Je propose ici un extrait de texte qui s'intitule : " Entre recette magique d'Al-Bûnî et prière islamique d'al-Ghazali : textes talismaniques d'Afrique occidentale."
Cet extrait concerne les conditions essentielles , selon Al-Ghazali, à mettre en oeuvre afin d'obtenir satisfaction sur des prières formulées pour l'obtentions des faveurs d'Allah .
* Je n'ai pas posté les textes de Al-Bûnî. *
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Entre recette magique d'Al-Bûnî et prière islamique d'al-Ghazali : textes talismaniques d'Afrique occidentale.
Between al-Bûnî’s Magical Recipes and al-Ghazâlî's Islamic Prayer: Talismanic Texts from Western Africa”
Resúmenes
En analysant des recettes et textes talismaniques d'inspiration islamique, écrits en arabe et provenant d'Afrique occidentale, on est amené à distinguer deux types de formulations, chacune permettant, théoriquement, d'obtenir des avantages de tous ordres, notamment de répondre à des besoins individuels. La première formulation peut être rapportée à un type de prière ritualisée (ducâ’ supplique/demande) dont le modèle le plus prégnant dans la culture islamique figure dans l'oeuvre d'al-Ghazâlî (mort en 1111). La deuxième formulation se situe dans une perspective de magie opérant à l'intérieur de l'islam et s'inspirant du modèle constitué par l'oeuvre d'al-Bûnî (mort en 1225).
Entradas del índice
Mots-clés :textes, écrits, prière, magie, talisman, invocation
Keywords :scriptures, texts, prayer, magic
Índice geográfico :Afrique occidentale
Populations :Musulmans, Soninké
Plano
La magie de type al-Bûnî
La prière de type al-Ghazâlî
Magie et prière
La prière de type al-Ghazâlî
66 - Le livre IX commence par l'exposé de ce qu'il faut appeler un rituel rogatoire. Dès les premières lignes (Ihyâ’, IX, 259), surgissent deux notions-clé : premièrement, celle de « l'utilité (fâ’ida) des prières, globalement et dans le détail » et deuxièmement, celle du sentiment de leur efficacité, fondée sur l'assurance coranique : « Faites appel à moi, je vous donnerai satisfaction » (Cor, XL, 60) et : « Vrai, je suis proche, et lorsque quelqu'un m'invoque, je réponds à sa prière » (Cor, II, 186).
67 - Utilité, efficacité : ces qualités des prières (ducâ') ne sont pas données immédiatement ; elles nécessitent la mise en place d'un rituel marqué par des contraintes qu'al-Ghazâlî développe en dix points. « Ces minutieuses prescriptions, note L. Gardet ( 1977 : 632-634), ces conditions et règles du duc â' visent en fait à l'entourer de garanties d'efficacité. » Examinons quelques-unes de ces conditions (âdâb).
68 - I./ Condition de temps : Il y a des moments privilégiés (al-awqât ash-sharîfa) pour intervenir auprès d'Allah ; il s'en présente chaque nuit (le dernier tiers de la nuit), chaque semaine (le vendredi), chaque année (le jour de cArafat, le mois de Ramadan). Il y a aussi 15 nuits et 19 jours particulièrement favorables et « si un commerçant néglige ces périodes, il ne fait pas de bonnes affaires » (Ihyâ’, X, 317).
69 - II./ Condition de circonstance. L'environnement le plus propice est celui des prières canoniques. Ghazâlî cite une parole du Prophète : « Pendant la phase de prosternation (sujûd), faites l'effort d'émettre une dûcâ, elle a le pouvoir (qamin) d'être exaucée » (Ihyâ’, IX, 269)
70 - III./ Condition de posture : il faut « se tourner vers la qibla (direction de la kacba) et élever les mains », ce qui correspond à la posture du début de la prière canonique.
71 - VII./ Condition psychologique : « que la demande soit catégorique (yajzim), certaine de sa réalisation et sincère dans son espérance. » (id, 270)19. La psychologie contemporaine appliquée parlerait sans doute ici de renforcement de la motivation du sujet, facteur clé de sa réussite. Mais pour apprécier tout à fait la nature de cette condition, il faut se rappeler l'attitude religieuse profonde d'al-Ghazâlî pour qui, dans la religion, la croyance est première et le savoir ou le raisonnement secondaires voire parfois néfastes.
72 - Croire pour réussir : al-Bûnî insistera sur le même point et s'appuiera sur les mêmes paroles du Prophète, sous une forme légèrement variante20 : « [En utilisant ce livre] ta certitude doit être sincère et tu dois avoir foi dans ses vérités – le crédit accordé aux œuvres vient de leur intention. Si tu as l'intention de faire un « travail », crois en lui et en la parole du Prophète : ’que personne d'entre vous ne fasse de prière (yadcu) sans la certitude d'être exaucé.’« (Shams, I, 3).
73 - Au-delà de ce nouveau parallélisme entre al-Bûnî et al-Ghazâlî, il faudrait interroger plus à fond la tradition islamique des sciences occultes pour découvrir l'enracinement de ce point psychologique capital de la conviction intime sur l'aboutissement de la demande. Le philosophe et astrologue al-Kindî (fin IXe siècle) écrivait dans un ouvrage sur l'influence des astres :
« Il convient également que le désir, avec les autres choses nécessaires, soit intense pour qu'il possède un effet de mouvement ; car ce qu'on témoigne avec négligence ne suffit pas à l'effet du mouvement escompté. La foi dans l'effet futur est également nécessaire car celui qui désespère de l'effet sera frustré de son vœu, même s'il a exécuté avec sagesse tout le reste. En effet, la foi, c'est-à-dire un ferme espoir en l'événement désiré, constitue le nœud et l'appui du désir comme la préparation de la scamonée aide cette dernière dans son action laxative lorsqu'elle doit être donnée en remède. » (Cité par S. Matton, 1977 : 98)
74 - Celui qu'Ibn Khaldûn considérait comme le dernier grand auteur en sciences occultes, l'andalou Maslama al-Majrîtî (m. 1007-8) (ou son contemporain plus ou moins homonyme Abû Maslama al-Majrîtî) ne disait pas autre chose dans le Ghayat al-hakîm (« Le but du sage ») : « Il faut que l'opérateur en magie ait foi et confiance dans ses œuvres et soit sans aucun doute... »21
75 - On peut d'ailleurs penser que la persuasion et la motivation du « prieur » sortiront renforcées par la condition suivante.
76 - VIII./ Condition de répétition : « Il faut se montrer insistant dans la demande et répéter (yukarrir) la ducâ’ trois fois. »
77 - Pratiquement, si on prend l'exemple d'une ducâ contemporaine, produite et lithographiée par le milieu confrérique mouride du Sénégal22, où les formules ghazaliennes se remarquent, on apprend qu'il faut « lire cette ducâ’ trois fois et (qu') Allah ouvrira les portes de l'abondance... »
78 - IX. Condition de la mention initiale du nom d'Allah et de son Prophète.
79 - Autre élément clé de toute demande : ne jamais commencer par la requête elle-même mais par le nom d'Allah suivi de celui de son Prophète. Al-Ghazâlî rapporte cette tradition : « Celui qui veut qu'Allah réponde à son désir, qu'il commence par le salut sur le Prophète (as-salât calâ n-nabî) puis qu'il exprime sa demande et enfin qu'il termine par le salut sur le Prophète ».
80 - Dans la pratique, ces instructions sont scrupuleusement respectées. Les écrits talismaniques de toute nature sont ainsi généralement introduits par un bismillah ar-rahmân ar-rahîm (au nom d'Allah clément, miséricordieux) et par la salutation sur le Prophète : sallâ Allah calâ sîdnâ Muhammad wa calâ âlihi wa sahbihi wa sallam taslîman (salut – ou bénédiction – d'Allah sur notre seigneur Muhammad, sur sa famille, sur ses compagnons, salut le plus complet). On retrouvera cette même formule ou une de ses variantes à la fin des talismans. Le caractère stéréotypé de telles formules permet de les considérer comme des marqueurs physiques de début et de fin de document.
81 -X./ Condition de disposition intérieure (al-adab al-bâtin). Le demandeur doit être en état de contrition, de repentir, de retour à Allah (tawba). C'est l'attitude fondamentale (al-asl) pour que la demande soit reçue, le sine qua non pour qu'elle soit exaucée. Al-Ghazâlî utilise une expression très précise : « c'est la cause immédiate de la réalisation du vœu » (huwa as-sabab al-qarîb fî l-ijâba).
82 - On découvre ainsi dans la prière islamique de demande (ducâ’) un ensemble de contraintes qui jouent un rôle analogue à celui des prescriptions des recettes magiques et qui poursuivent le même but, celui d'une démarche efficace en vue de l'obtention d'un résultat personnel et utile. Du point de vue des bénéfices recherchés dans les ducâ’, on peut relever, à titre d'exemples, dans l'anthologie de l'Ihyâ’ : contrer des ennemis ; apaiser la crainte qu'on a de certaines personnes ; peur des orages ; guérir des maladies ; soulager de préoccupations diverses ; accroître ses biens, ses moyens de subsistance. Mais aussi : se faire pardonner ses fautes, éviter l'enfer, aller directement au paradis (sans avoir à rendre de comptes) etc.
83 - Voici trois ducâ’ du livre IX de l'Ihyâ’. Leur similitude de construction et de contenu avec des talismans ouest-africains est frappante.
84 — En cas de douleur.
« Si tu découvres une douleur dans ton corps ou chez quelqu'un d'autre, débarrasses t'en avec le procédé talismanique du Prophète (ruqîya rasûl Allah). Lorsque quelqu'un se plaignait d'un ulcère ou d'une blessure, le Prophète posait son doigt par terre puis le relevait et disait : bismillah, la terre de chez nous, mélangée à la salive de l'un d'entre nous, guérit notre malade, par la volonté de notre maître. » (Ihyâ’ IX, 287)
85 - Le texte arabe qui suit bismillah, un quatrain fortement rimé en — nâ, relève de l'incantation.
86 — La ducâ’ d'Adam.
(Il s'agit d'une réponse d'Allah à Adam). « Je t'ai pardonné et personne de ta descendance ne m'invoquera à ton imitation sans que je lui pardonne, que je dissipe ses peines et ses tracas, que j'éloigne de lui la pauvreté, que je le fasse réussir en affaires comme aucun commerçant ne l'a fait et sans que je fasse venir à lui les biens de ce monde, même s'il ne le souhaite pas. » (Ihyâ’ IX, 279)
87 — La duca du pardon (al-istighfâr).
(Le Prophète a dit) : « Celui qui multiplie les prières de pardon, Allah lui accordera le soulagement de toute préoccupation (hamm), le sortira de toute difficulté et lui procurera des moyens de subsistance illimités. » (Ihyâ’ IX, 274)
88 - Pour clore ce chapitre des prières de type al-Ghazâlî, on pourra comparer ce qui précède avec un talisman recueilli autrefois par P. Marty au Sénégal23.
« (Amulette pour faire fortune) L'utilité est dans le nom (d'Allah) wahhâb (le généreux). Dis la prière ci-dessous sur ton chapelet puis chaque nuit récite dix mille fois « O généreux ». Tu gagneras du bien sur la terre au point que les gens en seront stupéfaits, avec la grâce d'Allah. Récite ensuite encore trois fois la prière suivante « O Allah, par ton nom caché, toi le pur, le purificateur, le roi, le saint, le généreux, le vivant, l'immuable, le clément, le miséricordieux, toi qui possèdes la majesté et la générosité, exauce ma prière. »
89 - On notera simplement que ce dernier texte, à la différence des précédents, était porté en amulette dans un étui.
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Cet extrait concerne les conditions essentielles , selon Al-Ghazali, à mettre en oeuvre afin d'obtenir satisfaction sur des prières formulées pour l'obtentions des faveurs d'Allah .
* Je n'ai pas posté les textes de Al-Bûnî. *
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Entre recette magique d'Al-Bûnî et prière islamique d'al-Ghazali : textes talismaniques d'Afrique occidentale.
Between al-Bûnî’s Magical Recipes and al-Ghazâlî's Islamic Prayer: Talismanic Texts from Western Africa”
Resúmenes
En analysant des recettes et textes talismaniques d'inspiration islamique, écrits en arabe et provenant d'Afrique occidentale, on est amené à distinguer deux types de formulations, chacune permettant, théoriquement, d'obtenir des avantages de tous ordres, notamment de répondre à des besoins individuels. La première formulation peut être rapportée à un type de prière ritualisée (ducâ’ supplique/demande) dont le modèle le plus prégnant dans la culture islamique figure dans l'oeuvre d'al-Ghazâlî (mort en 1111). La deuxième formulation se situe dans une perspective de magie opérant à l'intérieur de l'islam et s'inspirant du modèle constitué par l'oeuvre d'al-Bûnî (mort en 1225).
Entradas del índice
Mots-clés :textes, écrits, prière, magie, talisman, invocation
Keywords :scriptures, texts, prayer, magic
Índice geográfico :Afrique occidentale
Populations :Musulmans, Soninké
Plano
La magie de type al-Bûnî
La prière de type al-Ghazâlî
Magie et prière
La prière de type al-Ghazâlî
66 - Le livre IX commence par l'exposé de ce qu'il faut appeler un rituel rogatoire. Dès les premières lignes (Ihyâ’, IX, 259), surgissent deux notions-clé : premièrement, celle de « l'utilité (fâ’ida) des prières, globalement et dans le détail » et deuxièmement, celle du sentiment de leur efficacité, fondée sur l'assurance coranique : « Faites appel à moi, je vous donnerai satisfaction » (Cor, XL, 60) et : « Vrai, je suis proche, et lorsque quelqu'un m'invoque, je réponds à sa prière » (Cor, II, 186).
67 - Utilité, efficacité : ces qualités des prières (ducâ') ne sont pas données immédiatement ; elles nécessitent la mise en place d'un rituel marqué par des contraintes qu'al-Ghazâlî développe en dix points. « Ces minutieuses prescriptions, note L. Gardet ( 1977 : 632-634), ces conditions et règles du duc â' visent en fait à l'entourer de garanties d'efficacité. » Examinons quelques-unes de ces conditions (âdâb).
68 - I./ Condition de temps : Il y a des moments privilégiés (al-awqât ash-sharîfa) pour intervenir auprès d'Allah ; il s'en présente chaque nuit (le dernier tiers de la nuit), chaque semaine (le vendredi), chaque année (le jour de cArafat, le mois de Ramadan). Il y a aussi 15 nuits et 19 jours particulièrement favorables et « si un commerçant néglige ces périodes, il ne fait pas de bonnes affaires » (Ihyâ’, X, 317).
69 - II./ Condition de circonstance. L'environnement le plus propice est celui des prières canoniques. Ghazâlî cite une parole du Prophète : « Pendant la phase de prosternation (sujûd), faites l'effort d'émettre une dûcâ, elle a le pouvoir (qamin) d'être exaucée » (Ihyâ’, IX, 269)
70 - III./ Condition de posture : il faut « se tourner vers la qibla (direction de la kacba) et élever les mains », ce qui correspond à la posture du début de la prière canonique.
71 - VII./ Condition psychologique : « que la demande soit catégorique (yajzim), certaine de sa réalisation et sincère dans son espérance. » (id, 270)19. La psychologie contemporaine appliquée parlerait sans doute ici de renforcement de la motivation du sujet, facteur clé de sa réussite. Mais pour apprécier tout à fait la nature de cette condition, il faut se rappeler l'attitude religieuse profonde d'al-Ghazâlî pour qui, dans la religion, la croyance est première et le savoir ou le raisonnement secondaires voire parfois néfastes.
72 - Croire pour réussir : al-Bûnî insistera sur le même point et s'appuiera sur les mêmes paroles du Prophète, sous une forme légèrement variante20 : « [En utilisant ce livre] ta certitude doit être sincère et tu dois avoir foi dans ses vérités – le crédit accordé aux œuvres vient de leur intention. Si tu as l'intention de faire un « travail », crois en lui et en la parole du Prophète : ’que personne d'entre vous ne fasse de prière (yadcu) sans la certitude d'être exaucé.’« (Shams, I, 3).
73 - Au-delà de ce nouveau parallélisme entre al-Bûnî et al-Ghazâlî, il faudrait interroger plus à fond la tradition islamique des sciences occultes pour découvrir l'enracinement de ce point psychologique capital de la conviction intime sur l'aboutissement de la demande. Le philosophe et astrologue al-Kindî (fin IXe siècle) écrivait dans un ouvrage sur l'influence des astres :
« Il convient également que le désir, avec les autres choses nécessaires, soit intense pour qu'il possède un effet de mouvement ; car ce qu'on témoigne avec négligence ne suffit pas à l'effet du mouvement escompté. La foi dans l'effet futur est également nécessaire car celui qui désespère de l'effet sera frustré de son vœu, même s'il a exécuté avec sagesse tout le reste. En effet, la foi, c'est-à-dire un ferme espoir en l'événement désiré, constitue le nœud et l'appui du désir comme la préparation de la scamonée aide cette dernière dans son action laxative lorsqu'elle doit être donnée en remède. » (Cité par S. Matton, 1977 : 98)
74 - Celui qu'Ibn Khaldûn considérait comme le dernier grand auteur en sciences occultes, l'andalou Maslama al-Majrîtî (m. 1007-8) (ou son contemporain plus ou moins homonyme Abû Maslama al-Majrîtî) ne disait pas autre chose dans le Ghayat al-hakîm (« Le but du sage ») : « Il faut que l'opérateur en magie ait foi et confiance dans ses œuvres et soit sans aucun doute... »21
75 - On peut d'ailleurs penser que la persuasion et la motivation du « prieur » sortiront renforcées par la condition suivante.
76 - VIII./ Condition de répétition : « Il faut se montrer insistant dans la demande et répéter (yukarrir) la ducâ’ trois fois. »
77 - Pratiquement, si on prend l'exemple d'une ducâ contemporaine, produite et lithographiée par le milieu confrérique mouride du Sénégal22, où les formules ghazaliennes se remarquent, on apprend qu'il faut « lire cette ducâ’ trois fois et (qu') Allah ouvrira les portes de l'abondance... »
78 - IX. Condition de la mention initiale du nom d'Allah et de son Prophète.
79 - Autre élément clé de toute demande : ne jamais commencer par la requête elle-même mais par le nom d'Allah suivi de celui de son Prophète. Al-Ghazâlî rapporte cette tradition : « Celui qui veut qu'Allah réponde à son désir, qu'il commence par le salut sur le Prophète (as-salât calâ n-nabî) puis qu'il exprime sa demande et enfin qu'il termine par le salut sur le Prophète ».
80 - Dans la pratique, ces instructions sont scrupuleusement respectées. Les écrits talismaniques de toute nature sont ainsi généralement introduits par un bismillah ar-rahmân ar-rahîm (au nom d'Allah clément, miséricordieux) et par la salutation sur le Prophète : sallâ Allah calâ sîdnâ Muhammad wa calâ âlihi wa sahbihi wa sallam taslîman (salut – ou bénédiction – d'Allah sur notre seigneur Muhammad, sur sa famille, sur ses compagnons, salut le plus complet). On retrouvera cette même formule ou une de ses variantes à la fin des talismans. Le caractère stéréotypé de telles formules permet de les considérer comme des marqueurs physiques de début et de fin de document.
81 -X./ Condition de disposition intérieure (al-adab al-bâtin). Le demandeur doit être en état de contrition, de repentir, de retour à Allah (tawba). C'est l'attitude fondamentale (al-asl) pour que la demande soit reçue, le sine qua non pour qu'elle soit exaucée. Al-Ghazâlî utilise une expression très précise : « c'est la cause immédiate de la réalisation du vœu » (huwa as-sabab al-qarîb fî l-ijâba).
82 - On découvre ainsi dans la prière islamique de demande (ducâ’) un ensemble de contraintes qui jouent un rôle analogue à celui des prescriptions des recettes magiques et qui poursuivent le même but, celui d'une démarche efficace en vue de l'obtention d'un résultat personnel et utile. Du point de vue des bénéfices recherchés dans les ducâ’, on peut relever, à titre d'exemples, dans l'anthologie de l'Ihyâ’ : contrer des ennemis ; apaiser la crainte qu'on a de certaines personnes ; peur des orages ; guérir des maladies ; soulager de préoccupations diverses ; accroître ses biens, ses moyens de subsistance. Mais aussi : se faire pardonner ses fautes, éviter l'enfer, aller directement au paradis (sans avoir à rendre de comptes) etc.
83 - Voici trois ducâ’ du livre IX de l'Ihyâ’. Leur similitude de construction et de contenu avec des talismans ouest-africains est frappante.
84 — En cas de douleur.
« Si tu découvres une douleur dans ton corps ou chez quelqu'un d'autre, débarrasses t'en avec le procédé talismanique du Prophète (ruqîya rasûl Allah). Lorsque quelqu'un se plaignait d'un ulcère ou d'une blessure, le Prophète posait son doigt par terre puis le relevait et disait : bismillah, la terre de chez nous, mélangée à la salive de l'un d'entre nous, guérit notre malade, par la volonté de notre maître. » (Ihyâ’ IX, 287)
85 - Le texte arabe qui suit bismillah, un quatrain fortement rimé en — nâ, relève de l'incantation.
86 — La ducâ’ d'Adam.
(Il s'agit d'une réponse d'Allah à Adam). « Je t'ai pardonné et personne de ta descendance ne m'invoquera à ton imitation sans que je lui pardonne, que je dissipe ses peines et ses tracas, que j'éloigne de lui la pauvreté, que je le fasse réussir en affaires comme aucun commerçant ne l'a fait et sans que je fasse venir à lui les biens de ce monde, même s'il ne le souhaite pas. » (Ihyâ’ IX, 279)
87 — La duca du pardon (al-istighfâr).
(Le Prophète a dit) : « Celui qui multiplie les prières de pardon, Allah lui accordera le soulagement de toute préoccupation (hamm), le sortira de toute difficulté et lui procurera des moyens de subsistance illimités. » (Ihyâ’ IX, 274)
88 - Pour clore ce chapitre des prières de type al-Ghazâlî, on pourra comparer ce qui précède avec un talisman recueilli autrefois par P. Marty au Sénégal23.
« (Amulette pour faire fortune) L'utilité est dans le nom (d'Allah) wahhâb (le généreux). Dis la prière ci-dessous sur ton chapelet puis chaque nuit récite dix mille fois « O généreux ». Tu gagneras du bien sur la terre au point que les gens en seront stupéfaits, avec la grâce d'Allah. Récite ensuite encore trois fois la prière suivante « O Allah, par ton nom caché, toi le pur, le purificateur, le roi, le saint, le généreux, le vivant, l'immuable, le clément, le miséricordieux, toi qui possèdes la majesté et la générosité, exauce ma prière. »
89 - On notera simplement que ce dernier texte, à la différence des précédents, était porté en amulette dans un étui.
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