La France a perdu toutes ses guerres et au Sahel cette constance se confirmera.
- Le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, auteur du livre « Une guerre perdue », estime que «l’opération “Barkhane” prolonge la vie de régimes corrompus ».
Le 12 janvier 2013 débutait l’intervention militaire française au Mali, destinée à lutter contre l’expansion de groupes djihadistes. Sept ans plus tard, le spécialiste des questions africaines Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), estime que l’armée française se retrouve prise « dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan ». Auteur du livre Une guerre perdue* (à paraître le 15 janvier), il estime que la France devrait « annoncer un désengagement », alors qu’Emmanuel Macron fait venir pour un sommet à Pau, lundi 13 janvier, les présidents des pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie).
Votre ouvrage à paraître s’intitule Une guerre perdue. Il serait donc déjà temps d’acter l’échec de l’intervention militaire française au Sahel ?
Clairement, le bilan n’est pas bon. En janvier 2013, le déploiement des troupes françaises a débuté avec deux grands objectifs : empêcher l’enracinement des groupes djihadistes dans le nord du Mali et restaurer la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire. Aucun n’a été atteint. Le pays reste coupé en deux. Dans le nord, des groupes rebelles taxent les populations et les services publics ne fonctionnent pas, ou peu. Et pour gagner Bamako par la route depuis Gao, il faut passer par le Niger puis le Burkina Faso.
La France a donné un coup de pied dans la fourmilière des groupes djihadistes. Le résultat est qu’ils se sont dispersés puis ont émergé dans des zones où ils ne se trouvaient pas avant, comme le nord du Burkina Faso ou le Macina, dans le centre du Mali. On observe donc plutôt une extension du phénomène. Et ces groupes, qui étaient fragmentés et ne s’entendaient pas forcément, se sont regroupés, avec désormais un ennemi commun : la France. La présence militaire étrangère leur donne une légitimité.
" Les groupes djihadistes, qui étaient fragmentés, se sont regroupés autour d’un ennemi commun : la France."
Cet échec était-il selon vous programmé ?
Oui, on a confié à l’armée française une mission impossible. Au Mali, le djihadisme n’a jamais été que le symptôme d’un Etat défaillant. L’armée française est intervenue à Tombouctou alors que le fond du problème se trouvait à Bamako. Que peut faire la France dans un tel contexte ? A l’époque, elle aurait pu se contenter de donner un coup de semonce aux djihadistes en bombardant certaines de leurs positions, puis se retirer. Au lieu de cela, on se retrouve avec 4 500 hommes pris dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan. Pour l’instant, côté français, il n’y a pas eu énormément de pertes humaines, malgré l’accident d’hélicoptères de fin novembre : 41 hommes en sept ans, ce n’est pas l’Algérie. Mais le problème de fond, c’est l’inanité de cette intervention. Je ne vois pas comment la France peut réussir à sauver cette partie de l’Afrique en s’appuyant sur des armées défaillantes.-.
Le Monde.fr
- Le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, auteur du livre « Une guerre perdue », estime que «l’opération “Barkhane” prolonge la vie de régimes corrompus ».
Le 12 janvier 2013 débutait l’intervention militaire française au Mali, destinée à lutter contre l’expansion de groupes djihadistes. Sept ans plus tard, le spécialiste des questions africaines Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), estime que l’armée française se retrouve prise « dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan ». Auteur du livre Une guerre perdue* (à paraître le 15 janvier), il estime que la France devrait « annoncer un désengagement », alors qu’Emmanuel Macron fait venir pour un sommet à Pau, lundi 13 janvier, les présidents des pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie).
Votre ouvrage à paraître s’intitule Une guerre perdue. Il serait donc déjà temps d’acter l’échec de l’intervention militaire française au Sahel ?
Clairement, le bilan n’est pas bon. En janvier 2013, le déploiement des troupes françaises a débuté avec deux grands objectifs : empêcher l’enracinement des groupes djihadistes dans le nord du Mali et restaurer la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire. Aucun n’a été atteint. Le pays reste coupé en deux. Dans le nord, des groupes rebelles taxent les populations et les services publics ne fonctionnent pas, ou peu. Et pour gagner Bamako par la route depuis Gao, il faut passer par le Niger puis le Burkina Faso.
La France a donné un coup de pied dans la fourmilière des groupes djihadistes. Le résultat est qu’ils se sont dispersés puis ont émergé dans des zones où ils ne se trouvaient pas avant, comme le nord du Burkina Faso ou le Macina, dans le centre du Mali. On observe donc plutôt une extension du phénomène. Et ces groupes, qui étaient fragmentés et ne s’entendaient pas forcément, se sont regroupés, avec désormais un ennemi commun : la France. La présence militaire étrangère leur donne une légitimité.
" Les groupes djihadistes, qui étaient fragmentés, se sont regroupés autour d’un ennemi commun : la France."
Cet échec était-il selon vous programmé ?
Oui, on a confié à l’armée française une mission impossible. Au Mali, le djihadisme n’a jamais été que le symptôme d’un Etat défaillant. L’armée française est intervenue à Tombouctou alors que le fond du problème se trouvait à Bamako. Que peut faire la France dans un tel contexte ? A l’époque, elle aurait pu se contenter de donner un coup de semonce aux djihadistes en bombardant certaines de leurs positions, puis se retirer. Au lieu de cela, on se retrouve avec 4 500 hommes pris dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan. Pour l’instant, côté français, il n’y a pas eu énormément de pertes humaines, malgré l’accident d’hélicoptères de fin novembre : 41 hommes en sept ans, ce n’est pas l’Algérie. Mais le problème de fond, c’est l’inanité de cette intervention. Je ne vois pas comment la France peut réussir à sauver cette partie de l’Afrique en s’appuyant sur des armées défaillantes.-.
Le Monde.fr
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