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    Ca y est c'est fait

    Vainqueur, Barack Obama devra réunifier les démocrates
    LEMONDE.FR | 04.06.08 | 11h47 • Mis à jour le 04.06.08 | 12h41

    Washington, correspondante

    Longtemps retardé en raison de la résistance farouche opposée par Hillary Clinton, le moment a fini par arriver. Cinq mois, jour pour jour, après le début des primaires, le 3 janvier dans l'Iowa, Barack Obama en a fait lui-même l'annonce, mardi 3 juin, devant près de 20000 personnes réunies dans une salle de Saint Paul, dans le Minnesota, et 13000 autres qui n'avaient pu y trouver place : "Grâce à vous, je peux être ici et dire ce soir que je serai le candidat démocrate pour l'élection du président des Etats-Unis."

    Une longue ovation a suivi, mais Barack Obama, concentré, investi de l'enjeu de la bataille qui s'annonce contre le candidat républicain, John McCain, n'a qu'à peine souri. L'attente avait été trop longue pour savourer le moment. Et il y a déjà longtemps que Barack Obama a laissé éclater sa fierté, lorsqu'il a remporté le scrutin dans l'Iowa, la victoire la plus significative, celle qui a montré aux Noirs que tout était possible, peut-être, dans l'Amérique d'aujourd'hui. "Ils disaient que ce jour n'arriverait jamais", avait-il lancé.

    M. Obama a gagné l'une des deux dernières primaires, qui se tenaient mardi, celle du Montana (avec 15points d'avance). Dans le Dakota du Sud, il a été devancé de 10points par Mme Clinton. Mais le soutien annoncé des "super-délégués" au fil de la journée lui a permis de franchir le seuil nécessaire pour remporter la nomination (2118 délégués). Il a terminé avec 2157 délégués, contre 1926 pour Mme Clinton.

    Toute la soirée, les commentateurs se sont réjouis de ce résultat historique. Pour la première fois, un Africain-Américain va porter les couleurs de l'un des deux grands partis dans la bataille présidentielle, et les sondages lui donnent des chances d'être élu. "Président noir", ces deux mots ne sont plus inconciliables, a commenté le Washington Post.

    Alors qu'il n'est apparu sur la scène nationale qu'il y a quatre ans, le sénateur de l'Illinois, âgé de 46 ans, a fait tomber la "maison Clinton". Il l'a emporté sur 9 autres candidats, tous plus âgés et, pour beaucoup, plus expérimentés.

    Globalement, M. Obama a remporté 33Etats, contre 19 pour Mme Clinton. Une analyse du New York Times portant sur 36 Etats montre cependant que le tableau est plus contrasté que la répartition de "clientèles", mentionnée généralement. Mme Clinton a gagné majoritairement le vote féminin, mais pas partout. Dans 16 Etats, plus de 50% des femmes ont choisi M. Obama. Celui-ci arrive en tête chez les jeunes mais dans 5Etats, dont le Massachusetts, "Etat étudiant" s'il en est, et la Floride, Mme Clinton a recueilli plus de 50% du vote des moins de 30 ans. M. Obama n'a été majoritaire dans l'électorat blanc que dans 8 Etats.

    Toute la journée, les supporters de Mme Clinton ont tenté d'endiguer les rumeurs faisant état de l'abandon de leur championne. Elles ont adressé des courriels à l'ancien vice-président AlGore soutenant que la sénatrice avait remporté le "vote populaire" et l'appelant à la rescousse. Dans son discours, M. Obama a rendu un hommage très appuyé à sa rivale et assuré qu'elle aurait "une place centrale" lorsque s'engagera "la bataille de l'assurance-santé". Il a aussi cité Bill Clinton, alors que celui-ci est décrit comme le principal obstacle, du point de vue du camp Obama, à l'éventuelle offre de la vice-présidence à son épouse. "Elle est entrée dans l'Histoire non pas seulement parce qu'elle est une femme qui a fait ce qu'aucune autre femme n'a fait. Mais parce qu'elle est une dirigeante qui inspire des millions d'Américains par sa force, son courage et son engagement", a-t-il dit. L'autre obstacle à un éventuel "ticket" Obama-Clinton : la base militante. Des appels sont apparus sur les blogs : "Non à Hillary". L'entourage du candidat craint aussi, selon la presse, d'envoyer un signal contraire à son "message de changement".

    M. Obama a appelé Mme Clinton pour lui renouveler son offre de la rencontrer à sa convenance. Une pétition a été lancée par une déléguée du camp Clinton réclamant sa présence sur le "ticket".

    Mardi, le candidat démocrate a esquissé en quelques mots l'angle principal de sa campagne contre son adversaire républicain. "Il y a beaucoup de mots pour décrire la tentative de John McCain de faire passer pour pluraliste et nouvelle son adhésion aux politiques de George Bush, mais le changement n'en fait pas partie", a-t-il déclaré.

    M. McCain essaie lui aussi de récupérer les femmes qui, déçues par la défaite de Hillary Clinton, refuseraient de voter pour M. Obama. Dans un appel à peine déguisé à la sensibilité féminine, il a évoqué ses trois filles et rendu hommage à Mme Clinton, une "amie". Le Parti républicain a, de son côté, publié une analyse relevant que près de 18 millions d'électeurs ont estimé que M. Obama n'était pas le meilleur candidat. Un nombre supérieur au total des voix enregistrées, tous candidats confondus, dans les quatre dernières campagnes d'élections primaires démocrates.
    Corine Lesnes



    Extraits du discours prononcé par Barack Obama, mardi 3 juin, à Saint Paul (Minnesota)


    Ce soir, je peux me présenter devant vous et dire que je serai le candidat démocrate pour la présidence des Etats-Unis. (…) La sénatrice Hillary Clinton est entrée dans l'Histoire dans cette campagne, pas seulement parce qu'elle est une femme qui a accompli ce qu'aucune femme n'avait accompli avant, mais parce qu'elle est un leader qui inspire des millions d'Américains par sa force, son courage, et son engagement. (…) Notre parti et notre pays sont meilleurs grâce à elle, et je suis un meilleur candidat pour avoir eu l'honneur de faire campagne contre Hillary Rodham Clinton. (…)
    Le changement, c'est une politique étrangère qui ne commence pas et ne finit pas avec une guerre qui n'aurait jamais dû être autorisée ni livrée. Je ne vais pas prétendre qu'il reste beaucoup de bonnes options en Irak, mais ce qui n'est pas une option, c'est de laisser nos militaires dans ce pays pour les cent ans à venir. (…)
    Le changement, c'est reconnaître que répondre aux menaces d'aujourd'hui n'exige pas seulement notre puissance de feu, mais le pouvoir de notre diplomatie – une diplomatie dure, directe, où le président américain n'a pas peur de laisser savoir aux dictateurs mesquins où en est l'Amérique et ce qu'elle défend. Nous devons retrouver le courage et la conviction de mener le monde libre. C'est l'héritage de Roosevelt, et Truman, et Kennedy. (…)
    Le changement, c'est construire une économie qui ne récompense pas seulement la richesse, mais le travail et les travailleurs qui l'ont créée. (…)
    Amérique, c'est notre moment, c'est notre heure, le temps de tourner la page sur les politiques du passé, le temps d'apporter une nouvelle énergie et de nouvelles idées pour les difficultés auxquelles nous faisons face, le temps d'offrir un nouveau cap au pays que nous aimons. (…) J'affronte ce défi avec une profonde humilité, et conscient de mes limites, mais aussi avec une foi sans bornes dans les capacités du peuple américain. (...)

  • #2
    Obama, l'homme pressé qui a détrôné Hillary

    Obama, l'homme pressé qui a détrôné Hillary
    Philippe Gélie, correspondant à Washington
    04/06/2008 | Mise à jour : 07:52

    Barack Obama se voit comme un catalyseur : son élection suffirait à faire basculer le pays dans une ère nouvelle, au-delà des clivages sociaux et raciaux actuels.
    Barack Obama se voit comme un catalyseur : son élection suffirait à faire basculer le pays dans une ère nouvelle, au-delà des clivages sociaux et raciaux actuels. Crédits photo : AP
    Le jeune sénateur de l'Illinois, apparu il y a à peine trois ans sur la scène nationale, a construit sa victoire comme un savant exercice de stratégie.

    Il y avait quelque chose d'un peu raide dans la posture de Barack Obama, en ce matin froid de février 2007, lorsqu'il s'est lancé à la conquête de la Maison-Blanche depuis les marches du capitole de Springfield (Illinois), dans le sillage d'Abraham Lincoln. Que cachaient ce visage grave, ce regard posé sur la ligne d'horizon, cet enthousiasme sautillant, ce discours inspiré dit avec des accents de technocrate ?

    Phénomène politique apparu à peine trois ans plus tôt sur la scène nationale américaine, Obama ne faisait pas figure de favori face à l'armada du couple Clinton, puissances tutélaires du Parti démocrate depuis près de vingt ans. La sénatrice de New York partait avec un avantage sur tous les plans : les réseaux, l'argent, l'expérience, la notoriété. Son collègue de l'Illinois avait pour lui des atouts plus fragiles : le charme, la nouveauté, la jeunesse et un air de changement. Seize mois plus tard, alors qu'il terrasse Hillary Clinton au terme de primaires homériques, on s'aperçoit que ces attributs n'ont été que les accessoires de sa victoire, construite comme un savant exercice de stratégie.

    La raideur d'Obama sur les marches de Springfield n'était pas défensive, sa prudence dans les débats n'était pas due à un manque d'agilité. C'est plutôt le symptôme d'une ambition inflexible, qui a pu le faire passer pour élitiste, mais lui a permis de traverser les tempêtes sans se renier.

    Le sénateur de 46 ans ne s'est pas laissé ballotter au gré des circonstances, il n'a pas plié l'échine sous les attaques aux relents parfois racistes. Il a scrupuleusement respecté un plan de campagne mis au point à l'avance, combinant son message de changement avec une stratégie de terrain qui ne laisse rien au hasard.

    En dévoilant ses faiblesses, l'épreuve des primaires a aussi révélé ses forces. «Il a démontré le talent le plus mystérieux et le plus précieux en politique, souligne David Ignatius du New York Times : la grâce sous la pression.»

    La victoire de ce challenger doit beaucoup au sang-froid et à la cohésion d'une équipe pourtant jeune et d'expérience inégale. Le principal auteur des discours du candidat n'a que 26 ans. Deux fois plus âgé, son conseiller stratégique, David Axelrod, affiche un palmarès électoral envié. Avec tous, le patron fait preuve d'une qualité d'écoute et d'une équanimité qui impressionnent. «Je ne l'ai entendu hausser le ton que deux fois en quatre ans», raconte à Newsweek l'un de ses compagnons de route.

    «Stop the drama»


    Le calme et la maîtrise de soi seraient sa façon de rester concentré sur l'objectif. Il avait mis les choses au point dès le départ : «On ne joue pas des coudes et l'on ne distribue pas les blâmes. Nous nous élèverons ou nous chuterons ensemble.» Dans l'avion de campagne, son état-major porte souvent des Tee-shirts «Stop the drama, Vote Obama».

    Le candidat a su échapper à l'étiquette de «girouette» qui avait coulé John Kerry en 2004. Quand il a promis de dialoguer directement avec les ennemis de l'Amérique, notamment le régime iranien, les analystes ont crié à l'inexpérience, et Clinton a pris le contre-pied. Pourtant, il ne s'est pas dédit, se contentant d'assurer qu'il y mettrait les formes pour préserver le prestige de la nation.

    Lorsque les tirades enflammées de son pasteur Jeremiah Wright ont réveillé les vieux clivages raciaux, il ne s'est pas précipité pour couper les ponts, s'efforçant d'abord d'élever le débat, avant d'entériner la rupture «avec douleur».

    Quand Clinton a proposé de dispenser temporairement les Américains de taxes sur l'essence, il n'a pas cédé au populisme d'une mesure considérée par les économistes comme de la poudre aux yeux.

    Et quand son patriotisme a été mis en doute, Obama n'a pas accroché illico un pin's de la bannière étoilée à sa boutonnière pour apaiser la vox populi, même si l'insigne y a fait depuis quelques apparitions.

    Ainsi, en dépit des accès de fièvre médiatique, l'opinion américaine n'a pratiquement pas varié à son sujet. Beaucoup a été dit sur sa base électorale composée de jeunes, d'Afro-Américains et de «cols blancs» (les couches supérieures de la classe moyenne). Presque par définition, elle ne pourrait s'élargir aux «cols bleus» de l'Amérique ouvrière blanche ralliée à Hillary Clinton ni aux «démocrates reaganiens» qui votent tantôt à gauche sur l'économie, tantôt à droite sur les valeurs. Mais le paradoxe Obama résiste aux anciennes catégories. Classé comme le sénateur le plus «libéral» (à gauche) en 2007, cela ne l'empêche pas de séduire largement les indépendants, réputés au centre de l'échiquier politique.

    «Un homme global»


    Début mai dans l'Indiana, il a glané 40 % du vote blanc : Clinton n'y devrait sa courte victoire qu'à une campagne républicaine en sa faveur, orchestrée par des commentateurs qui voyaient en elle un adversaire plus facile à battre par John McCain.

    Pour le magazine Time, la recette du succès de Barack Obama tient à sa faculté «de représenter des choses différentes pour des gens différents» : un réformateur coopté par l'establishment, un Afro-Américain financé par des libéraux blancs, un membre de l'élite qui s'est pourtant fait tout seul.

    À l'heure de l'affrontement final contre McCain, beaucoup d'Américains ne vont pas manquer de s'interroger : qui est vraiment le premier Noir jamais choisi par un grand parti pour le représenter dans la course à la Maison-Blanche ? Vient-il du Kenya, où se trouvent ses racines paternelles ? D'Hawaï, où il est né et où il a grandi ? Du Kansas, berceau de sa famille maternelle blanche ? De Harvard, où il fut le premier président de couleur de la prestigieuse Law Review ? Ses conseillers exaltent «un homme global à l'heure de la globalisation», capable, par la seule vertu de son histoire personnelle atypique, de réconcilier l'Amérique avec le reste du monde.

    Mais la réponse politique est sans doute plus simple : le candidat Obama arrive tout droit de Chicago. C'est là qu'il a appris à mettre sur pied une base militante, à s'appuyer sur les intérêts particuliers de ceux qu'il courtise, à conjuguer le travail de terrain avec le parrainage des puissants, à diffuser un message d'espoir tout en rendant coup pour coup. Chicago, connue pour ses mœurs politiques brutales, constitue le creuset où le jeune homme qui se faisait appeler Barry a trouvé son identité.

    Il y a débuté modestement dans les années 1980, comme «organisateur communautaire» dans des quartiers déshérités, mais déjà mu par de hautes ambitions politiques. Il y a rencontré sa femme, Michelle, qui contrairement à lui a vécu l'expérience sociale des Noirs dans les ghettos urbains d'Amérique. Il y a choisi une église et un mentor, le révérend Wright, qui lui a certes causé des soucis durant les primaires, mais lui a donné un «enracinement».

    Le jeune homme pressé est ainsi devenu une sorte de reflet de Bill Clinton. À l'instar du sudiste blanc adopté par les Noirs déshérités, le métis de l'Illinois est reconnu comme l'un des leurs par les Blancs les plus aisés. Comme le «petit gars de Hope», il prêche le changement contre l'expérience. Comme lui, il promet de transformer la politique à Washington.

    L'ironie veut que la victime du stratagème soit l'épouse de l'ancien président. Cette «tête politique» clairvoyante s'est laissé leurrer comme un papillon devant une lampe : pendant qu'elle dénigrait le discours scintillant d'Obama, elle ne voyait pas l'armée des volontaires se soulever à travers le pays. Le jeune sénateur ne l'a pas battue à la télévision ni dans de grands meetings : il l'a écrasée sur le terrain, en levant plus d'argent qu'elle auprès d'un million et demi de sympathisants et en remportant la majorité des caucus, ces comités électoraux qui donnent la prime à l'organisation.

    «Renégat»


    Barack Obama n'est pas un candidat sans défauts. «Renégat», le nom de code que lui ont choisi ses gardes du corps du Secret Service, en dit long sur le travail de reconnaissance qu'il lui reste à accomplir auprès de la nation. Il compte peu de réalisations concrètes à son actif, aucune loi au Sénat ne porte son nom.

    À sa promesse d'un changement radical répond un parcours prudent et calculé, jalonné de compromis avec ses adversaires. Son programme est plutôt centriste, sauf sur l'engagement de rapatrier les troupes d'Irak en seize mois. La révolution politique qu'il annonce, c'est d'abord une réconciliation entre démocrates et républicains modérés, au nom du pragmatisme. Le candidat métis se voit comme un catalyseur : son élection suffirait à faire basculer le pays dans une ère nouvelle, au-delà des clivages sociaux et raciaux actuels ; sa génération rénoverait le système politique ; son visage changerait la perception de l'Amérique à l'étranger.

    Mais la conquête de la Maison-Blanche reste un immense défi. S'il parvient à surmonter une méfiance parfois nourrie de racisme, l'élection du 4 novembre devrait se résumer à un choix entre le candidat de l'avenir et celui du passé. S'il reste prisonnier des divisions du pays, il risque d'être battu par plus rassembleur que lui.

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