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Révélation, dévoilement , inspiration: Quelques précisions.

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  • Révélation, dévoilement , inspiration: Quelques précisions.

    Révélation, dévoilement , inspiration: Quelques précisions.

    Selon l'islam, la révélation (wahy) propre aux prophètes a été close par Muhammad. Dans cette humanité post-prophétique, le dévoilement et l'inspiration, héritières de la révélation, échoient aux « saints » (walî; pl. awliyâ'), mais les savants exotéristes de l'islam ont évidemment montré une grande réticence à reconnaître cet héritage. Celui-ci met en effet en balance les rapports entre prophétie et sainteté, entre norme révélée et aventure spirituelle.
    Le Prophète lui-même a évoqué diverses modalités d'inspiration ou de dévoilement intuitif. « Craignez la clairvoyance du croyant, disait-il, car il voit par la lumière de Dieu ».
    les « juristes » (fuqahâ') prennent alors peur : ils craignent que ces mystiques professent la supériorité de la sainteté sur la prophétie, et donc de l'inspiration libre sur la Loi révélée, normative. Ils condamnent donc certains soufis pour « prétention à la prophétie » ou « à l'inspiration prophétique ».
    Ils ont de bonnes raisons d'avoir de telles craintes, car la suprématie de l'inspiration sur la prophétie a un fondement coranique : celui de la rencontre entre Khadir (ou Khidr) et de Moïse, le prophète de la Loi hébraïque. Dans la sourate 18 (versets 65-82), Khadir, personnage énigmatique, initiateur des prophètes et des saints, met à l'épreuve Moïse par trois fois, en accomplissant des actes qui contreviennent en apparence à la Loi : il coule un bateau, tue un jeune homme, reconstruit un mur
    contre toute logique. Moïse, qui s'en tient aux normes extérieures de la Loi (Sharî‘a), se montre impatient et révolté. Khadir, quant à lui, perçoit la Haqîqa, la réalité profonde des choses et juge selon elle : il explique à Moïse le bien-fondé de ses actes, puis le laisse là.
    Les docteurs de la Loi ne peuvent admettre que le guide coranique de Moïse soit un saint; ce serait en effet reconnaître la supériorité de l'inspiration propre aux saints sur la révélation que reçoivent les prophètes. Selon Ibn Hajar, grand savant du XVe siècle, cette thèse relève de l'hérésie
    (zandaqa) qui vise à placer le saint au-dessus du prophète.
    Elle ouvre pour une brèche effrayante, car tout soufi se croyant sur les traces de Khadir peut alors enfreindre la Sharî‘a apportée par le Prophète, à l'instar de l'Initiateur qui contredit - en apparence du moins – la Loi mosaïque . Les oulémas exotéristes entendent bien, en effet, être les seuls
    détenteurs de l'autorité religieuse, les seuls interprètes de la Loi, et donc les seuls héritiers des prophètes. Le soufisme a précisément été défini comme « la science provenant directement de Dieu » (al-‘ilm al-ladunî), en référence au verset 18 : 65 : « Nous lui avons enseigné [à Khadir] une
    science [émanant] de chez Nous. ».
    Il y a ici deux conceptions différentes de la Loi : pour les exotéristes, celle-ci a été fixée définitivement et il n'y a plus qu'à suivre (taqlîd) ce qui a été établi par les premiers imams; pour les soufis au contraire, la Loi est toujours vivifiée par l'inspiration.
    Ibn Khaldûn (m. 1408), il affirme que les soufis sont les héritiers de Khadir et des prophètes : « Prophètes et saints, écrit-il, ont en commun la faculté de connaître le monde spirituel par la recherche du dévoilement (mukâshafa). Pour les premiers, il s'agit d'une disposition innée, tandis que les seconds l'acquièrent par l'effort et à un moindre degré ».
    Sha‘rânî (m. 1565), autre savant soufi égyptien, prolonge ce rapprochement entre révélation et inspiration. Les saints musulmans, affirme-t-il, peuvent recevoir ce qu'il appelle la « révélation inspirée » (wahy ilhâmî) . Cette fusion, on le conçoit, n'a pas manqué d'inquiéter les savants exotéristes . Le grand cadi égyptien Zakariyyâ al-Ansârî (m. 1520) semble même placer sur un pied d'égalité inspiration et révélation dans son opuscule consacré aux sciences du soufisme.
    On l'aura déjà remarqué, dévoilement spirituel (kashf) et inspiration sont fréquemment associés. L'emploi du terme kashf est en fait plus fréquent que celui de ilhâm, car ce terme empiète moins sur le territoire de la prophétie; il suscite donc moins de polémiques. Il est d'un usage assez commun dans la littérature islamique, et a notamment pour assise ce verset : « Tu étais inconscient de cela, puis Nous avons dévoilé ce qui te recouvrait; aujourd'hui ta vue est perçante ! » (Cor. 50 : 22). Pour
    les soufis, le kashf désigne le dévoilement des réalités spirituelles, cachées au commun des fidèles, l'exploration du monde du Mystère (‘âlam alghayb) que le Coran oppose au monde sensible (ou « monde du témoignage », ‘âlam al-shahâda). Ce dévoilement peut avoir lieu grâce à un processus de purification de l'âme charnelle, fruit d'une discipline spirituelle qui n'est pas à la portée de tout le monde. De toute évidence, ce n'est pas aux prophètes que les soufis font de l'ombre, mais bien à ceux qui se considèrent comme les gardiens patentés de la Loi : les « juristes » (fuqahâ'). L'autorité grandissante des cheikhs soufis à partir du XIIe siècle ne va pas, en effet, sans susciter des craintes chez les clercs qui se voient ainsi disputer leurs prérogatives. L'inspiration et le dévoilement du mystique ne concurrencent pas la révélation, mais plutôt l'interprétation littéraliste et légaliste qu'en font certains.
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