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Sahara occidental : Le long cheminement juridique et politique

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  • Sahara occidental : Le long cheminement juridique et politique

    L'une des singularités les plus frappantes du conflit concernant la dernière colonie d'Afrique, le Sahara Occidental, consiste dans la tension permanente qui se produit entre « droit » et « politique » : d'un côté, il existe des décisions juridiques internationales irrévocables dont la mise en pratique résoudrait immédiatement et tout simplement cette longue dispute ; de l'autre, nous sommes confrontés à d'innombrables manœuvres politiques destinées à contrer l'efficacité des règles juridiques.

    Le Commencement
    L’origine du conflit est d’ordre idéologique. Pour emprunter un raccourci, il s’apparenterait à une revendication par l’Italie de tout le bassin méditérrannéen (et même au-delà) au nom de l’empire Romain.

    [quote]Le caractère politique de ce dossier trouve son origine dans l'idéologie nationaliste du « grand Maroc ». Lors de son séjour au Caire (1953-1956) Allal El Fassi, le président du parti nationaliste marocain, l'Istiqlal, a élaboré ses théories du « grand Maroc ». Elles signifiaient la reconstruction sui generis du territoire de l'ancien empire almoravide englobant toutes les possessions espagnoles du nord de l'Afrique (Ifni, la région de Villa Bens, tout le Sahara espagnol, Ceuta, Melilla et les îles), toute la Mauritanie et une bonne partie de l'Algérie et du Mali, s'étendant jusqu'au fleuve Sénégal. Ces théories nationalistes sans fondement historique (ainsi que l'a démontré le verdict de la Cour internationale de justice de 1975) allaient cependant rencontrer un écho politique grandissant au Maroc (1). La première occasion où le Maroc va adopter officiellement cette idéologie sera comme l'a dit Villar, le 14 octobre 1957, lors des débats de la IVème commission (de décolonisation) de l'assemblée générale de l'ONU. Peu de temps après, le 10 novembre de la même année, sera créée au sein du ministère de l'intérieur du Maroc une « direction générale des affaires sahariennes et des frontières » à la tête de laquelle siègera El Fassi (2). Après la mort de Mohamed V, le nouveau roi, Hassan II, reprit à son compte l'idéologie du « grand Maroc » dans un discours du 20 août 1961 (3). Puis, un peu plus tard, le 12 octobre de la même année (jour de l'hispanité), il exprima des réserves sur les territoires espagnols au Maghreb (4).
    La réplique du Droit International ne tarda pas à arriver.

    La situation prend une nouvelle tournure quand le représentant espagnol à l'ONU, Piniés, accepte, le 7 décembre 1963, l'application du principe de l'autodétermination au Sahara (5). Dans cette phase (des années 60) plusieurs résolutions des Nations unies traitèrent d'Ifni et du Sahara. Le Maroc faisait tout pour que les deux territoires fussent traités conjointement. Mais cependant, à partir de 1966, l'ONU leur accorda un régime juridique distinct : alors que Ifni était considéré comme une colonie affectant l'intégrité territoriale du Maroc et dont la décolonisation signifiait sa rétrocession au Maroc, le Sahara était considéré comme une question coloniale qui n'affectait l'intégrité d'aucun autre État et dont la décolonisation exigeait un referendum d'autodétermination (6). À partir de la résolution 2229 (XXI), du 20 décembre 1966, l'assemblée générale des Nations unies va proclamer sans interruption que le Sahara Occidental est un territoire qui doit être décolonisé par le biais d'un referendum d'autodétermination dans la mesure où celui-ci ne fait pas partie de l'« intégrité territoriale » marocaine.

    Voilà donc, pourquoi IFNI et le sahara occidental ont été traitées par l'ONU de manière séparées. Elles n'ont pas le même statut.

    Dernière modification par Annabi, 28 février 2008, 22h12.

  • #2
    Avènement du réferendum d’autodetermination

    Le rejet aux Nations unies de la prétention marocaine tendant à considérer le Sahara comme partie de son « intégrité territoriale », fit que la controverse initiée par le Maroc à partir de 1961, resta « latente de 1966 à 1974, une période où, sans abandonner sa position juridique, celui-ci accepta l'application du principe de l'autodétermination »(7), qui concernait en l'occurrence la Mauritanie, un territoire qu'il revendiquait avec les mêmes arguments que ceux avec lesquels il revendique aujourd'hui le Sahara Occidental.Finalement, dans une lettre remise par le représentant espagnol à l'ONU, Piniés, au secrétaire général Kurt Waldheim, le 20 août 1974, l'Espagne annonça (plusieurs années après que l'ONU l'eût invitée à le faire) qu'elle comptait mettre en œuvre le referendum « dans les six premiers mois de 1975 ». Le conflit du Sahara Occidental aurait pu se résoudre dès 1974, si avait eu lieu le referendum exigé par les Nations unies et que l'Espagne se préparait à réaliser dans sa colonie. Dans cette perspective, en 1974, la puissance coloniale avait effectué un recensement qui, encore aujourd'hui, constitue la base fondamentale pour le règlement du problème.



    Le Maroc acculé, tenta coute que coute d’évacuer le referendum. Et dire que sans la maladresse algerienne le referendum aurait eu lieu et le conflit du sahara résolu depuis belle lurette.

    [FONT='Verdana','sans-serif']Dès lors, le Maroc fit tout son possible pour écarter le referendum se sachant perdant assuré. Dans une conférence de presse du 17 septembre 1974, Hassan II, à la suite d'un exposé historique sur le Sahara très alambiqué, lança sa surprenante proposition de recourir à la CIJ de La Haye.
    L'intention du Maroc était de modifier la doctrine de l'ONU. Mais pour cela il fallait du temps et le referendum était déjà annoncé. Pour paralyser ce referendum il fut imaginé de recourir à la CIJ. Mais comme la voie contentieuse ne pouvait être explorée en raison du refus de l'Espagne, il fut prévu de saisir la cour par la voie consultative à travers l'ONU. Il fallait pour cela des appuis. Le Maroc réussit à obtenir l'appui de la Mauritanie, en l'appâtant par une reconnaissance pour elle de « droits » sur le Sahara, c'est-à-dire en admettant un éventuel partage du territoire. L'acceptation par la Mauritanie de l'initiative du Maroc fut un élément tristement décisif dans l'histoire de la décolonisation du Sahara. Enfin, la maladresse de l'Algérie qui accepta le recours à la CIJ signifia la marginalisation de l'Espagne et en conséquence la paralysie du referendum (9). Ces appuis permirent le vote de la résolution 3292 (XXIX) du 13 décembre 1974 (10) qui demandait l'envoi d'une mission de l'ONU au Sahara pour élaborer un rapport, un avis de la CIJ et que l'Espagne suspendît le referendum jusqu'à la remise de ces documents. Ce à quoi l'Espagne consentit.

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    • #3
      verdict du Tribunal International de Justice¸

      En premier lieu, la cour déclara qu'il n'avait jamais existé de liens de « souveraineté territoriale » entre le Maroc et le Sahara Occidental puisque rien n'attestait que le Maroc « ait exercé une activité étatique effective et exclusive au Sahara Occidental ». Par conséquent, « les conclusions de la cour sur la nature des liens juridiques entre le territoire (du Sahara Occidental) et respectivement le royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien diffèrent manifestement des interprétations émises à son sujet par le Maroc et la Mauritanie. Selon la cour, ces liens n'impliquaient ni souveraineté territoriale, ni co-souveraineté, ni inclusion du territoire dans une entité juridique »(13).

      En deuxième lieu, la cour soulignait que l'avis, sollicité pour aider l'assemblée générale des Nations unies à se prononcer « sur les thèses du Maroc et de la Mauritanie selon lesquelles l'un et l'autre auraient eu avec le Sahara Occidental des liens juridiques qui mettaient en jeu l'intégrité territoriale de leurs pays », n'affectait ni ne modifiait « le droit des populations du Sahara Occidental à l'autodétermination » (14). Le contenu de l'avis ne laisse place à aucun doute : le processus de décolonisation du Sahara Occidental est régi par la reconnaissance du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui (15) puisque la décolonisation du territoire n'affecte pas l'« intégrité territoriale » du Maroc. Du fait de la spécificité du cas, même s'il s'agit d'un avis consultatif, le jugement de la cour internationale doit être tenu pour res judicata : le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui ne peut être ignoré, ni nié, ni entravé d'aucune façon, par aucune instance des Nations unies. C'est pourquoi le conseil de sécurité dans de nombreuses résolutions a reconnu le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui (16).

      En troisième lieu, la Cour internationale de justice a, pour sa part, indiqué clairement que ce droit à l'autodétermination revient aux « populations » du Sahara Occidental(17). Par conséquent ce droit n'appartient pas aux « dirigeants », aux « gouvernants » ou aux « responsables » du Sahara Occidental, mais en propre à ses populations, c'est-à-dire à l'ensemble de ses habitants autochtones.
      En quatrième lieu, la Cour internationale de justice interprétant les normes générales de l'autodétermination, a considéré que celles-ci correspondaient à la « nécessité fondamentale de prendre en compte les vœux (deseos/votos, wishes/vœux) de la population concernée ». Elle a précisé que la « validité du principe de l'autodétermination, défini comme la nécessité de respecter la volonté librement exprimée des peuples, n'est pas modifiée par le fait que dans certains cas l'assemblée générale n'ait pas cru bon d'exiger la consultation des habitants de tel ou tel territoire ». Pour la cour, « ces exceptions s'expliquent soit par la considération qu'une certaine population ne constituait pas un « peuple » habilité à exercer l'autodétermination, soit par la conviction qu'une consultation serait totalement inutile en raison de circonstances particulières » (1 .
      Les tentatives de perversion du Droit international

      À la suite de l'avis négatif de la Cour internationale de La Haye, le Maroc chercha à s'emparer du Sahara Occidental de deux façons : l'une en tentant d'obtenir des titres juridiques qui annulent l'avis, une action condamnée à l'échec ; l'autre fut tout bonnement celle des faits accomplis par la force. Les deux tactiques furent utilisées simultanément et eurent un effet grandement contre-productif pour le Maroc. En effet les titres juridiques escomptés n'arrivèrent pas à légitimer l'usage de la force et celui-ci donna au Front Polisario une audience politique bien plus grande que celle qu'il avait au début du conflit.

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      • #4
        1-la première tactique marocaine après la défaite de La Haye fut l'invasion du territoire, manifestation d'une politique de faits accomplis.


        L'invasion s'effectua en deux endroits et selon deux modes différents : l'invasion militaire se produisit par la frontière orientale et la « marche verte » par la frontière occidentale. Le conseil de sécurité adopta une résolution le 6 novembre 1975 (19) exigeant que le Maroc « retire immédiatement du territoire les participant à la marche (verte) ».




        2-Ce nouvel échec amena le Maroc à tenter d'obtenir un titre juridique pour son occupation avec l'Accord de Madrid du 14 novembre 1975 (20).

        Cependant, ce titre déjà déficient à l'origine (21), comporte trois caractéristiques importantes
        premièrement, il ne transfère pas de « souveraineté » sur le territoire, mais seulement l'« administration » ;

        deuxièmement, ce transfert se fait, non pas en faveur du Maroc, mais d'une entité tripartite (Espagne-Maroc-Mauritanie) ; et
        troisièmement, ce transfert a lieu pour un temps limité (jusqu'au 26 février 1976), au-delà duquel, ce titre devint caduc &endash;s'il a jamais eu de validité juridique internationale- et rendit la présence marocaine purement factuelle (22).En outre, la pratique des Nations unies l'a disqualifié. En premier lieu, l'ONU continue de considérer que le problème du Sahara Occidental est une question de décolonisation ; en effet, le territoire se trouve inscrit sur la liste des territoires non autonomes et sa situation est régulièrement discutée au sein du Comité de décolonisation.

        En second lieu, et subséquemment à cela, et en vertu de l'article 73 (e) de la charte des Nations unies, la puissance administrante d'un territoire colonial doit informer les Nations unies sur les territoires de ce type (23) : or, bien que les accords de Madrid transmettent l'administration du territoire au Maroc et à la Mauritanie, les rapports du secrétaire général de l'ONU (du moins entre 1976 et 1988) s'ils font allusion au retrait espagnol de l'administration du territoire, ne font jamais référence au Maroc et à la Mauritanie (cette dernière seulement jusqu'en 1979) en tant que puissances administrantes du Sahara Occidental. Ceci ne signifie en aucun cas une reconnaissance de souveraineté sur le territoire puisque celui-ci est considéré comme à décoloniser (24).
        En troisième lieu, plusieurs résolutions des Nations unies signalent l'« occupation persistante » du Sahara Occidental par le Maroc, ce qui équivaut à reconnaître que cette présence n'a pas de titres juridiques, et qu'elle est issue de faits accomplis (25).
        En quatrième lieu, l'avis du 29 janvier 2002, du secrétaire général adjoint aux affaires juridiques de l'ONU et assesseur juridique de celle-ci, Hans Corell (26), dit textuellement que « L'Accord tripartite de Madrid n'a ni signifié un transfert de souveraineté sur le territoire ni conféré à aucun des signataires la qualité de puissance administrante, qualité que l'Espagne, à elle seule, ne pouvait avoir transférée unilatéralement » (point 6 de l'avis). Enfin, les plans approuvés par les Nations unies (aussi bien le plan de paix de 1990 et son complément des accords de Houston que le « plan Baker II » de 2003) et même les projets de plan (« plan Baker I ») l'ignorent complètement.

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        • #5
          Le moins que l’on puisse dire est que le Maroc ne manque pas d’imagination. Pour légitimer l’occupation, on imagina un accord Marocco-mauritanien qui s’avérera par la suite un argument pour demontrer le Déni de droit.

          Quelques mois après que l'accord de Madrid fût devenu caduc (le 27 février 1976) et que fût fondée la RASD, le Maroc a cherché une nouvelle légitimation pour son occupation en signant avec la Mauritanie un traité international de frontières destiné à consacrer le partage du territoire
          Le traité du 14 avril 1976, appelé officiellement « Convention relative au tracé de la frontière étatique établie entre la République islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc » entra en vigueur entre les parties le 10 novembre 1976 (2 . Ce traité procéda à un partage du Sahara, en attribuant à la Mauritanie la région sud (Río de Oro, ou plus exactement, le Tiris el Garbia) et au Maroc tout le territoire sahraoui au nord de la ligne de démarcation négociée. Selon l'article 1er du traité, « les hautes parties contractantes conviennent d'un commun accord que la frontière étatique établie entre la République islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc se trouve définie par la ligne droite qui part du point d'intersection de la côte atlantique avec le parallèle 24 nord en direction du point d'intersection de cette ligne droite avec la frontière actuelle de la République islamique de Mauritanie et constituant la limite sud-ouest de la frontière du Maroc ».
          Néanmoins, ce traité non seulement n'accorda pas au Maroc le titre juridique désiré pour s'approprier le Sahara Occidental (ou tout du moins la majeure partie de celui-ci), mais il constitue un acte qui ruine les positions adoptées par le Maroc à des époques ultérieures.
          D'un côté, l'ONU a nié la validité de l'annexion du territoire opérée par ce traité, à différents moments.

          En premier lieu, l'assemblée générale de l'ONU, une fois conclu ce traité qualifia à deux reprises l'initiative marocaine d'« occupation » qu'elle a « déplorée » (29). En second lieu, toutes les résolutions du conseil de sécurité (spécialement celles qui approuvent le Plan de paix de 1990, les Accords de Houston de 1997 et le « plan Baker II » de 2003) se réfèrent à la décolonisation de tout le territoire du Sahara Occidental, ce qui revient à dire qu'elles ne reconnaissent ni le partage, ni l'annexion du territoire opérée par le traité maroco-mauritanien de 1976. En troisième lieu, l'avis déjà mentionné de l'assesseur juridique de l'ONU, Hans Corell, du 29 janvier 2002 (30), ne fait même pas mention de ce traité dans son analyse de l'évolution juridique du dossier.

          Par ailleurs, outre le fait qu'il ne donne pas au Maroc le titre juridique souhaité, le traité maroco-mauritanien de 1976 s'est retourné contre les positions marocaines défendues postérieurement. Ainsi tout d'abord, si l'on admettait que le traité de partage de 1976 était valide, cela signifierait que l'occupation par le Maroc de la partie sud du Sahara que la Mauritanie a abandonnée en 1979 serait un pur « coup de force » violant la légalité internationale puisque la Mauritanie n'a pas convenu avec le Maroc de la cession de ce territoire en 1979. Deuxièmement, le Maroc perd toute crédibilité en s'opposant à l'hypothèse d'une partition comme formule de règlement du conflit, quand lui-même l'a promue en 1976. Enfin, troisièmement, étant donné que le Maroc a signé en 1976 un accord sur le « tracé de la frontière étatique » avec la Mauritanie en établissant sa propre frontière sud le long d'une ligne qui part d'un point qui se trouve au nord de Villa Cisneros, il ne peut invoquer que cette zone du Sahara fait partie de son « intégrité territoriale » car, autant que je sache, le Maroc n'a pas dénoncé ce traité.
          Les premiers accords : Entre acceptation et reniement


          1. Le plain de paix de l’OUA et accords de Houston


          L'achèvement des murs en 1987 et la transformation du conflit en guerre d'usure conduisirent à un scenario qui rendait possible la recherche d'un compromis. En effet, l'une des partie, le Front Polisario, était porteur d'un titre juridique indiscutable et d'un instrument de pression politique qui était le retour à la guerre. L'autre, le Maroc, manquant toujours de titres juridiques valides, avait une position politique dominante dans la mesure où il avait réussi à isoler la majeure partie du territoire des attaques armées sahraouies (qui, à la suite de la construction des murs perdirent de leur profondeur). Dans ces conditions la négociation pour résoudre le conflit s'est posée dans ces termes : une partie (le Maroc) renonçait à sa prédominance politique (entrée de la MINURSO sur le territoire et acceptation de l'éventualité de perdre le territoire occupé), tandis que l'autre (le Front Polisario) infléchissait ses exigences dérivées de son titre juridique (Révision du recensement espagnol de 1974 et acceptation de la possibilité que le vote ne fût plus indépendance ou non, mais que l'option fût indépendance ou intégration au Maroc -excluant d'autres possibilités comme l'intégration à l'Espagne ou à la Mauritanie-), en plus de céder une partie de ses atouts politiques (acceptation du cessez-le-feu).Cette négociation déboucha sur le Plan de paix de l'OUA, assumé par l'ONU en 1991. Le Plan de paix est un ensemble de textes de 1990 (le corps principal du plan), de 1997 (les accords de Houston) et de 1999 (les dispositions convenues pour résoudre les appels concernant le corps électoral et autres questions).
          Le corps principal a été approuvé en 1990 et 1991 (31). Les résolutions du conseil de sécurité qui approuvent ces textes appellent les parties à « coopérer pleinement » à la mise en œuvre du Plan de paix qu'elles ont toutes deux accepté. Cependant, le Plan de paix fut très vite remis en question par le Maroc (essentiellement) qui chercha à améliorer sa position juridique (en tentant d'introduire dans le corps électoral le plus grand nombre possible de Marocains) tout en essayant d'amoindrir la position politique sahraouie en faisant pression sur quelques États pour qu'ils congèlent ou retirent leur reconnaissance de la RASD.

          Les tensions semblèrent se dissiper avec un second texte, qui complète le Plan de paix de 1990-91, les Accords de Houston de 1997, approuvés par les parties et consacrés par le conseil de sécurité, qui demande aux parties de « continuer à coopérer de façon constructive avec l'Organisation des Nations unies en appliquant intégralement » le Plan de paix et les Accords de Houston (32).
          Le processus de paix continua à connaître des obstacles essentiellement sur trois points : la liste des électeurs, la question des forces militaires en présence et celle des réfugiés. Néanmoins, de nouvelles négociations conduisirent au troisième ensemble des textes qui forme le corpus du plan de paix et qui résout les litiges concernant le corps électoral. Ce troisième groupe de textes est constitué par un protocole sur l'identification des tribus remises en cause, des directives opérationnelles pour procéder à l'identification des individus de ces tribus et des directives pour l'examen des recours (33).

          Le processus initié avec le plan de paix se poursuivit avec succès. En effet, en décembre 1999 s'est achevée l'établissement de la nouvelle liste électorale et le 17 janvier 2000 a été publiée la liste provisoire des votants qui considérait comme sahraouis admis à participer au scrutin 86 381 personnes sur un total de 198 469 candidats interrogés par la commission d'identification. Le nouveau recensement confectionné par l'ONU était très similaire à celui établi par l'Espagne en 1974, ce qui, assurément démentait les accusations de partialité proférées par le Maroc à l'encontre de ce dernier. Le nouveau recensement, en définitive, refusa de considérer comme Sahraouis des dizaines de milliers de Marocains qui prétendaient y être inclus. Ceci signifiait que le referendum allait inexorablement conduire à l'indépendance du territoire.

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          • #6
            LE « PLAN BAKER I » où le contournement du Droit.

            La perspective d'une défaite au referendum conduisit le Maroc, sans que réagisse l'ONU, à bloquer le referendum et à rompre les engagements qu'il avait contractés dans le Plan de paix et les accords de Houston, contrecarrant ainsi les exigences des résolutions 658, 690, 725 et 1133 du conseil de sécurité.

            Ces résolutions prescrivaient aux parties de « coopérer pleinement » à la « mise en œuvre » du Plan de paix. Le blocage s'est tout d'abord produit avec la présentation de 120 000 recours (ce qui ne constituait ni un obstacle « juridique », puisque les parties avaient approuvé le déroulement de la procédure, ni un obstacle « politique » puisqu'en deux ans maximum la question des recours serait réglée). Dans un deuxième temps, le blocage a consisté à déclarer « caduc » le processus. Le véritable problème est constitué par le refus « politique » du Maroc de continuer à appliquer un plan qui conduisait à l'indépendance, même si cela signifiait nier le « droit ».
            Le Maroc, en violant l'esprit et la lettre des textes, prétendit que tous les recours soient admis et analysés, ce qui entraînait en réalité la répétition de tout le processus d'identification (ce que le conseil de sécurité avait justement repoussé expressément dans sa résolution 1238) et en outre un retard considérable de la réalisation du referendum. La question, juridiquement, était claire : l'immense majorité de ces recours ne remplissaient pas les conditions convenues par les deux parties dans les accords de New-York d'avril 1999 pour être admis à examen, puisqu'ils ne mentionnaient pas de « circonstances, faits nouveaux ou tout élément de preuve » qui, inconnus des commissions d'identification en première instance, justifiaient la décision d'admettre la procédure d'appel (34). Le secrétaire général lui-même, a expressément reconnu que le règlement des appels pouvait se résoudre de façon « sommaire » ou prompte (35).

            Cependant l'ONU, loin de sanctionner ou de censurer le manque de respect flagrant marocain des résolutions du conseil de sécurité qui obligeaient à « coopérer pleinement » dans la « mise en œuvre » du Plan de paix ferma les yeux sur la rébellion juridique marocaine. En effet, au lieu de dénoncer le blocage et d'utiliser les mécanismes établis par la charte des Nations unies pour contraindre le Maroc à remplir ses engagements, le secrétaire général donna au conflit un tour spectaculaire en sollicitant la suspension sine die du Plan de paix (et, au fond, du referendum) (36) et en ouvrant la porte à ce qui a été appelé la « troisième voie ». Le rapport du secrétaire général du 17 février 2000 contenait à cet égard une affirmation fallacieuse comme quoi si l'on réalisait le referendum et que « l'une des parties » (euphémisme pour désigner le Maroc) n'en acceptait pas les résultats, il n'y avait pas de mécanisme coercitif prévu dans le Plan de paix, et il semblait peu probable que l'on pût en adopter (37). J'estime fallacieuse cette affirmation car s'il n'existe pas un mécanisme coercitif dans le Plan de paix c'est pour la simple raison qu'un tel mécanisme est déjà prévu au chapitre VII de la charte des Nations unies qui autorise même le recours à la force pour faire accepter l'éventuel résultat du referendum. À partir de cet argument discutable, le secrétaire général des Nations unies en conclut à l'échec du Plan de paix et avança la proposition d'organiser de nouvelles négociations directes entre les parties sous la médiation de James Baker III pour trouver un autre type de règlement. De réunions tenues à Berlin, il ne ressortit aucune sorte d'accord mais le Maroc présenta sa proposition de « solution politique ». Celle-ci correspond substantiellement à ce qui fut appelé « projet d'accord-cadre » qu'a présenté James Baker en 2001 et connu comme « Plan Baker I », bien qu'il semble que l'auteur, plutôt que Baker, fût un juriste français au service du Maroc.
            Les solutions Avortées : Administration directe par l’Onu et le Répartition.

            La « proposition d'accord-cadre » ou « plan Baker I », comme on l'a dit, consistait en une annexion pure et simple par le Maroc de tout le territoire du Sahara Occidental. Comme leurre on offrait une soit-disant autonomie, qui n'en était pas une, car elle manquait d'un minimum de garanties. C'est pourquoi il ne fut absolument pas surprenant qu'elle fût repoussée par le Front Polisario et par l'Algérie. La situation paraissait alors complètement bloquée : le Plan de paix (approuvé par le conseil de sécurité) était l'unique solution acceptée par les parties, mais le Maroc n'a pas rempli ses engagements ; le « plan Baker I » (pas approuvé par le conseil de sécurité) ne permettait pas d'arriver à un quelconque compromis. Pour mettre fin au blocage on explora deux solutions possibles : l'administration directe par les Nations unies et la partition.

            [FONT='Verdana','sans-serif']1-La proposition d'administration directe du territoire par les Nations unies fut suggérée par l'Algérie dans sa réponse au « plan Baker I » (62) .[/font]
            [FONT='Verdana','sans-serif']Puisqu'il existait une solution qui avait été acceptée par les deux parties (le Plan de paix) et approuvée par l'ONU et que les obstacles provenaient de divergences des parties dans son application, la proposition algérienne indiquait que le plus judicieux était que l'ONU, elle-même, assumât souverainement la mise en œuvre de son propre plan (le Plan de paix). L'Algérie présenta cette proposition de façon très détaillée. L'axe essentiel était qu'avant le referendum il y aurait une brève période de transition où le territoire du Sahara Occidental serait « sous l'autorité et l'administration exclusives » de l'ONU. De cette façon, pourrait être renforcée la confiance entre les deux parties puisque la sécurité publique et l'organisation du referendum seraient du ressort ni de l'une ni de l'autre, mais d'un tiers.[/font]
            La proposition algérienne fut repoussée par le secrétaire général sans beaucoup d'explications, bien qu'elle fût l'unique voie qui véritablement offrait une solution (au moins tansitoire) sans vainqueurs ni vaincus. En effet, si le Maroc devait abandonner le territoire, celui-ci ne pouvait pas non plus être occupé par le Front Polisario, les troupes des deux belligérants demeurant cantonnées conformément au Plan de paix.

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            • #7
              Pour mettre un terme définitif sur cette histoire de partition et de son émanation.

              2- L'autre proposition de solution ne fut formulée par aucune des deux parties, mais ce furent officiellement Kofi Annan et James Baker en personne qui la suggérèrent en 2002 (63). Il s'agissait de la possibilité de procéder à une partition du territoire.
              Concrètement, le secrétaire général de l'ONU affirma que « le Conseil de sécurité pourrait demander à (son) Envoyé personnel d'examiner une dernière fois avec les parties si oui ou non elles seraient disposées à envisager sous ses auspices, directement ou dans le cadre de pourparlers indirects, la possibilité de diviser le territoire, étant entendu que rien ne serait décidé jusqu'à ce que tout ait été réglé. Dans le cas où le Conseil de sécurité retiendrait cette option et dans l'éventualité où les parties ne seraient pas disposées à accepter une division du territoire avant le 1er novembre 2002, ou en mesure de le faire, il serait également demandé à (son) Envoyé personnel de soumettre aux parties une proposition de division du territoire dont le Conseil de sécurité serait également saisi. Celui-ci présenterait cette proposition aux parties comme étant non négociable. Cette tentative de solution politique aurait le mérite de donner partiellement, sinon entièrement, satisfaction à chaque partie et s'inspirerait des accords territoriaux précédents aux termes desquels le Maroc et la Mauritanie sont convenus en 1976 d'une division du territoire, sans pour autant les reproduire. » (64).
              Ceci étant, la partition était une hypothèse non dénuée de problèmes.
              Le premier problème, et essentiel, serait de savoir quel serait le territoire qui correspondrait à chacune des parties. Bien que les media aient présenté la partition comme une répétition de l'opération réalisée en 1976 entre le Maroc et la Mauritanie, la lecture du passage du rapport du secrétaire général révèle que dans la proposition onusienne l'arrangement territorial n'allait pas être nécessairement le même et il est logique qu'il en fût ainsi.

              Une division du territoire entre le Maroc et la RASD semblable à celui qui eut lieu en 1976 serait invivable pour plusieurs raisons. La première est qu'une telle division du territoire impliquerait que la RASD perde une bonne partie du territoire qu'elle contrôle actuellement, c'est-à-dire, celle à l'est du mur ou berm, et qui se trouve au nord de la ligne de séparation de la répartition maroco-mauritanienne. La seconde est qu'une telle division signifierait que la RASD perdrait sa frontière avec l'Algérie, ce qui enlèverait tout sens à l'argument selon lequel cette partition offrirait une sortie sur l'Atlantique à l'Algérie à travers la RASD.
              Le long chemin juridique et politique jusqu'au plan Baker II : dernière étape ?
              Professeur de droit constitutionnel à l'université de Saint-Jacques de Compostelle

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              • #8
                références
                1) Maurice BARBIER, Le conflit du Sahara Occidental, L'Harmattan, Paris, 1982, p. 76 ss.
                2) Francisco VILLAR, El proceso de autodeterminación del Sahara, Fernando Torres, Valencia, 1982, p. 49-50
                3) VILLAR, El proceso..., p. 80 VILLAR, El proceso..., p. 274 9) VILLAR, El proceso..., p. 268 ss.
                4) Cfr. Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, para. 34 et 35
                5) VILLAR, El proceso..., p. 126
                6) Résolutions 2.072 (XX), du 16 décembre 1965; 2.229 (XXI), du 20 décembre 1966; 2.354 (XXII), du 19 décembre 1967; Rés. 2.428 (XXIII), du 18 décembre 1968. Rés. 2.229 (XXI), du 20 de décembre; 2.354 (XXII), du 19 décembre 1967; 2.591 (XXIV), du 15 décembre 1969; 2.711 (XXV), du 14 décembre 1970; 2.983 (XXVII), du 14 décembre 1972; 3.162 (XXVIII), du 14 décembre 1973. Ces deux dernières parlent d'autodétermination et d'indépendance du Sahara Occidental¸
                7) ICJ Rep 1975, para. 36 12) ICJ Rep 1975, para. 107 13) ICJ Rep 1975, para. 158 14) ICJ Rep 1975, para. 161 15) ICJ Rep 1975, para. [/font][FONT='Verdana','sans-serif']70 et 161.17) ICJ Rep 1975, para. 161 y 162 1 ICJ Rep. 1975, para. 58 y 59.
                10) Résolution appuyée par tous les pays arabes.
                11) Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, p. 12
                16) S/RES/621 (1988); S/RES/658 (1990), qui approuve le Plan de paix; S/RES/690 (1991); S/RES/725 (1991); S/RES/809 (1993); S/RES/907 (1994); S/RES/973 (1995); S/RES/995 (1995); S/RES/1.002 (1995); S/RES/1.017 (1995); S/RES/1.033 (1995); S/RES/1.042 (1996); S/RES/1056 (1996); S/RES/1.084 (1996); S/RES/1.108 (1997); S/RES/1.131 (1997); S/RES/1.133 (1997); S/RES/1163 (1998); S/RES/1.185 (1998); S/RES/1.198 (1998); S/RES/1.204 (1998); S/RES/1.292 (2000); S/RES/1301 (2000); S/RES/1.309 (2000); S/RES/1.324 (2000); S/RES/1.342 (2001); S/RES/1.349 (2001); S/RES/1.359 (2001); S/RES/1429 (2002); S/RES/1.495 (2003).
                19) S/RES/380 (1975).[/font]
                20) Le texte officiel de ces accords a été rendu public lors d'une conférence de presse en décembre 1975, mais il ne fut jamais transmis aux Cortes ni publié au Bulletin officiel de l'État. Tout d'abord, notamment, Villar, El proceso…, op. cit., p. 346 et ss et Diego Aguirre publièrent le texte, sous diverses variantes. Cependant, le texte authentique (en espagnol) de ce traité, tel qu'il fut publié dans les United nations treaty series (1975, p. 258) est légèrement distinct de celui reproduit par ces auteurs. L'on peut consulter une reproduction fidèle du texte authentique sur http://www.arso.org/ac3madrid.htm
                21) Voir l'ensemble des arguments juridiques en faveur de la nullité de cet accord présentés dans mon livre El Sáhara Occidental y España. Historia, Política y Derecho. Análisis crítico de la política exterior española, Dykinson, Madrid, 1995, p. 119-122.

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                • #9
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