
La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre à Rabat. La Cour royale marocaine a officiellement annoncé que le Roi Mohammed VI est atteint d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC) à un stade avancé. Le souverain, âgé de 61 ans, a entamé une chimiothérapie depuis trois mois. À l’issue des célébrations de la Fête du Trône qui aura la fin du mois en cours, il quittera le pays pour s’installer à Paris afin d’y poursuivre ses soins. Aucune durée de séjour n’a été communiquée, ce qui alimente spéculations et inquiétudes dans les cercles politiques et diplomatiques.
Au-delà de la santé du monarque, une question obsède désormais observateurs et partenaires étrangers : qu’adviendra-t-il du Makhzen si le roi venait à s’absenter durablement, voire à disparaître ?
Le Prince Héritier, une énigme sous haute surveillance
Désigné successeur depuis son plus jeune âge, le Prince Moulay El Hassan, né en 2003, n’a que 22 ans. S’il a multiplié les apparitions officielles ces dernières années, son expérience du pouvoir réel reste extrêmement limitée. En coulisses, certains hauts responsables du Makhzen doutent de sa capacité à imposer son autorité dans un système où les réseaux, les alliances et la verticalité du pouvoir jouent un rôle clé. Dans un pays aussi centralisé que le Maroc, le roi ne règne pas seulement, il gouverne. Sans lui, tout l’édifice institutionnel risque de vaciller.
Discordes feutrées au sein du Palais
Officiellement, la monarchie se présente comme une entité soudée. En réalité, des tensions traversent la famille royale, notamment entre les branches proches de Mohammed VI et celles marginalisées au fil des années. L’absence prolongée du roi pourrait faire émerger des luttes de pouvoir, voire des scénarios de régence où certains membres de la famille, ou du Makhzen, chercheraient à tirer avantage d’un interrègne ou d’un vide de commandement.
Qui dirige vraiment le Makhzen ?
Depuis plusieurs années, le nom de Fouad Ali El Himma, conseiller royal et ami intime du souverain, revient comme le véritable architecte de l’État profond marocain. Discret, mais omniprésent, il serait aujourd’hui le principal pilier du pouvoir, bien plus que le gouvernement ou les partis politiques formels. À ses côtés, l’influent patron du renseignement intérieur, Abdellatif Hammouchi, contrôle les services de sécurité avec une efficacité redoutée. Ensemble, ils forment le cœur du « vrai pouvoir », capable de décider en l’absence du roi.
La normalisation avec l’entité sioniste : un pacte impopulaire
Un autre dossier sensible resurgit avec force : la normalisation des relations avec l’entité sioniste, accélérée en 2020 sous l’impulsion des accords d’Abraham. Si cette décision a offert au Maroc une reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara Occidental, elle reste profondément rejetée par la population : 98 % des Marocains s’y déclarent opposés, selon plusieurs enquêtes indépendantes.
En cas de changement au sommet, cette ligne diplomatique pourrait-elle être remise en cause ? Rien n’est moins sûr. Car au sein du Makhzen, la ligne « pro-israélienne » est solidement arrimée à des intérêts économiques, sécuritaires et géopolitiques, notamment le soutien de certains lobbys à Washington.
Le temps du doute
L’absence prolongée ou la disparition du roi ouvrirait une période d’incertitude sans précédent depuis la mort d’Hassan II en 1999. Contrairement à ce dernier, Mohammed VI n’a pas construit un régime de peur mais un système oligarchique fondé sur l’économie, les services de sécurité et une diplomatie habile. Le Makhzen, ce pouvoir diffus et multiforme, saura-t-il préserver la stabilité sans son pivot ? Ou bien l’ébranlement du trône révélera-t-il les failles d’un royaume en apparence solide, mais intérieurement fracturé ?
L’avenir du Maroc se joue en silence, entre Rabat et Paris.
cresus
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