Mourad Chebbine, journaliste algérien, aujourd'hui directeur de la rédaction de la chaine américaine Al Hurra s'exprime au sujet d'Al Jazeera.
Ses commentaires semblent pouvoir s'appliquer à toute chaine d'information selon les orientations politiques.
J'ai recemment lu une critique acerbe sur Al Jazeera rédigée de la main d'une correspondante américaine en Jordanie qui a suivi pendant plusieurs mois le programme de la chaine d'information.
S'il vous arrive de suivre les informations sur Al Jazeera, pensez qu'il faille la diaboliser plus qu'une autre chaine ?
Voici un extrait des propos de Mourad Chebbine :
Comment vous êtes-vous convaincu d’un tel choix ? Vous est-il paru difficile de passer carrément dans « l’autre camp » et travailler pour une chaîne américaine ?
J’ai choisi de venir à Al Hurra parce que je voulais d’abord changer de contexte géographique… Et moi qui voulais une autre expérience, je me suis retrouvé dans un petit Moyen-Orient à Washington (rires), avec tous les journalistes du monde arabe. Al Hurra est une expérience encore nouvelle pour être évaluée. L’ambiance au sein de la rédaction est la même que dans toutes les rédactions arabes. La différence se manifeste sur le plan du management. Les Américains qui chapeautent la chaîne sont nettement plus ouverts, accordent plus de liberté. Parmi nos journalistes, il y a ceux qui réagissent plutôt bien, d’autres pensent à tort qu’ils sont là pour faire dans la propagande pro ou antiaméricaine. Moi je me contente de faire mon travail correctement et de présenter les choses telles qu’elles sont, sans parti pris. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. J’ai pour ainsi dire un grand problème avec des chaînes comme Al Jazeera qui font passer l’audience avant les critères professionnelles. Al Jazeera incarne pour moi tout ce que je ne veux pas être et faire. Quand on court derrière l’audience, on ne s’encombre pas du respect des règles élémentaires de l’exercice de la profession : on devient populiste, on caresse le téléspectateur arabe dans le sens des poils. On lui fait voir et entendre ce qu’il a envie de voir et d’entendre et s’il est sous-développé, il n’en est absolument pas la cause, mais c’est la faute de l’Occident et de l’Amérique ! Et si par malheur, il ne sait pas s’adapter à la modernité, ce n’est toujours pas de sa faute, c’est plutôt celle de la modernité. Pour revenir aux « scrupules » qu’on pourrait éprouver en intégrant une chaîne financée exclusivement pas les Américains, je dois vous dire qu’il n’y a pas lieu d’en avoir. Toutes les chaînes sont financées par tel personnage ou tel organisme. La chaîne Abou Dhabi est financée par le gouvernement des Emirats… et c’est pareil pour toutes les autres. Al Hurra, ce n’est pas l’administration Bush qui la finance mais le Congrès américain, donc le peuple américain. Le conseil d’administration de la chaîne est composé de 4 membres du parti démocrate et 4 républicains. Si les journalistes d’Al Hurra osent critiquer la politique de Bush, notamment sur la guerre contre l’Irak, il n’est pas de même pour les chaînes arabes. Al Jazeera s’est-elle déjà permis de critiquer l’émir du Qatar ? Jamais. Il est aussi vrai de dire que cette chaîne a ses objectifs qui pourraient être assimilés à de la propagande. Al Hurrra, la voix de l’Amérique au Moyen-Orient, se veut être d’abord un outil pour expliciter la politique américaine et susciter la compréhension des peuples de la région.
Mais comment concilier l’exercice propre de la profession de journaliste avec le cahier des charges de la chaîne dont vous ne niez pas les missions de propagande ?
Avant de venir ici, j’ai lu plusieurs interviews données par le directeur de la chaîne. Il lui assigne une mission similaire à celle confiée à la radio La voix de l’Amérique pendant la guerre froide. On a plusieurs chaînes concurrentes, dont Al Jazeera, qui verse, elle, dans la propagande pour les islamistes et pour certains autres mouvements. Cela ne cadrait pas avec la vision que j’ai du métier, qui veut qu’on s’efforce constamment de montrer qu’un événement peut comporter plusieurs vérités. Al Hurra est l’émanation de la société pour qui l’ouverture, la liberté et la démocratie ne sont pas que des concepts creux. Encore une fois, il faut faire le distinguo entre la société américaine et la politique américaine qui pose problème surtout dans notre région. La politique étrangère américaine est orientée, comme c’est de notoriété publique, vers la satisfaction des intérêts américains et des intérêts des puissants lobbies. Pour moi, en tant que journaliste, j’essaye de profiter de cet environnement pour faire mon travail de journaliste.
Ses commentaires semblent pouvoir s'appliquer à toute chaine d'information selon les orientations politiques.
J'ai recemment lu une critique acerbe sur Al Jazeera rédigée de la main d'une correspondante américaine en Jordanie qui a suivi pendant plusieurs mois le programme de la chaine d'information.
S'il vous arrive de suivre les informations sur Al Jazeera, pensez qu'il faille la diaboliser plus qu'une autre chaine ?
Voici un extrait des propos de Mourad Chebbine :




Commentaire