dont l’objectif est de célébrer notre ouverture sur le monde et notre aspiration à l’universel, et voilà que lorsque la communauté internationale met en place une institution qui traduit cette universalité dans ce qu’elle a de plus sacré, la justice et la préservation de vies humaines, nous sommes aux abonnés absents.
Boubkar JAMAÏ
Le journal hebdo
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C’est officiel, le Maroc refuse de ratifier le traité instituant la Cour pénale internationale qu’il avait pourtant signé en septembre 2000.
ImageRappelons que la CPI est cette instance apte à poursuivre les personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre dont les statuts ont été adoptés le 17 juillet 1998 par la communauté internationale lors d’une conférence diplomatique à Rome. La volte-face du Maroc est fâcheuse dans la forme et dans le fond. Dans la forme, d’abord. Que s’est-il passé depuis cette date pour que les autorités marocaines reviennent sur leur décision d’adhérer à cette institution qui représente une avancée indéniable pour la justice internationale ? A en croire notre ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, nos responsables auraient mis plus de six années à découvrir qu’en fait, les statuts de la Cour pénale internationale, qu’ils avaient donc signés le 8 septembre 2000, étaient contradictoires avec la Constitution marocaine. En admettant que le ministre des Affaires étrangères a été sincère dans ses explications, il faut alors admettre aussi qu’il vient de reconnaître que les institutions en charge de la chose, c’est-à-dire son ministère, sont d’une incompétence stratosphérique. Ne devaient-elles pas s’assurer de la conformité des statuts de la CPI avec la Constitution marocaine AVANT de la signer en septembre 2000 ? Les autorités marocaines ont pourtant eu plus de deux années pour étudier ces statuts puisque ceux-ci étaient définitifs depuis au moins juin 1998. Résumons. Les autorités marocaines ont mis plus de deux années pour s’assurer qu’ils pouvaient signer ces statuts et six autres années pour changer d’avis. Il faut dire qu’un pays a fait encore mieux que le Maroc. Les Etats-Unis avaient non seulement signé les statuts de la CPI mais ils les avaient aussi ratifiés avant de revenir sur leur signature. Sauf qu’aux Etats-Unis, les statuts de la CPI avaient été signés et ratifiés par l’administration Clinton avant que l’administration Bush ne fasse marche arrière. Ce changement radical d’orientation s’explique par l’arrivée au pouvoir d’une famille politique allergique au multilatéralisme et imbue de l’unicité et de la supériorité américaines. Au Maroc, pourtant, il n’y a eu ni changement de régime ni changement de monarque ni même de ministre des Affaires étrangères. Voilà un paradoxe, mais un paradoxe en apparence seulement. La stabilité des institutions et le maintien des mêmes personnes aux postes-clés ont mené, chez nous, à une politique de girouette qui change de direction avec le vent. Le vent américain très probablement. Et c’est là que le paradoxe n’est qu’apparent. Car la " stabilité " des institutions et la permanence des hommes à leur poste ne garantit pas la permanence des principes et des idéaux, surtout dans le cadre d’un régime où les responsables ne rendent pas compte. Il faut s’incliner ici devant l’effronterie d’un Mohamed Benaïssa qui explique le changement de cap dans cette histoire de CPI par l’argument du respect de la souveraineté nationale. On sort là des problèmes de forme pour entrer dans ceux du fond de cette volte-face. C’est précisément parce que notre régime s’est récemment enfoncé dans la vassalisation à l’égard de l’administration Bush, et donc au mépris de sa propre souveraineté, que notre pays a très vraisemblablement opéré un virage de 180 degrés dans cette affaire. La presse américaine a cité l’existence d’accords secrets, entre les Etats-Unis et de nombreux pays dont le Maroc, engageant ces derniers à revenir sur leur décision de signer les statuts de la CPI. Des informations en tous les cas assez crédibles pour qu’Amnesty International les relaie. Le revirement du Maroc pose deux autres problèmes de fond essentiels. Le statut du roi et notre relation aux valeurs universelles. Pour justifier le refus du Maroc de ratifier les statuts de la Cour pénale internationale, M. Benaïssa a invoqué le respect de la souveraineté nationale qui se concrétise, en l’occurrence, dans l’irresponsabilité juridique du monarque. Puisque, selon notre Constitution, le roi ne peut être jugé, nous ne pouvons accepter donc qu’il puisse l’être par une juridiction internationale. Un jour, la communauté internationale se rassemble et dit que nous devons trouver un moyen pour punir les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et donc dissuader leur perpétration. Pour ce faire, créons une cour pénale internationale qui jugera ces crimes et dont les lois reposent sur les principes admis par toutes les grandes civilisations du monde. Ce à quoi le Maroc répond en substance que notre monarchie est au-dessus des lois et ne peut être poursuivie internationalement, serait-cee pour des crimes aussi horribles que ceux traités par la CPI. Les statuts de celle-ci stipulant que ces lois ne sont pas rétroactives et ne peuvent donc être appliquées qu’aux crimes postérieurs à la ratification de ces statuts, cela signifie que le refus marocain n’est pas fondé sur la crainte de voir le roi poursuivi pour ce qui se serait passé antérieurement à janvier 2007, mais bel et bien pour le protéger de poursuites pour d’éventuels crimes à venir. Quel message venons-nous d’envoyer à la communauté internationale ? En tentant de préserver les privilèges médiévaux d’une monarchie de droit divin, ne venons-nous pas de proclamer à la face du monde notre sous-développement institutionnel? Est-ce avec ce genre de geste que nous comptons convaincre le monde de notre projet d’autonomie du Sahara ? Le Maroc se plaît à afficher une image, qui n’est d’ailleurs pas totalement fausse, d’un pays épris d’universalité. Nous avons un festival des musiques sacrées à Fès pour souligner notre effort à rechercher le commun entre les sphères spirituelles et religieuses de notre monde. Nous organisons toute une pléthore de manifestations dont l’objectif est de célébrer notre ouverture sur le monde et notre aspiration à l’universel, et voilà que lorsque la communauté internationale met en place une institution qui traduit cette universalité dans ce qu’elle a de plus sacré, la justice et la préservation de vies humaines, nous sommes aux abonnés absents.
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