
De la réception qu’a accordée ce 27 juillet 2021 le président tunisien Kaïs Saïed au ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, au palais de Carthage à Tunis, rien n’a vraiment filtré si ce n’est que c’est “porteur d’un message de S.M. le Roi Mohammed VI” que le chef de la diplomatie marocaine a fait le déplacement dans la capitale tunisienne. “Le message royal porte sur les relations de fraternité et de solidarité entre les deux pays maghrébins frères,” détaille à peine, dans une dépêche, l’agence Maghreb arabe presse (MAP).
C’est toutefois suffisant pour comprendre que par là même, le Maroc est en train d’apporter son soutien aux décisions prises deux jours plus tôt par M. Saïed de limoger Hichem Mechichi de son poste de chef de gouvernement, de geler, pour une durée de trente jours, le parlement -faute de pouvoir le dissoudre, la Constitution tunisienne n’y autorisant pas le président- et de lever l’immunité de l’ensemble des députés, tout en assumant, en lieu et place, le pouvoir exécutif avec un nouveau cabinet qu’il doit encore nommer.
Relations exemplaires
Au niveau maghrébin, le Royaume n’est d’ailleurs pas le seul à afficher un tel appui à celui qui, en 2019, avait déjoué tous les pronostics pour enlever la magistrature suprême au nez et à la barbe des représentants des partis, dont il faut rappeler qu’il n’est pas issu: peu avant de s’entretenir avec M. Bourita, M. Saïed avait également accueilli une délégation diplomatique algérienne présidée par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.
Lequel M. Ramtane a, pour sa part, été un peu plus disert, révélant dans la foulée dans une déclaration donnée à la presse qu’il avait transmis à M. Saïed, de la part du président algérien Abdelmadjid Tebboune, “un message d’amitié, un message de fraternité”. “La Tunisie soeur a toujours été un allié de l’Algérie, et l’Algérie a également été un pays frère souhaitant établir des relations exemplaires avec la Tunisie soeur,” a-t-il dit.
Que, pour une fois, Rabat et Alger semblent avoir un point d’accord sur une question d’ordre diplomatique ne saurait toutefois surprendre: alors que le Maghreb est déjà en proie, sur son flanc oriental, à l’instabilité du fait de la guerre civile qui divise la Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les deux capitales ne peuvent que voir d’un mauvais oeil l’installation d’un nouveau foyer de tension dans la région.
Et c’est d’ailleurs pour parer à cela que M. Saïed lui-même, après en avoir référé auparavant aux appareils de sécurité et à l’armée, a agi: dans le discours qu’il avait donné pour officialiser la destitution du gouvernement M. Mechichi, il avait mis en cause le danger que fait selon lui peser sur la Tunisie la classe politique actuelle avec, à sa tête, le parti islamiste d’Ennahda, première force parlementaire que d’aucuns accusent d’immobiliser les institutions et d’être en partie responsable de l’aggravation de la pandémie de Covid-19 -qui avait notamment amené le Maroc à envoyer, le 16 juillet 2021, une aide d’urgence composée de deux unités de réanimation complètes et autonomes.
Accueilli en héros avenue Habib-Bourguiba à Tunis, où à l’issue de son discours il a pris un bain de foule, M. Saïed a aussi, et surtout, derrière lui ses concitoyens, ce qui n’a sans doute pas dû échapper aux responsables des pays voisins...
Maroc-hebdo