Entretien avec Hamada Ould Derwich
L'hémorragie des séparatistes se poursuit. Témoignage d’un revenant.
“Les représentants du Polisario n’ont pas les mains libres
et ne peuvent prendre aucune décision sans se référer à Alger”
Libé : Monsieur Hamada Ould Derwich, vous qui êtes l’animateur du congrès de Gjijimat, pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons ayant conduit à la tenue de ce congrès, au moment où le Polisario tenait son 12ème congrès ?
Hamada Ould Derwich : Je voudrais rappeler certains évènements antérieurs à la tenue de ce congrès, avant de parler des raisons qui ont conduit à sa tenue.
Le 27 février 2006 à Tifariti, était célébré le 30ème anniversaire de la pseudo-RASD. J’y assistais en qualité d’invité d’honneur assis à la droite du « président » Abdelaziz. Un peu moins d’un mois plus tard, le 20 mars de la même année, Sa Majesté le Roi avait prononcé le discours historique de Lâayoune annonçant la décision une autonomie interne élargie sous souveraineté marocaine aux provinces sahraouies. Ce discours fut le point de départ d’une nouvelle ère politique, ici au Maroc, en ce sens que cette dernière devra permettre aux habitants des provinces sahraouies de s’autogérer dans le cadre d’une large autonomie sous la souveraineté marocaine.
C’est donc à partir de cette date que nous avons commencé à réfléchir à notre niveau sur cette initiative heureuse qui ne nous a pas particulièrement surpris, car dans des discussions avec des dirigeants du Polisario et, parallèlement, avec des autorités marocaines à des niveaux moins élevés, nous avions envisagé cette éventualité en suggérant que la solution susceptible satisfaire les parties serait une issue médiane qui n’est pas l’indépendance refusée par l’une des parties, car déraisonnable mais qui n’est pas non plus une intégration pure et simple que rejettera l’autre partie. C’est d’ailleurs un sujet que j’avais discuté avec des membres de la haute hiérarchie polisarienne dès les premiers jours du cessez-le-feu de 1991. Je me souviens leur avoir dit qu’il était utopique de considérer que le cessez-le-feu allait aboutir à une proclamation de l’indépendance du Sahara par une volonté des Nations unies.
Je leur avais dit qu’il n’était ni réaliste, ni raisonnable de croire qu’une fois le cessez-le-feu signé et appliqué, que cela allait conduire, après négociation sous l’égide des Nations unies, à l’indépendance et qu’il valait mieux négocier.
Certains ont tendance à penser que je ne faisais pas partie des cadres du Polisario. Je leur dis que de là où j’étais, je servais le Polisario dans les rangs duquel je combattais à ma façon, car il n’est pas indispensable d’être sous les drapeaux, un fusil à la main pour défendre une cause. A chacun sa manière, j’ai à ma manière combattu le Maroc, dans les rangs du Polisario et cela personne ne peut le nier, à commencer par le Polisario.
J’ai donc commencé à discuter avec les hauts responsables du Polisario en leur conseillant de négocier et de ne pas trop croire en une solution qui viendrait des l’ONU, du fait qu’elle ne relève, tout simplement pas du domaine du raisonnable. Le Maroc est là, ses prétentions historiques ne sont pas infondées, il est au Sahara où il est chez lui et où il se comporte comme tel en faisant de très grands investissements dans tous les domaines. Alors que vous, vous constituez une dissidence armée qui a fait son chemin et qui a eu une certaine reconnaissance sur le plan international, certes, mais de là à considérer que la communauté internationale va tordre le bras au Maroc et lui arracher le Sahara pour y fonder un micro-Etat fantôme sous les couleurs du Polisario, cela relève de l’utopie pure et simple. J’ai, donc préconisé, avec insistance à mes cousins, mes amis et aux gens que je connais au Polisario d’aller vers une solution négociée. Car le référendum d’autodétermination est matériellement et techniquement irréalisable ; par conséquent quelqu’un de raisonnable ne doit pas y croire, tout simplement ; on ne peut pas faire figurer sur une liste, même établie par l’ONU, les noms de tous ceux qui ont le droit de se prononcer sur l’avenir du Sahara. En restant dans le domaine de la raison, il est impossible d’organiser un référendum d’autodétermination des populations du Sahara.
Soyons logiques avec nous-mêmes parce que ceux qui sont de l’autre côté, prétendent combattre le colonialisme ou ce qui en reste, alors qu’ils se fondent sur l’héritage du colonialisme pour faire avancer les thèses qu’ils défendent et ça c’est une contradiction flagrante, chez le Polisario que nous aurons à souligner et à démasquer dans les prochaines interventions que nous ferons que ce soit sur le plan politique ou médiatique.
Donc, à partir du discours Royal du 20 mars qui a marqué la date d’éclosion de cette solution, nous nous sommes mis à réfléchir sur son contenu. Nous avions dépêché quelqu’un auprès de qui de droit pour s’enquérir, justement, des profondeurs de cette proposition et nous avons acquis l’intime conviction, d’une part que la volonté est manifeste et que le projet est profond, que l’autonomie est très large et que le Maroc ne peut pas aller au-delà des concessions de cette nature. Aussi, nous avons déclaré que nous nous inscrivons dans cette logique que nous allons vulgariser. Pour ce faire, nous avons commencé par discuter avec les dirigeants du Polisario pour les amener à accepter une telle solution que nous avons soumise à une base extrêmement large dont de hauts responsables militaires et civils et avec de simples citoyens habitants des camps. Nous avons reçu l’adhésion de l’ensemble des personnes avec lesquelles nous avons discuté, à l’exception des responsables politiques qui, pour certains, rejettent catégoriquement cette hypothèse, alors que d’autres l’acceptent mais demandent la preuve de la bonne foi du Maroc quant à l’application de ce plan.
Nous avons considéré que la tenue du 12ème congrès du Polisario était un évènement dont on devait profiter pour exprimer cette opinion que nous avons déjà avancée mais de façon non officielle et parfois dans la clandestinité, donc jamais médiatisée.
Telle est donc la raison qui nous avait amenés à tenir le congrès de Gjijimat dans le même timing que celui du Polisario et pour les objectifs suivants :
-Informer la communauté internationale que la cohésion de l’autre côté n’existe plus et qu’il y a une bonne frange des militants du Polisario qu’ils soient militaires ou civils, habitants dans les camps ou appartenant à la diaspora, qui optent pour le plan d’autonomie proposée par le Maroc.
- ouvrir la voie aux indécis et aux réticents qui ne savent ni par où commencer, ni par quelle porte entrer malgré leurs convictions que le choix de la proposition marocaine est le meilleur et qu’il faut briser cette gêne qu’on ressent du fait qu’on a combattu le Maroc et revendiqué l’indépendance, durant plus de trois décennies. Par conséquent, il est extrêmement difficile d’avoir le courage de changer de direction et d’avouer tout de suite : nous pensons que cette proposition est le meilleur moyen de mettre un terme à ce conflit. On dit que l’exercice le plus difficile qu’un homme ait à affronter, c’est celui du changement et c’est cet exercice que nous avons essayé de leur faciliter.
- essayer d’élargir le fossé qui existe déjà dans les rangs des dirigeants du Polisario et de sa base. En renforçant le processus de décomposition qui gangrène ces rangs et en accélérant le retour des déportés afin qu’ils puissent jouir des conditions de liberté et de démocratie que garantit le nouveau Maroc.
Ce sont là les raisons qui nous ont amenés à tenir ce congrès.
Libé : Vous avez dit que lorsque vous avez suggéré aux responsables politiques du Polisario de souscrire à la proposition marocaine, ceux-ci ont refusé. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce refus ?
Je suis convaincu que tous les responsables du Polisario, à commencer par leur chef, sont certains que la proposition marocaine est l’unique et meilleure solution à même de mettre fin au conflit et qu’ils peuvent espérer dans les circonstances actuelles ; mais les responsables du Polisario sont des humains peu clairvoyants.
D’une part, ils sont tenus en laisse par leurs protecteurs. Ils constituent les otages d’un système. Ils ont travaillé avec l’Algérie, elle les a financés, elle les a orientés et leur dicte ce qui doit être dit et fait en leur répétant qu’ils sont sur son territoire entourés de ses hommes des renseignements et à la merci de son armée. Par conséquent, ils ne peuvent se permettre de se comporter ou d’agir que selon les directives de l’Algérie. Ceci d’une part, d’autre part, l’Algérie a pris soin de bien mettre à l’aise sur le plan matériel, tous ceux qui sont au sommet de la hiérarchie polisarienne : leurs enfants sont envoyés dans les meilleurs établissements scolaires et universitaires du monde, leurs familles sont soignées dans les plus grands hôpitaux, ils roulent dans les meilleurs voitures, ils peuvent voyager à travers le monde où il leur est loisible d’acquérir des biens immobiliers et d’ouvrir des comptes bancaires qu’ils peuvent garnir comme ils veulent. Ce sont des gens qui sont largement à l’abri du besoin mais qui, sur le plan sécuritaire sont tenus en laisse par ceux qui les manipulent. Ce sont donc des otages en bonne et due forme pour ne pas dire de luxe.
L'hémorragie des séparatistes se poursuit. Témoignage d’un revenant.
“Les représentants du Polisario n’ont pas les mains libres
et ne peuvent prendre aucune décision sans se référer à Alger”
Libé : Monsieur Hamada Ould Derwich, vous qui êtes l’animateur du congrès de Gjijimat, pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons ayant conduit à la tenue de ce congrès, au moment où le Polisario tenait son 12ème congrès ?
Hamada Ould Derwich : Je voudrais rappeler certains évènements antérieurs à la tenue de ce congrès, avant de parler des raisons qui ont conduit à sa tenue.
Le 27 février 2006 à Tifariti, était célébré le 30ème anniversaire de la pseudo-RASD. J’y assistais en qualité d’invité d’honneur assis à la droite du « président » Abdelaziz. Un peu moins d’un mois plus tard, le 20 mars de la même année, Sa Majesté le Roi avait prononcé le discours historique de Lâayoune annonçant la décision une autonomie interne élargie sous souveraineté marocaine aux provinces sahraouies. Ce discours fut le point de départ d’une nouvelle ère politique, ici au Maroc, en ce sens que cette dernière devra permettre aux habitants des provinces sahraouies de s’autogérer dans le cadre d’une large autonomie sous la souveraineté marocaine.
C’est donc à partir de cette date que nous avons commencé à réfléchir à notre niveau sur cette initiative heureuse qui ne nous a pas particulièrement surpris, car dans des discussions avec des dirigeants du Polisario et, parallèlement, avec des autorités marocaines à des niveaux moins élevés, nous avions envisagé cette éventualité en suggérant que la solution susceptible satisfaire les parties serait une issue médiane qui n’est pas l’indépendance refusée par l’une des parties, car déraisonnable mais qui n’est pas non plus une intégration pure et simple que rejettera l’autre partie. C’est d’ailleurs un sujet que j’avais discuté avec des membres de la haute hiérarchie polisarienne dès les premiers jours du cessez-le-feu de 1991. Je me souviens leur avoir dit qu’il était utopique de considérer que le cessez-le-feu allait aboutir à une proclamation de l’indépendance du Sahara par une volonté des Nations unies.
Je leur avais dit qu’il n’était ni réaliste, ni raisonnable de croire qu’une fois le cessez-le-feu signé et appliqué, que cela allait conduire, après négociation sous l’égide des Nations unies, à l’indépendance et qu’il valait mieux négocier.
Certains ont tendance à penser que je ne faisais pas partie des cadres du Polisario. Je leur dis que de là où j’étais, je servais le Polisario dans les rangs duquel je combattais à ma façon, car il n’est pas indispensable d’être sous les drapeaux, un fusil à la main pour défendre une cause. A chacun sa manière, j’ai à ma manière combattu le Maroc, dans les rangs du Polisario et cela personne ne peut le nier, à commencer par le Polisario.
J’ai donc commencé à discuter avec les hauts responsables du Polisario en leur conseillant de négocier et de ne pas trop croire en une solution qui viendrait des l’ONU, du fait qu’elle ne relève, tout simplement pas du domaine du raisonnable. Le Maroc est là, ses prétentions historiques ne sont pas infondées, il est au Sahara où il est chez lui et où il se comporte comme tel en faisant de très grands investissements dans tous les domaines. Alors que vous, vous constituez une dissidence armée qui a fait son chemin et qui a eu une certaine reconnaissance sur le plan international, certes, mais de là à considérer que la communauté internationale va tordre le bras au Maroc et lui arracher le Sahara pour y fonder un micro-Etat fantôme sous les couleurs du Polisario, cela relève de l’utopie pure et simple. J’ai, donc préconisé, avec insistance à mes cousins, mes amis et aux gens que je connais au Polisario d’aller vers une solution négociée. Car le référendum d’autodétermination est matériellement et techniquement irréalisable ; par conséquent quelqu’un de raisonnable ne doit pas y croire, tout simplement ; on ne peut pas faire figurer sur une liste, même établie par l’ONU, les noms de tous ceux qui ont le droit de se prononcer sur l’avenir du Sahara. En restant dans le domaine de la raison, il est impossible d’organiser un référendum d’autodétermination des populations du Sahara.
Soyons logiques avec nous-mêmes parce que ceux qui sont de l’autre côté, prétendent combattre le colonialisme ou ce qui en reste, alors qu’ils se fondent sur l’héritage du colonialisme pour faire avancer les thèses qu’ils défendent et ça c’est une contradiction flagrante, chez le Polisario que nous aurons à souligner et à démasquer dans les prochaines interventions que nous ferons que ce soit sur le plan politique ou médiatique.
Donc, à partir du discours Royal du 20 mars qui a marqué la date d’éclosion de cette solution, nous nous sommes mis à réfléchir sur son contenu. Nous avions dépêché quelqu’un auprès de qui de droit pour s’enquérir, justement, des profondeurs de cette proposition et nous avons acquis l’intime conviction, d’une part que la volonté est manifeste et que le projet est profond, que l’autonomie est très large et que le Maroc ne peut pas aller au-delà des concessions de cette nature. Aussi, nous avons déclaré que nous nous inscrivons dans cette logique que nous allons vulgariser. Pour ce faire, nous avons commencé par discuter avec les dirigeants du Polisario pour les amener à accepter une telle solution que nous avons soumise à une base extrêmement large dont de hauts responsables militaires et civils et avec de simples citoyens habitants des camps. Nous avons reçu l’adhésion de l’ensemble des personnes avec lesquelles nous avons discuté, à l’exception des responsables politiques qui, pour certains, rejettent catégoriquement cette hypothèse, alors que d’autres l’acceptent mais demandent la preuve de la bonne foi du Maroc quant à l’application de ce plan.
Nous avons considéré que la tenue du 12ème congrès du Polisario était un évènement dont on devait profiter pour exprimer cette opinion que nous avons déjà avancée mais de façon non officielle et parfois dans la clandestinité, donc jamais médiatisée.
Telle est donc la raison qui nous avait amenés à tenir le congrès de Gjijimat dans le même timing que celui du Polisario et pour les objectifs suivants :
-Informer la communauté internationale que la cohésion de l’autre côté n’existe plus et qu’il y a une bonne frange des militants du Polisario qu’ils soient militaires ou civils, habitants dans les camps ou appartenant à la diaspora, qui optent pour le plan d’autonomie proposée par le Maroc.
- ouvrir la voie aux indécis et aux réticents qui ne savent ni par où commencer, ni par quelle porte entrer malgré leurs convictions que le choix de la proposition marocaine est le meilleur et qu’il faut briser cette gêne qu’on ressent du fait qu’on a combattu le Maroc et revendiqué l’indépendance, durant plus de trois décennies. Par conséquent, il est extrêmement difficile d’avoir le courage de changer de direction et d’avouer tout de suite : nous pensons que cette proposition est le meilleur moyen de mettre un terme à ce conflit. On dit que l’exercice le plus difficile qu’un homme ait à affronter, c’est celui du changement et c’est cet exercice que nous avons essayé de leur faciliter.
- essayer d’élargir le fossé qui existe déjà dans les rangs des dirigeants du Polisario et de sa base. En renforçant le processus de décomposition qui gangrène ces rangs et en accélérant le retour des déportés afin qu’ils puissent jouir des conditions de liberté et de démocratie que garantit le nouveau Maroc.
Ce sont là les raisons qui nous ont amenés à tenir ce congrès.
Libé : Vous avez dit que lorsque vous avez suggéré aux responsables politiques du Polisario de souscrire à la proposition marocaine, ceux-ci ont refusé. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce refus ?
Je suis convaincu que tous les responsables du Polisario, à commencer par leur chef, sont certains que la proposition marocaine est l’unique et meilleure solution à même de mettre fin au conflit et qu’ils peuvent espérer dans les circonstances actuelles ; mais les responsables du Polisario sont des humains peu clairvoyants.
D’une part, ils sont tenus en laisse par leurs protecteurs. Ils constituent les otages d’un système. Ils ont travaillé avec l’Algérie, elle les a financés, elle les a orientés et leur dicte ce qui doit être dit et fait en leur répétant qu’ils sont sur son territoire entourés de ses hommes des renseignements et à la merci de son armée. Par conséquent, ils ne peuvent se permettre de se comporter ou d’agir que selon les directives de l’Algérie. Ceci d’une part, d’autre part, l’Algérie a pris soin de bien mettre à l’aise sur le plan matériel, tous ceux qui sont au sommet de la hiérarchie polisarienne : leurs enfants sont envoyés dans les meilleurs établissements scolaires et universitaires du monde, leurs familles sont soignées dans les plus grands hôpitaux, ils roulent dans les meilleurs voitures, ils peuvent voyager à travers le monde où il leur est loisible d’acquérir des biens immobiliers et d’ouvrir des comptes bancaires qu’ils peuvent garnir comme ils veulent. Ce sont des gens qui sont largement à l’abri du besoin mais qui, sur le plan sécuritaire sont tenus en laisse par ceux qui les manipulent. Ce sont donc des otages en bonne et due forme pour ne pas dire de luxe.
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