Al-Qaida en Irak prépare des "enfants-bombes" au djihad, selon une vidéo saisie par des soldats américains

C'est une bande-vidéo proprement terrifiante que le commandement américain en Irak a décidé de montrer, mercredi 6 février, à des journalistes invités dans ses locaux à l'intérieur de la "zone verte" ultra-fortifiée de Bagdad.

Saisis, selon le contre-amiral Gregory Smith, "dans une cache d'Al-Qaida en Irak en décembre [2007]", à Khan Bani-Saad, localité sunnite située au nord-est de Bagdad, les enregistrements vidéo, réalisés en juin et d'excellente qualité technique, montrent une quinzaine d'enfants de 8 à 12 ans, vêtus de survêtements noirs à bandes blanches, encagoulés et armés jusqu'aux dents, s'entraîner sous la direction d'un adulte à kidnapper des passants, à en tuer, et à prendre d'assaut des maisons pour y assassiner leurs occupants.

L'une des bandes montre aussi un gamin posant fièrement, une arme automatique à la main, une ceinture d'explosifs autour de sa maigre poitrine. D'autres scènes montrent des enfants vêtus comme des footballeurs, assis en rond, chantant tous ensemble des refrains à la gloire des "combattants de Dieu".

"PROCHAINE GÉNÉRATION"

Selon l'officier américain, ces bandes-vidéo auraient été tournées par les extrémistes "à des fins de propagande destinée à endoctriner d'autres garçons pour les recruter. Ils préparent ainsi la prochaine génération de djihadistes". La projection de presse – et la distribution des cassettes aux télévisions locales et internationales – sert aussi les objectifs propagandistes des autorités irakiennes et américaines.

Il est impossible, de Bagdad, d'établir l'authenticité de ces tournages. Mais il est établi qu'au moins deux attentats-suicides, jusque-là sans précédent, ont été perpétrés, ces dernières semaines, par des jeunes d'une quinzaine d'années contre des cheikhs tribaux révoltés par les méthodes des djihadistes et devenus supplétifs des forces américaines.
"Les terroristes enlèvent un nombre grandissant d'enfants, non seulement pour les recruter pour leurs opérations, mais aussi pour obtenir des rançons de leurs parents", affirme Mohammed Al-Askari, porte-parole du ministère irakien de la défense. Selon le militaire américain, il est "possible" que les "enfants-bombes" de la vidéo aient été envoyés dans ce "camp" particulier par des parents acquis à la cause extrémiste. Impossible pour autant de fournir une estimation du nombre d'enfants présentement entraînés ou prêts à passer à l'action pour le compte de groupes fanatisés.

"Nous constatons une tendance grandissante à l'utilisation de femmes et d'enfants contre nos forces et celles de nos alliés", explique le contre-amiral. Vendredi, deux femmes considérées comme mentalement retardées et harnachées de 15 kg d'explosifs ont explosé à Bagdad, tuant 99 personnes. Depuis un an, dix "femmes-bombes" ont été – volontairement ou non – désintégrées par des charges explosives, dont quatre ces cinq dernières semaines.

Les victimes irakiennes depuis l'invasion américaine, en mars 2003, se comptent par centaines de milliers. La sauvagerie des méthodes employées par les fanatiques qui ont prêté allégeance à Al-Qaida en Irak n'est plus à démontrer. Mardi 4 février, un charnier de 50cadavres a été découvert près du lac Tharthar, ancienne place forte des djihadistes, près de la ville de Samarra. Deux cents autres avaient été retrouvés ces derniers mois dans la même zone.


Patrice Claude (Le Monde)