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Ces ERM (Étrangers résidant au Maroc) que la crise a éloignés physiquement… mais pas mentalement

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  • Ces ERM (Étrangers résidant au Maroc) que la crise a éloignés physiquement… mais pas mentalement

    Loin du Maroc, les expats ont le blues

    Publié le 10/08/2021



    De nombreux Français, des Espagnols ou encore des Belges sont nés, ont vécu, ont étudié et ont eu leurs enfants au Maroc. Marocains de cœur, ils souffrent d’être éloignés de leur pays d’adoption à cause de la pandémie.


    En mai 2020, pendant que l’Europe déconfine un peu partout, le Maroc demeure en quarantaine, et ses frontières fermées. Pour Marie, née à Rabat et qui vit désormais à Bruxelles, ce n’est qu’une question de jours avant que la situation ne s’améliore et qu’elle ne puisse rendre visite à sa famille et à ses amis restés dans la capitale chérifienne.


    “J’étais dans les starting-blocks sur le site de réservation des billets d’avion, prête à décoller à tout moment tellement le Maroc me manquait”, témoigne cette avocate de 45 ans. En contact avec des amis marocains installés eux aussi à l’étranger, elle échange des nouvelles et des idées, calme ses angoisses, et, comme tout le monde à ce moment-là, spécule à n’en plus finir.

    “Un vrai mal du pays”


    Dans le même temps, à Stockholm, Marcelle pense que c’est vraiment juste ses parents, installés à Agadir et qu’elle n’a pas vus depuis septembre 2019, qui lui manquent. Mais, quand tombe l’annonce du maintien de la fermeture des frontières, elle réalise que c’est bien plus que cela : “Sur les réseaux sociaux, je voyais des images, des vidéos prises au Maroc, et mon cœur se serrait, j’étais envahie par un vrai mal du pays.”

    Pendant le confinement, elle se met à cuisiner certains plats, comme le couscous, qu’elle tient à préparer pour ses enfants, car c’est la première chose qu’ils mangent chez leurs grands-parents en atterrissant au Maroc – et ce n’importe quel jour, vendredi ou pas. Pour elle aussi, les liens se consolident avec ses amis marocains éparpillés un peu partout.

    Alors, quand débute l’Euro de football, en juin dernier, et qu’on demande à cette Franco-Espagnole d’origine suédoise : “Qui soutiens-tu entre la France, l’Espagne et la Suède ?” on s’entend répondre : “Aucun des trois, je ne me sens pas concernée.” Avant de préciser, face à la réaction généralement étonnée de ses interlocuteurs : “Si nous étions en pleine Coupe du monde et que le Maroc jouait, là, oui, je supporterais les Lions et ma loyauté irait vers eux !”

    Des racines profondes


    “Ma mère est enterrée au Maroc, j’y ai vu le jour, mes enfants aussi. Ce pays n’a jamais été pour moi une escale, je n’appelle aucun autre lieu mon ‘chez-moi’”, confie Marie. Si elle s’est installée en Belgique il y a dix ans, c’est avant tout pour des raisons professionnelles. Son Maroc n’a jamais été bien loin : elle rentre jusqu’à trois fois par an, dont un mois plein en été, pendant lequel elle partage son temps entre habitudes et découvertes.

    La quadragénaire a développé les mêmes automatismes que ceux qu’elle appelle ses compatriotes : avant de rentrer, elle charge ses valises de cadeaux pour sa famille… mais aussi pour la famille par extension. “Je suis un vrai cliché, à l’aéroport j’ai des excédents de bagages, j’en refile à mon mari et à mes enfants quand ils sont avec nous”, rit-elle. De même pour le retour vers le Vieux Continent, elle embarque sa menthe, ses gâteaux préférés par dizaines de kilos, des olives, des pastillas congelées confectionnées par sa voisine…

    Halal, Vache qui rit et darija


    Pour Nicolas, qui a vécu une décennie entre Marrakech et Casablanca, les liens persistent aussi par la cuisine. À Nice, où il a reposé ses valises, il continue de faire ses courses chez des bouchers halal et d’assaisonner ses préparations “à la marocaine”. “Je ne sais plus faire une salade sans y ajouter des poivrons grillés et pelés, des oignons rouges, et sans saupoudrer le tout de cumin”, avoue-t-il.

    À la pause déjeuner, on le regarde bizarrement lorsqu’il fait l’impasse sur les cafétérias avoisinantes pour leur préférer un sandwich au thon, aux œufs durs et à la Vache qui rit, raconte-il en darija [l’arabe dialectal marocain], qu’il continue de parler quotidiennement. “J’ai bientôt 40 ans et je n’en ai passé que dix au Maroc, mais ce pays est resté en moi comme une empreinte, génétique presque”, résume le Marocain de cœur.

    Pas dans le même bateau ?


    À l’été 2021, l’espoir de rentrer au Maroc s’est vu fondre comme neige au soleil marrakchi, à nouveau. Cette fois-ci, ce sont moins les restrictions réglementaires que les tarifs prohibitifs des billets qui font réfléchir nos intervenants. Lorsque Royal Air Maroc déploie une offre promotionnelle “historique”, ils éprouvent un sentiment d’“illégitimité”.

    “Je ne sais pas pourquoi, déclare Marie, quand cette opération a commencé je me suis persuadée qu’elle n’était réservée qu’aux Marocains qui pouvaient prouver leur nationalité.” Même réflexe pour Marcelle, qui n’a même pas allumé son ordinateur pour voir si elle était éligible : “J’avais l’impression qu’il fallait que je laisse ma place. Je ne sais pas d’où venait cette sensation que je n’avais jamais ressentie, mais elle a été douloureuse.” Pour Nicolas, c’est l’ascenseur émotionnel :
    Dès que l’on voit une porte s’entrouvrir pour rentrer, elle se referme immédiatement avant que l’on ait pu réserver notre place. Au début, on se sentait tous dans le même bateau, on ne pouvait pas rentrer, mais nos amis MRE [Marocains résidents à l’étranger] non plus, nous partagions les mêmes doutes. […] Mon premier retour depuis longtemps était prévu pour l’été 2020. Le Covid en a décidé autrement. Depuis, dès que l’on voit une porte s’entrouvrir, elle se referme immédiatement avant que l’on n’ait pu réserver notre place.”

    Cette situation particulière résulte, pour nos sources, d’une appartenance qui finalement n’en est pas officiellement une, d’une simple étiquette qu’ils n’ont pas et de laquelle ils ne se sont jamais souciés avant cette pandémie. “Lorsqu’on est résident étranger au Maroc et qu’on le quitte, on devient un touriste. Personne ne me qualifie comme telle, c’est moi avec moi, mais je ne veux pas être considérée comme ça”, développe Marie. Et Nicolas de renchérir : “L’aspect administratif m’importe peu, je veux juste entendre l’adhan [l’appel à la prière]. Parfois je l’entends dans des films ou autre, ça me remplit de sérénité.”

    Farah Nadifi - Courrier Expat
    "Tout ce qui te dérange chez les autres, c'est seulement une projection de ce que tu n'as pas résolu en toi-même" - Bouddha
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