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Jean Daniel craint la "Sainte alliance" Bush Sarkozy contre l’Iran

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  • Jean Daniel craint la "Sainte alliance" Bush Sarkozy contre l’Iran

    « Sainte alliance » contre l’Iran

    J’ignore, au moment où j’écris, ce qu’est en train de dire Nicolas Sarkozy à Washington. J’espère que Jean-David Levitte et Henri Guaino auront bien relu, cette fois, leur copie. Je sais seulement que notre président croit à ses capacités personnelles et qu’il voudrait rendre crédible sa volonté de jouer un rôle international au nom de la France.

    Car il ne s’agit plus de libérer des infirmières ou de rapatrier des confrères. Notre président doit définir la conception nouvelle qu’il se fait de ses rapports avec la première puissance de la planète dans un monde qui change radicalement.

    Ce changement concerne d’abord, et en effet, les Etats-Unis. Après la chute du mur de Berlin et l’implosion du communisme, ils étaient devenus la superpuissance unique et indiscutée de la planète. Gendarmes du monde, ils avaient été approuvés aux Nations unies par la quasi-unanimité des 192 Etats (2 voix hostiles, 1 abstention) lorsqu’il s’était agi d’exiger de Saddam Hussein le retrait des forces irakiennes qui avaient envahi le Koweït. C’était la première guerre dite du Golfe. On était passé de la superpuissance à l’hyperpuissance selon les mots d’Hubert Védrine. Tout a commencé à changer lorsque les attentats islamistes du 11 septembre 2001 ont frappé au coeur le symbole de la puissance américaine. L’émoi de la communauté internationale a été considérable. Lorsque les Etats-Unis ont décidé d’intervenir en Afghanistan pour punir Ben Laden, Al-Qaida et leurs partisans supposés, ils ont été largement approuvés - sauf par les opinions publiques de quelques pays arabes.

    La superpuissance a vu son pouvoir discuté lorsqu’il s’est agi d’intervenir en Irak après l’avoir fait en Afghanistan. Lorsque, surtout, les Etats-Unis ont décidé d’agir seuls, sans tenir compte du Conseil de Sécurité des Nations unies. Fallait-il, au nom d’une fidélité atlantique, demeurer solidaire des Etats-Unis, y compris en envoyant des troupes à Bagdad ? Les Français ont eu l’audace de s’y opposer. Mais pas tous. En particulier pas l’ancien ministre de l’Intérieur devenu depuis président. Le paradoxe est que ce soit désormais l’opinion publique américaine qui comprend, en désavouant George Bush, le manque de solidarité des Français.

    Alors, qu’est-ce qui pourrait pousser aujourd’hui Nicolas Sarkozy à s’éloigner du peuple américain en se rapprochant de son président ? D’autant qu’après le désastre irakien et les menaces de crise financière mondiale, après, surtout, la nouvelle affirmation des puissances émergentes comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Iran, on ne peut plus dire que le monde est unipolaire, qu’il dépend des caprices et des intérêts d’une seule et grande nation autour de laquelle il n’y a plus de place que pour des satellites. Indépendant s’il le veut, le président français peut parler au nom de la France au moment où se pose à nouveau la question de savoir s’il faut ou non, comme le recommande Rudolph Giuliani, l’ancien maire de New York, bombarder l’Iran. Le faire sans attendre ? Au moment même où le directeur général de l’Agence internationale de l’Energie atomique, Mohamed ElBaradei, et les représentants de l’Union européenne attendent de Téhéran des réponses à leurs propositions ? Ce qui s’est passé, c’est qu’avant d’être reçu à Paris par Nicolas Sarkozy Ehoud Olmert, Premier ministre israélien, a été l’hôte de la Maison-Blanche et que les deux entretiens qu’il a eus avec George Bush ont été de la plus haute importance. D’une part, paradoxe des paradoxes, Ehoud Olmert a déclaré qu’une paix entre Israéliens et Palestiniens serait conclue avant le départ de George Bush de la Maison-Blanche. Mais d’autre part, et sur un autre ton, Ehoud Olmert a affirmé que, s’agissant de l’Iran, il ne parlerait plus désormais au nom de l’Etat juif mais au nom de tous les martyrs de la Shoah. C’était donc la mobilisation générale qu’il fallait décider. Dans cinq ans au plus tard, selon les experts, l’Etat iranien disposera de tout un arsenal nucléaire. Le temps travaille donc pour les autorités iraniennes actuelles. Or rarement, depuis Hitler, un chef d’Etat aura déclaré avec autant de franchise et de détermination qu’il était décidé à rayer de la carte un autre Etat. Pourquoi faudrait-il bombarder sans attendre ? Parce que les Iraniens sont aujourd’hui isolés, ne disposant d’aucun allié parmi leurs voisins immédiats. Leur capacité de nuisance extérieure ne repose que sur la Syrie, le mouvement du Hezbollah au Liban et celui du Hamas en Palestine. Pour Dick Cheney, pour les « néocons » et en dépit des avis de Condoleezza Rice, c’est donc le moment ou jamais de frapper. Car tout évolue très vite. On en voit la preuve dans l’attitude de Vladimir Poutine qui, après avoir su faire accepter l’écrasement de la Tchétchénie, devient maintenant l’allié virtuel d’un certain nombre d’Etats arabes et le partenaire efficace de quelques grands Etats pétroliers.

    I l ne sera certes pas question que du Moyen-Orient à Washington, mais les faucons américains voudraient bien pouvoir enrôler la France de Nicolas Sarkozy dans une nouvelle « sainte alliance » hostile à l’Iran et inciter l’Union européenne à aggraver de plus en plus les sanctions. Le président Bush sait déjà, cependant, que les Français, quel que soit le degré d’hostilité suscité chez eux par les Iraniens, ne comptent pas se laisser entraîner dans une aventure militaire. On ne peut se contenter, en effet, de constater que ce sont les mêmes qui, à Washington, ont conduit George Bush au désastre irakien et qui, aujourd’hui, continuent de poursuivre leur utopie moyenorientale. L’important n’est pas de savoir quels buts poursuivent, secrètement ou pas, les partisans d’une intervention contre l’Iran. Il est de savoir si l’Iran mérite cette intervention et, surtout, quelles en seraient les conséquences. Car personne ne maîtrise plus l’évolution de la crise. Quelle va être l’attitude des différentes Républiques musulmanes du Caucase ? Comment réagiront les opinions publiques des Etats arabes et des communautés musulmanes qui sont déjà installées dans les pays occidentaux ? Et comment ne pas prêter attention aux propos du sénateur Joe Biden : « Si nous attaquons l’Iran pour l’empêcher d’obtenir quelques kilos d’uranium hautement enrichi, mus risquons de faciliter la chute de l’instable gouvernement Musharrafet l’utilisation contre Israël et l’Inde des bombes toutes prêtes de l’arsenal nucléaire pakistanais. ».

    Jean Daniel

    Le Nouvel Observateur
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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