Source : le Journal hebdo
Une trentaine de jeunes du village de l’Oriental Aïn Chaïr ont demandé l’asile en Algérie. Ils sont encore en attente d’expulsion. Leurs familles ont peur des représailles des autorités. Elles organisent des sit-in au quotidien devant la «Kiyada» pour que leurs enfants ne soient pas persécutés à leur retour. Pour ces éleveurs qui ont souffert de plusieurs années de sécheresse, le voyage vers l’Algérie n’est qu’un moyen de pression pour que leurs doléances soient enfin entendues.
Ils ont fini par le faire. 34 jeunes du village Aïn Chaïr, dont l’âge varie entre 15 et 30 ans, ont franchi, le 5 janvier, la frontière séparant le Maroc de l’Algérie pour demander l’asile chez nos voisins : la population de ce village situé à quelque 54 km de la ville de Bouarfa mais à moins de 7 kilomètres de la frontière vit dans l’isolement. Les autocars ne rentrent pas au village. L’électricité n’existe pas et l’unique dispensaire de ce patelin dispose d’un seul infirmier et pas de sage-femme. «Les habitants de la province ne disposent d’aucun autre moyen de pression sur le Pouvoir central que de brandir la menace de l’exil collectif. A Aïn Chaïr, le citoyen doit voyager à Bouaânane, à 40 km de son village, pour obtenir un simple document administratif comme l’extrait d’acte de naissance», affirme M. Reggad, président de la section locale de l’AMDH.
Ce qui a véritablement exaspéré la population, c’est le refus des autorités d’appliquer une décision de justice qui date de 1987 permettant aux habitants de devenir propriétaires d’une parcelle de terre et de pouvoir l’utiliser. En effet, c’est le jour même où les autorités leur avaient promis la visite d’une commission provinciale, qui finalement n’est jamais venue, que des jeunes du village ont alors décidé de mettre leur menace à exécution. «Les autorités ne se sont pas comportées correctement avec les habitants de Aïn Chaïr. Ils ont été à l’origine de cette crise», déplore le président de l’AMDH.
Des signes avant-coureurs…
Ce n’est pas la première fois que les habitants de la région tentent ou parviennent même à passer de l’autre côté de la frontière. En novembre 2004, sept familles, soit 53 citoyens marocains, ont migré en Algérie. Ces nomades qui font partie de la tribu Laâmour ont abandonné leurs tentes et se sont installés dans les terres algériennes. Ils ont été hébergés dans des tentes du croissant rouge algérien, ont reçu soins et nourriture avant de se voir octroyer la nationalité algérienne. Les nomades qui ont été victimes des années de sécheresse ont la vie dure. Ceux qui se sont installés dans les périphéries des villes de la province vivent dans la misère. A Bouarfa, ils ont installé leurs tentes dans les douars Lekhiam et Aïn Zergua et dans le quartier populaire de Touba. Dans ces lieux sinistrés, ces ex-nomades, qui ont perdu au fil des ans la totalité de leur cheptel, habitent carrément dans des grottes. Et ce sont ces mêmes familles qui tenteront en mars, puis en septembre 2005, le passage vers l’Algérie. Femmes, hommes et enfants, un millier environ, accompagnés par des jeunes, des licenciés chômeurs en sit-in depuis 3 mois, vont alors parcourir une distance de 17 km en direction de l’Algérie avant d’être rattrapés par les autorités locales. Le gouverneur de la ville promettra du travail aux diplômés chômeurs. Rien ne se fera. 500 jeunes bénéficieront alors d'une “kanza” et une fois la douzaine de jours terminée, le bénéficiaire se retrouve encore une fois au chômage. «La situation est encore plus explosive aujourd’hui. Et ces exils vers l’Algérie se feront plus souvent si le Pouvoir et les autorités locales ne cherchent pas à trouver des solutions durables pour les jeunes de la région», prédit M. Reggad.
La peur au ventre
Passée la frontière, les jeunes d’Aïn Chaïr ont été interceptés par les éléments de la gendarmerie algérienne à Boukaïs. Ils ont été transportés par hélicoptère à la ville de Bechar puis présentés au parquet pour les délits d’immigration clandestine et d’entrée illégale sur le territoire algérien. Ils ont tous écopé d’une peine de deux mois de prison avec sursis assortie d’une expulsion vers le Maroc à travers le poste frontalier de Beni Ounif. «Grâce aux liens familiaux qui existent des deux côtés de la frontière, l’affaire a été plus ou moins bien gérée là-bas. Le rapatriement se fera dans les prochains jours. Toutefois, la peur s’est installée chez leurs familles qui craignent que leurs enfants ne soient persécutés une fois de retour», s’inquiète l’activiste de l’AMDH. Lors des sit-in, les familles affichent leur appartenance à ce pays en brandissant les portraits du roi et les drapeaux marocains. Ils auraient même, sous la pression des autorités, envoyé une lettre d’allégeance au roi. C’est qu’ils n’ont jamais oublié la répression dont ils ont été l’objet durant les années de plomb, après la mort du général Oufkir qui est originaire de la même région. «Nous avons amorcé un sit-in à durée illimitée devant la baladiya. Nous sommes prêts à tout faire pour sauver nos enfants. Nous sommes Marocains, mais nous voulons l’être à part entière», lance un des habitants du village.
La presse algérienne a réservé plusieurs de ses pages à «ces jeunes qui fuient la misère et la pauvreté dans le royaume du Maroc pour tenter leur chance de travailler en Algérie». Elle rapportera les témoignages de ces jeunes qui se limiteront à répéter qu’ils sont venus en Algérie pour trouver du travail et que le métier d’éleveur ne leur permettait pas de vivre dignement. Aucune revendication politique n’a été émise par les jeunes d’Aïn Chaïr.
Pour cette population marginalisée depuis des décennies par le pouvoir central et les autorités locales, il est temps que leurs revendications soient entendues et leur dignité humainerétablie. Pour que les habitants de cette partie oubliée du royaume se sentent entièrement Marocains.
Une trentaine de jeunes du village de l’Oriental Aïn Chaïr ont demandé l’asile en Algérie. Ils sont encore en attente d’expulsion. Leurs familles ont peur des représailles des autorités. Elles organisent des sit-in au quotidien devant la «Kiyada» pour que leurs enfants ne soient pas persécutés à leur retour. Pour ces éleveurs qui ont souffert de plusieurs années de sécheresse, le voyage vers l’Algérie n’est qu’un moyen de pression pour que leurs doléances soient enfin entendues.
Ils ont fini par le faire. 34 jeunes du village Aïn Chaïr, dont l’âge varie entre 15 et 30 ans, ont franchi, le 5 janvier, la frontière séparant le Maroc de l’Algérie pour demander l’asile chez nos voisins : la population de ce village situé à quelque 54 km de la ville de Bouarfa mais à moins de 7 kilomètres de la frontière vit dans l’isolement. Les autocars ne rentrent pas au village. L’électricité n’existe pas et l’unique dispensaire de ce patelin dispose d’un seul infirmier et pas de sage-femme. «Les habitants de la province ne disposent d’aucun autre moyen de pression sur le Pouvoir central que de brandir la menace de l’exil collectif. A Aïn Chaïr, le citoyen doit voyager à Bouaânane, à 40 km de son village, pour obtenir un simple document administratif comme l’extrait d’acte de naissance», affirme M. Reggad, président de la section locale de l’AMDH.
Ce qui a véritablement exaspéré la population, c’est le refus des autorités d’appliquer une décision de justice qui date de 1987 permettant aux habitants de devenir propriétaires d’une parcelle de terre et de pouvoir l’utiliser. En effet, c’est le jour même où les autorités leur avaient promis la visite d’une commission provinciale, qui finalement n’est jamais venue, que des jeunes du village ont alors décidé de mettre leur menace à exécution. «Les autorités ne se sont pas comportées correctement avec les habitants de Aïn Chaïr. Ils ont été à l’origine de cette crise», déplore le président de l’AMDH.
Des signes avant-coureurs…
Ce n’est pas la première fois que les habitants de la région tentent ou parviennent même à passer de l’autre côté de la frontière. En novembre 2004, sept familles, soit 53 citoyens marocains, ont migré en Algérie. Ces nomades qui font partie de la tribu Laâmour ont abandonné leurs tentes et se sont installés dans les terres algériennes. Ils ont été hébergés dans des tentes du croissant rouge algérien, ont reçu soins et nourriture avant de se voir octroyer la nationalité algérienne. Les nomades qui ont été victimes des années de sécheresse ont la vie dure. Ceux qui se sont installés dans les périphéries des villes de la province vivent dans la misère. A Bouarfa, ils ont installé leurs tentes dans les douars Lekhiam et Aïn Zergua et dans le quartier populaire de Touba. Dans ces lieux sinistrés, ces ex-nomades, qui ont perdu au fil des ans la totalité de leur cheptel, habitent carrément dans des grottes. Et ce sont ces mêmes familles qui tenteront en mars, puis en septembre 2005, le passage vers l’Algérie. Femmes, hommes et enfants, un millier environ, accompagnés par des jeunes, des licenciés chômeurs en sit-in depuis 3 mois, vont alors parcourir une distance de 17 km en direction de l’Algérie avant d’être rattrapés par les autorités locales. Le gouverneur de la ville promettra du travail aux diplômés chômeurs. Rien ne se fera. 500 jeunes bénéficieront alors d'une “kanza” et une fois la douzaine de jours terminée, le bénéficiaire se retrouve encore une fois au chômage. «La situation est encore plus explosive aujourd’hui. Et ces exils vers l’Algérie se feront plus souvent si le Pouvoir et les autorités locales ne cherchent pas à trouver des solutions durables pour les jeunes de la région», prédit M. Reggad.
La peur au ventre
Passée la frontière, les jeunes d’Aïn Chaïr ont été interceptés par les éléments de la gendarmerie algérienne à Boukaïs. Ils ont été transportés par hélicoptère à la ville de Bechar puis présentés au parquet pour les délits d’immigration clandestine et d’entrée illégale sur le territoire algérien. Ils ont tous écopé d’une peine de deux mois de prison avec sursis assortie d’une expulsion vers le Maroc à travers le poste frontalier de Beni Ounif. «Grâce aux liens familiaux qui existent des deux côtés de la frontière, l’affaire a été plus ou moins bien gérée là-bas. Le rapatriement se fera dans les prochains jours. Toutefois, la peur s’est installée chez leurs familles qui craignent que leurs enfants ne soient persécutés une fois de retour», s’inquiète l’activiste de l’AMDH. Lors des sit-in, les familles affichent leur appartenance à ce pays en brandissant les portraits du roi et les drapeaux marocains. Ils auraient même, sous la pression des autorités, envoyé une lettre d’allégeance au roi. C’est qu’ils n’ont jamais oublié la répression dont ils ont été l’objet durant les années de plomb, après la mort du général Oufkir qui est originaire de la même région. «Nous avons amorcé un sit-in à durée illimitée devant la baladiya. Nous sommes prêts à tout faire pour sauver nos enfants. Nous sommes Marocains, mais nous voulons l’être à part entière», lance un des habitants du village.
La presse algérienne a réservé plusieurs de ses pages à «ces jeunes qui fuient la misère et la pauvreté dans le royaume du Maroc pour tenter leur chance de travailler en Algérie». Elle rapportera les témoignages de ces jeunes qui se limiteront à répéter qu’ils sont venus en Algérie pour trouver du travail et que le métier d’éleveur ne leur permettait pas de vivre dignement. Aucune revendication politique n’a été émise par les jeunes d’Aïn Chaïr.
Pour cette population marginalisée depuis des décennies par le pouvoir central et les autorités locales, il est temps que leurs revendications soient entendues et leur dignité humainerétablie. Pour que les habitants de cette partie oubliée du royaume se sentent entièrement Marocains.
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