Il n’y avait aucune raison de la soupçonner. Comme les autres employés de la Defense Intelligence Agency (DIA) [service de renseignements du Pentagone], Ana Belén Montes accomplissait ses huit heures de travail quotidien sans parler à personne ou presque.Enfermée dans son bureau, elle rédigeait des rapports sur les dangers du régime cubain pour les Etats-Unis.
Sur la porte vitrée de son bureau, sa qualité d’“analyste en chef” était indiquée en lettres noires. A l’intérieur, elle affichait une certaine austérité en conservant un vieux canapé noir où s’asseyaient les membres du Pentagone qui venaient discrètement lui demander conseil sur la conduite à tenir face à Castro. Le reste du mobilier consistait en un ordinateur connecté aux 60 terminaux du FBI et une étagère chargée de volumineux classeurs prenant la poussière. Il y avait également la photographie de son éternel fiancé, Roger Corneretto, un membre du Commando Sud, chargé de la supervision des opérations militaires dans tout l’hémisphère, y compris à Cuba.
Il n’y avait donc aucune raison de penser qu’Ana Belén était une espionne, et encore moins qu’elle était le meilleur agent que Cuba ait jamais placé au cœur du gouvernement américain. Car, durant seize ans, Ana Belén a eu accès aux informations les plus secrètes sur les ennemis de Cuba. Elle passait inaperçue, ce qui dans l’univers où elle évoluait est toujours suspect. Cela ne l’a pourtant pas empêchée d’envoyer régulièrement des renseignements à Castro sans éveiller le moindre soupçon, jusqu’au matin du 21 septembre 2001, où, après trois mois de filature, le FBI s’est présenté à sa porte à Washington.
Les agents fédéraux avaient trouvé dès 1994 quelques dissonances dans l’histoire de cette Portoricaine. Le contre-espionnage américain avait appris à l’époque que les Cubains détenaient des informations sur un système de surveillance électronique ultrasecret conçu par les Etats-Unis. Or seule Ana Belén avait connaissance de ces données. Elle avait donc été soumise à un détecteur de mensonges sophistiqué, qui avait permis quelques années auparavant de repérer des agents infiltrés. Mais elle avait passé le test sans problème, et le FBI avait dû ravaler ses soupçons.
Jusqu’en 2000, lors de l’arrestation d’un espion américain à Cuba. Ana Belén était l’une des rares personnes au courant de l’opération menée par cet agent, le FBI en a donc déduit qu’elle avait quelque chose à voir avec l’affaire. Faisant preuve de la même discrétion qu’Ana Belén dans sa vie privée (elle faisait ses courses au supermarché, allait à son club de gym un jour sur deux et retrouvait son fiancé dans des restaurants proches de son appartement), le FBI s’est mis à la filer de façon sporadique, sans se faire beaucoup d’illusions.
Cinq ans après son arrestation, les analystes des services de renseignement n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur l’étendue des dommages qu’elle a pu causer à la sécurité intérieure des Etats-Unis. Washington a traité l’affaire avec la plus grande discrétion, sans pouvoir toutefois cacher qu’Ana Belén avait eu accès à des informations de première importance sur la défense américaine. Elle a notamment eu entre les mains les rapports de l’Agence nationale de sécurité (NSA) sur les moyens d’interception des communications appliqués à Cuba et à l’Amérique latine, ce qui signifie que le gouvernement cubain a tout su des systèmes d’écoute électroniques mis en place par les Etats-Unis. Bill Gertz, journaliste du Washington Times spécialisé dans les questions de défense et auteur du livre Enemies : How America’s Foes Steal Our Vital Secrets and How We Let It Happen [Ennemis : comment les adversaires des Etats-Unis volent nos secrets vitaux et comment nous les laissons faire, éd. Crown Publishing Group, non traduit], estime également que les Cubains connaissent grâce à elle le fonctionnement des principales sources de renseignements du pays. Ce n’est pas tout. Ana Belén a utilisé toutes les informations dont elle disposait pour rédiger le rapport qui a permis au Pentagone de conclure en 1998 que Cuba n’était plus une menace pour les Etats-Unis.
Elle a également organisé des simulations de conflit avec Cuba et a assisté aux réunions de mise au point des méthodes d’espionnage. Elle était un membre important du Hard Target Committee [littéralement “Commission sur les cibles difficiles”], qui discutait des missions d’espionnage dans des pays tels que l’Iran, la Chine, la Corée du Nord et Cuba. Grâce à Ana Belén, La Havane a ainsi pu concevoir de vastes programmes de désinformation. Elle mémorisait les informations qu’elle estimait importantes et, une fois rentrée chez elle, sans même prendre le temps d’enlever la veste de son éternel tailleur, elle s’asseyait devant une discrète radio Sony qui occupait un coin de sa table de travail, dans sa chambre. Elle cherchait alors une certaine fréquence sur les ondes courtes pour émettre ses messages en langage crypté.
Sur la porte vitrée de son bureau, sa qualité d’“analyste en chef” était indiquée en lettres noires. A l’intérieur, elle affichait une certaine austérité en conservant un vieux canapé noir où s’asseyaient les membres du Pentagone qui venaient discrètement lui demander conseil sur la conduite à tenir face à Castro. Le reste du mobilier consistait en un ordinateur connecté aux 60 terminaux du FBI et une étagère chargée de volumineux classeurs prenant la poussière. Il y avait également la photographie de son éternel fiancé, Roger Corneretto, un membre du Commando Sud, chargé de la supervision des opérations militaires dans tout l’hémisphère, y compris à Cuba.
Il n’y avait donc aucune raison de penser qu’Ana Belén était une espionne, et encore moins qu’elle était le meilleur agent que Cuba ait jamais placé au cœur du gouvernement américain. Car, durant seize ans, Ana Belén a eu accès aux informations les plus secrètes sur les ennemis de Cuba. Elle passait inaperçue, ce qui dans l’univers où elle évoluait est toujours suspect. Cela ne l’a pourtant pas empêchée d’envoyer régulièrement des renseignements à Castro sans éveiller le moindre soupçon, jusqu’au matin du 21 septembre 2001, où, après trois mois de filature, le FBI s’est présenté à sa porte à Washington.
Les agents fédéraux avaient trouvé dès 1994 quelques dissonances dans l’histoire de cette Portoricaine. Le contre-espionnage américain avait appris à l’époque que les Cubains détenaient des informations sur un système de surveillance électronique ultrasecret conçu par les Etats-Unis. Or seule Ana Belén avait connaissance de ces données. Elle avait donc été soumise à un détecteur de mensonges sophistiqué, qui avait permis quelques années auparavant de repérer des agents infiltrés. Mais elle avait passé le test sans problème, et le FBI avait dû ravaler ses soupçons.
Jusqu’en 2000, lors de l’arrestation d’un espion américain à Cuba. Ana Belén était l’une des rares personnes au courant de l’opération menée par cet agent, le FBI en a donc déduit qu’elle avait quelque chose à voir avec l’affaire. Faisant preuve de la même discrétion qu’Ana Belén dans sa vie privée (elle faisait ses courses au supermarché, allait à son club de gym un jour sur deux et retrouvait son fiancé dans des restaurants proches de son appartement), le FBI s’est mis à la filer de façon sporadique, sans se faire beaucoup d’illusions.
Cinq ans après son arrestation, les analystes des services de renseignement n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur l’étendue des dommages qu’elle a pu causer à la sécurité intérieure des Etats-Unis. Washington a traité l’affaire avec la plus grande discrétion, sans pouvoir toutefois cacher qu’Ana Belén avait eu accès à des informations de première importance sur la défense américaine. Elle a notamment eu entre les mains les rapports de l’Agence nationale de sécurité (NSA) sur les moyens d’interception des communications appliqués à Cuba et à l’Amérique latine, ce qui signifie que le gouvernement cubain a tout su des systèmes d’écoute électroniques mis en place par les Etats-Unis. Bill Gertz, journaliste du Washington Times spécialisé dans les questions de défense et auteur du livre Enemies : How America’s Foes Steal Our Vital Secrets and How We Let It Happen [Ennemis : comment les adversaires des Etats-Unis volent nos secrets vitaux et comment nous les laissons faire, éd. Crown Publishing Group, non traduit], estime également que les Cubains connaissent grâce à elle le fonctionnement des principales sources de renseignements du pays. Ce n’est pas tout. Ana Belén a utilisé toutes les informations dont elle disposait pour rédiger le rapport qui a permis au Pentagone de conclure en 1998 que Cuba n’était plus une menace pour les Etats-Unis.
Elle a également organisé des simulations de conflit avec Cuba et a assisté aux réunions de mise au point des méthodes d’espionnage. Elle était un membre important du Hard Target Committee [littéralement “Commission sur les cibles difficiles”], qui discutait des missions d’espionnage dans des pays tels que l’Iran, la Chine, la Corée du Nord et Cuba. Grâce à Ana Belén, La Havane a ainsi pu concevoir de vastes programmes de désinformation. Elle mémorisait les informations qu’elle estimait importantes et, une fois rentrée chez elle, sans même prendre le temps d’enlever la veste de son éternel tailleur, elle s’asseyait devant une discrète radio Sony qui occupait un coin de sa table de travail, dans sa chambre. Elle cherchait alors une certaine fréquence sur les ondes courtes pour émettre ses messages en langage crypté.
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