Alors que se profilait un semblant d’apaisement, une nouvelle crispation vient d’éclater, emportant les derniers espoirs d’une relation à normaliser.
« Chaque fois qu'un apaisement se dessine à l'horizon, quelqu'un appuie sur un bouton, et “boom”, ça explose en plein vol. » C'est avec tout le découragement du monde que s'exprime ce sherpa du bilatéral France-Algérie, rencontré lors d'une soirée mondaine à Alger dimanche soir.
Le dernier soubresaut de la relation a éclaté ce dimanche lorsqu'Alger a exigé auprès du chargé d'affaires de l'ambassade de France en Algérie, Gilles Bourbao (en l'absence de l'ambassadeur Stéphane Romatet, rappelé en « consultation » à Paris depuis mi-avril), que « les agents français, objet d'une affectation dans des conditions irrégulières, fassent l'objet d'un rapatriement immédiat vers leur pays d'origine ».
Selon l'APS, l'agence officielle, qui cite des « sources informées », la convocation du chargé d'affaires par les Affaires étrangères « serait intervenue après le constat de manquements flagrants et répétés de la partie française au respect des procédures consacrées en matière d'affectation d'agents auprès des représentations diplomatiques et consulaires françaises en Algérie ».
« Sur la période récente, explique l'APS, il aurait été constaté par les services compétents algériens l'affectation de pas moins de quinze agents français devant assumer des fonctions diplomatiques ou consulaires sans que ces affectations n'aient fait, au préalable, l'objet ni de notifications officielles, ni de demandes d'accréditation appropriées comme l'exigent les procédures en vigueur. »
Deux agents du ministère de l'Intérieur ciblés
Pour Alger, donc, « ces agents, titulaires auparavant de passeports de service, se sont vus accorder des passeports diplomatiques pour faciliter davantage leur entrée en Algérie. En outre, et comme il en a déjà été fait état, cette liste inclut deux agents relevant du ministère français de l'Intérieur et devant manifestement suppléer partiellement à ceux qui ont été récemment déclarés persona non grata ».
De plus, Alger reproche, dans la même dépêche de l'APS, le « refus » d'accès au territoire français aux Algériens portant un passeport diplomatique, et le fait que « deux consuls généraux nommés aux postes de Paris et de Marseille et sept autres consuls attendent toujours de recevoir l'accréditation des autorités françaises depuis plus de cinq mois ».
Dimanche, la chaîne publique AL24 avait annoncé que deux « agents de la DGSI », qui seraient envoyés en Algérie « sous le couvert de passeport diplomatique », ont été expulsés par l'Algérie. Il s'agirait, selon ce média, d'une « nouvelle manœuvre » du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau « qui mène une croisade contre l'Algérie depuis plusieurs mois et qui utilise tous les moyens pour essayer de faire pression sur l'Algérie qui continue à défendre sa souveraineté ».
« Comment appelle-t-on des agents de la DGSI envoyés vers un pays “clandestinement”, sans être signalés ? Des barbouzes ! » cingle ce lundi le quotidien gouvernemental El Moudjahid, qui cible tout au long de son article d'ouverture Bruno Retailleau, « porte-voix à l'échelle officielle » de « la droite et de l'extrême droite ».
Choc à Paris
Alger avait, le 14 avril, déclaré persona non grata douze agents diplomatiques et administratifs, relevant du ministère de l'Intérieur, de l'ambassade de France, exigeant leur expulsion sous 48 heures. La mesure était une réponse à l'arrestation d'un agent consulaire algérien en France, soupçonné d'être impliqué dans la tentative d'enlèvement, l'an dernier, d'un youtubeur controversé, Amir Boukhers, alias Amir DZ. Paris avait réagi en expulsant à son tour douze fonctionnaires algériens des consulats de l'ambassade, et en rappelant l'ambassadeur Romatet à Paris.
Cette dernière évolution a provoqué un choc à Paris, selon nos sources, qui assurent que les quinze agents cités par le ministère des Affaires étrangères algérien (« un chiffre contesté », d'après nos sources) ont été effectivement « appelés en mission de renfort temporaire pour assurer le remplacement des gendarmes expulsés mi-avril chargés de la sécurité de l'ambassade et sans liens avec le ministère de l'Intérieur, même cas pour les agents consulaires ciblés ». D'après plusieurs observateurs, Paris ne pourra pas ne pas répliquer à cette mesure algérienne.
Selon d'autres sources, les raisons de la mesure de rétorsion algérienne pourraient surtout être liées à la publication par le Journal du Dimanche d'un article intitulé « Barbouzeries algériennes en France : tout ce qui accuse Tebboune et son régime » et qui cible particulièrement le président algérien, le traitant notamment d'« impulsif ».
Le JDD révèle dans le même article que « le Quai d'Orsay a saisi les autorités algériennes pour leur demander de lever l'immunité́ du premier secrétaire de l'ambassade [à la suite de l'affaire Amir DZ] afin qu'il soit convoqué́ par la justice française ». Une information non confirmée à Paris et à Alger.
« Retailleau envoie des barbouzes »
La séquence actuelle intervient alors que des prémices d'apaisement commençaient à poindre, notamment avec la participation d'une trentaine d'élus français aux commémorations des massacres du 8 mai 1945. El Moudjahid le souligne d'ailleurs : « Des parlementaires et élus du peuple français sont venus en Algérie, de manière régulière et avec des visas, pour participer, aux côtés du peuple algérien, à la commémoration du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, pour porter un message d'apaisement et appeler à des relations équitables et respectueuses entre la France et l'Algérie. Pendant ce temps, Bruno Retailleau, nommé et non pas élu, envoie des barbouzes… Le décalage est bien là, réel. »
Le « décalage » est également souligné par certains observateurs à Alger, qui s'étonnent des récentes sorties de Jean-Noël Barrot qui parlait, le 11 mai, de relations totalement « gelées » et « bloquées », et de celles de Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, déclarant, le 7 mai, que « le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, le ministre des Affaires étrangères vont réengager une phase de concertation et de négociation pour continuer à appliquer [la] riposte graduée, et probablement la durcir ».
Durcir la riposte graduée : à Paris, beaucoup assurent qu'il n'y aura pas d'autres choix. Selon nos sources, des sanctions seront étudiées lors du prochain conseil de défense du 21 mai, présidé par Emmanuel Macron, et consacré, en partie, à la situation avec l'Algérie.
lepoint
« Chaque fois qu'un apaisement se dessine à l'horizon, quelqu'un appuie sur un bouton, et “boom”, ça explose en plein vol. » C'est avec tout le découragement du monde que s'exprime ce sherpa du bilatéral France-Algérie, rencontré lors d'une soirée mondaine à Alger dimanche soir.
Le dernier soubresaut de la relation a éclaté ce dimanche lorsqu'Alger a exigé auprès du chargé d'affaires de l'ambassade de France en Algérie, Gilles Bourbao (en l'absence de l'ambassadeur Stéphane Romatet, rappelé en « consultation » à Paris depuis mi-avril), que « les agents français, objet d'une affectation dans des conditions irrégulières, fassent l'objet d'un rapatriement immédiat vers leur pays d'origine ».
Selon l'APS, l'agence officielle, qui cite des « sources informées », la convocation du chargé d'affaires par les Affaires étrangères « serait intervenue après le constat de manquements flagrants et répétés de la partie française au respect des procédures consacrées en matière d'affectation d'agents auprès des représentations diplomatiques et consulaires françaises en Algérie ».
« Sur la période récente, explique l'APS, il aurait été constaté par les services compétents algériens l'affectation de pas moins de quinze agents français devant assumer des fonctions diplomatiques ou consulaires sans que ces affectations n'aient fait, au préalable, l'objet ni de notifications officielles, ni de demandes d'accréditation appropriées comme l'exigent les procédures en vigueur. »
Deux agents du ministère de l'Intérieur ciblés
Pour Alger, donc, « ces agents, titulaires auparavant de passeports de service, se sont vus accorder des passeports diplomatiques pour faciliter davantage leur entrée en Algérie. En outre, et comme il en a déjà été fait état, cette liste inclut deux agents relevant du ministère français de l'Intérieur et devant manifestement suppléer partiellement à ceux qui ont été récemment déclarés persona non grata ».
De plus, Alger reproche, dans la même dépêche de l'APS, le « refus » d'accès au territoire français aux Algériens portant un passeport diplomatique, et le fait que « deux consuls généraux nommés aux postes de Paris et de Marseille et sept autres consuls attendent toujours de recevoir l'accréditation des autorités françaises depuis plus de cinq mois ».
Dimanche, la chaîne publique AL24 avait annoncé que deux « agents de la DGSI », qui seraient envoyés en Algérie « sous le couvert de passeport diplomatique », ont été expulsés par l'Algérie. Il s'agirait, selon ce média, d'une « nouvelle manœuvre » du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau « qui mène une croisade contre l'Algérie depuis plusieurs mois et qui utilise tous les moyens pour essayer de faire pression sur l'Algérie qui continue à défendre sa souveraineté ».
« Comment appelle-t-on des agents de la DGSI envoyés vers un pays “clandestinement”, sans être signalés ? Des barbouzes ! » cingle ce lundi le quotidien gouvernemental El Moudjahid, qui cible tout au long de son article d'ouverture Bruno Retailleau, « porte-voix à l'échelle officielle » de « la droite et de l'extrême droite ».
Choc à Paris
Alger avait, le 14 avril, déclaré persona non grata douze agents diplomatiques et administratifs, relevant du ministère de l'Intérieur, de l'ambassade de France, exigeant leur expulsion sous 48 heures. La mesure était une réponse à l'arrestation d'un agent consulaire algérien en France, soupçonné d'être impliqué dans la tentative d'enlèvement, l'an dernier, d'un youtubeur controversé, Amir Boukhers, alias Amir DZ. Paris avait réagi en expulsant à son tour douze fonctionnaires algériens des consulats de l'ambassade, et en rappelant l'ambassadeur Romatet à Paris.
Cette dernière évolution a provoqué un choc à Paris, selon nos sources, qui assurent que les quinze agents cités par le ministère des Affaires étrangères algérien (« un chiffre contesté », d'après nos sources) ont été effectivement « appelés en mission de renfort temporaire pour assurer le remplacement des gendarmes expulsés mi-avril chargés de la sécurité de l'ambassade et sans liens avec le ministère de l'Intérieur, même cas pour les agents consulaires ciblés ». D'après plusieurs observateurs, Paris ne pourra pas ne pas répliquer à cette mesure algérienne.
Selon d'autres sources, les raisons de la mesure de rétorsion algérienne pourraient surtout être liées à la publication par le Journal du Dimanche d'un article intitulé « Barbouzeries algériennes en France : tout ce qui accuse Tebboune et son régime » et qui cible particulièrement le président algérien, le traitant notamment d'« impulsif ».
Le JDD révèle dans le même article que « le Quai d'Orsay a saisi les autorités algériennes pour leur demander de lever l'immunité́ du premier secrétaire de l'ambassade [à la suite de l'affaire Amir DZ] afin qu'il soit convoqué́ par la justice française ». Une information non confirmée à Paris et à Alger.
« Retailleau envoie des barbouzes »
La séquence actuelle intervient alors que des prémices d'apaisement commençaient à poindre, notamment avec la participation d'une trentaine d'élus français aux commémorations des massacres du 8 mai 1945. El Moudjahid le souligne d'ailleurs : « Des parlementaires et élus du peuple français sont venus en Algérie, de manière régulière et avec des visas, pour participer, aux côtés du peuple algérien, à la commémoration du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, pour porter un message d'apaisement et appeler à des relations équitables et respectueuses entre la France et l'Algérie. Pendant ce temps, Bruno Retailleau, nommé et non pas élu, envoie des barbouzes… Le décalage est bien là, réel. »
Le « décalage » est également souligné par certains observateurs à Alger, qui s'étonnent des récentes sorties de Jean-Noël Barrot qui parlait, le 11 mai, de relations totalement « gelées » et « bloquées », et de celles de Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, déclarant, le 7 mai, que « le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, le ministre des Affaires étrangères vont réengager une phase de concertation et de négociation pour continuer à appliquer [la] riposte graduée, et probablement la durcir ».
Durcir la riposte graduée : à Paris, beaucoup assurent qu'il n'y aura pas d'autres choix. Selon nos sources, des sanctions seront étudiées lors du prochain conseil de défense du 21 mai, présidé par Emmanuel Macron, et consacré, en partie, à la situation avec l'Algérie.
lepoint