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Singapour: la cité-Etat a perdu de son aura

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  • Singapour: la cité-Etat a perdu de son aura

    Longtemps érigée en exemple pour son dynamisme économique et sa modernité, la cité-Etat a perdu de son aura. Désormais incapable de garantir un progrès social à sa population, le régime autoritaire de la famille Lee cède à la crispation et réprime systématiquement toute source de critiques.

    Chee Soon Juan, le secrétaire général du Parti démocratique de Singapour (PDS), a été condamné en novembre dernier à cinq semaines de prison pour avoir pris la parole en public sans autorisation officielle au cours de la campagne électorale de mai dernier. C’est la quatrième fois que le gouvernement autoritaire de Singapour emprisonne Chee pour avoir exprimé ses opinions politiques. En 2006, M. Chee et son parti ont été placés en faillite après avoir refusé de payer 500 000 dollars de Singapour [environ 248 000 euros] de dommages et intérêts aux anciens Premiers ministres Lee Kuan Yew et Goh Chok Tong pour des commentaires diffamatoires insinuant la complicité du gouvernement dans une affaire de corruption liée à la Fondation nationale du rein.

    Depuis plusieurs années déjà, des organisations des droits de l’homme, dont Amnesty International, dénoncent les dirigeants de Singapour, qui utiliseraient des procès en diffamation pour acculer au silence et à la faillite leurs adversaires politiques. [Un nouveau procès contre Chee a débuté le 8 janvier. Le gouvernement l’accuse d’avoir quitté le pays sans autorisation.]
    L’actuelle campagne contre Chee apparaît en fait comme un acte de désespoir politique. Six mois après la victoire électorale retentissante de son parti, le Parti de l’action du peuple (PAP, qui a remporté 82 des 84 sièges du Parlement), le gouvernement est particulièrement fragilisé. Et cela pour la première fois depuis des décennies. Des voix de plus en plus critiques s’élèvent en effet à propos de la gestion des deniers de l’Etat. Les commentaires particulièrement virulents de Chee sur cette question – qui ont été diffusés par le site Internet de son parti politique (Singaporedemocrat.org) – ont manifestement fait mouche. Son emprisonnement en témoigne.
    Le site web de Chee explique par ailleurs comment Lee Kuan Yew, fondateur du régime et actuel “ministre mentor”, n’a jamais permis à une presse indépendante et curieuse de prendre pied dans cette île-Etat placée sous étroite surveillance.

    Les critiques répétées de Chee, qui dénonce l’écart grandissant des revenus, la gestion opaque du Fonds central de prévoyance (Sécurité sociale) et le secret qui entoure l’utilisation et l’investissement des réserves nationales par le gouvernement, ont attiré de nombreux internautes. Beaucoup de jeunes électeurs adeptes des nouvelles technologies sont excédés par la mainmise de l’Etat sur l’information. Le chef de l’opposition a également abordé le sujet hautement sensible de la politique fiscale du gouvernement, qui a toujours exercé une forte pression sur les foyers mais très peu investi dans les programmes sociaux.

    Le Fonds monétaire international (FMI) n’a cessé de réclamer des informations au gouvernement sur ses sociétés d’investissement et leurs taux de rendement. Lee Kuan Yew et Lee Hsien Loong sont tous deux à la tête du conseil de direction de Government Investment Corp. (GIC), qui décident des investissements nationaux, tandis que Ho Ching, la femme de Lee fils, a été nommée directrice exécutive de Temasek, l’organe du gouvernement en matière d’investissements à l’étranger. La famille Lee se montre extrêmement susceptible face au genre de remarques formulées publiquement par M. Chee sur le pouvoir très exclusif qu’elle exerce sur les finances du pays. En 2004, elle avait par exemple poursuivi The Economist pour diffamation et obtenu des excuses ainsi que 245 000 euros environ de dommages et intérêts auprès d’un tribunal de Singapour à propos d’allusions faites par l’hebdomadaire sur la nomination de Ho Ching à la tête de Temasek.

    L’arrestation de Chee constitue un sérieux revers pour tous ceux qui avaient cru que l’arrivée de Lee Hsien Loong au poste de Premier ministre était le signe d’une détente politique. Lors d’un important discours prononcé au moment de sa prise de fonctions, en août 2004, celui-ci avait promis de faire de Singapour une “société ouverte” et émis le souhait de favoriser un “facteur X” capable de générer davantage de créativité et d’aider la cité-Etat à se démarquer de ses voisins.

    La même stratégie répressive de père en fils


    Mis à part le fait qu’il a davantage libéralisé la prostitution, Lee fils a fait très peu pour réaliser son “facteur X” et sortir de l’ornière autoritaire de son père. Selon certaines sources proches du gouvernement, ses qualités de leader et ses propositions politiques n’ont pas du tout convaincu l’appareil administratif de l’Etat. D’après un éminent analyste singapourien – qui a souhaité rester anonyme, par crainte de représailles –, Lee fils est “une version génétiquement édulcorée de son père”.

    Aujourd’hui, ce digne fils de son père s’apprête à renforcer le contrôle des autorités sur Internet. Et il compte interdire un peu plus encore toute forme de communication collective – dans le monde physique comme dans le cyberespace – en réprimant 19 nouveaux délits et en renforçant les peines prévues pour 19 délits existants. Si ces nouvelles lois sont adoptées, elles intensifieront considérablement le dispositif juridique, déjà très sévère, que possède le gouvernement pour brider la dissidence sous toutes ses formes. Tout cela tend à démontrer aux Singapouriens que la passation des pouvoirs entre le père et le fils ne se déroule pas aussi bien que prévu. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander si cette transition politique savamment orchestrée survivra à la disparition de Lee Kuan Yew, aujourd’hui âgé de 83 ans.
    De récentes statistiques économiques indiquent que l’écart croissant des richesses ébranle la confiance du pays à l’égard de la politique du gouvernement et menace de saper la stabilité politique et sociale qui, jusqu’à présent, a été la base du modèle de développement économique, fondé sur le laisser-faire.

    Au lieu de promouvoir la démocratie et le dialogue afin d’aborder les défis économiques grandissants de la cité-Etat, le Premier ministre, M. Lee, a recours à la stratégie répressive de son père, et si l’on en croit les forums de discussion sur Internet, de plus en plus contestée.

    Par Shawn W. Crispin Asia Times Online
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