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Un enfant de l’autre bord
De l’autre rive ombragée
Joue avec ses membres rabougris
Joue avec les coquillages délaissés
Il rêve de l’autre espace ouvert
Il rêve de s’envoler… comme un oiseau
De rejoindre l’autre… jetée
Le cœur a ses raisons d’être
Quand on a pas d’argent
Quand on est orphelin
Quand on oublie sa propre identité
Quand on se trouve déraciné
Et qu’on ne connaît pas ses origines
Il est là docile face à l’Océan
Il regarde les vagues poursuivre les vagues
S’absente au large avec les barques…
Et les mille échos libérés
Des entrailles de la nuit
Du fond de son âme tourmentée
Lui donnent un peu de courage…
Demain je partirai loin, très loin
Je suivrai le survol des mouettes
Je serai enfin dans l’autre… rive
Je n’ai besoin ni de visa, ni de photos
Je ne prendrai plus de galère
Ni avoir recours à des avirons
Je monterai à bord d’un grand bateau
Me cacherai dans la soute avec les bagages
J’attendrai patiemment l’accostage
Je sauterai à l’eau pour me purifier
Et la nuit tombée je me faufilerai
Je deviendrai une simple ombre
Parmi les ombres de la nuit lunaire
Ainsi grisé, il embrasse ses rêves
Il est déjà loin, libre comme le vent
Aussi léger qu’un moineau…
Il caresse les yeux fermés sa dulcinée
Longent les allées fleuries aux mille odeurs
Bras-dessus, bras-dessous ils chantent…
Il monte le froid escalier en colimaçon
Un garde crie, l’alerte est donnée
L’enfant panique, se jette par dessus bord
La tête la première, suit le reste…
L’eau d’hiver est glaciale
Un trou noir dans le noir
Quelques remous, le corps chute
Continue la trajectoire dans le tunnel
Il ne reste du tourbillon qu’un flou éclairage
Des voix qui s’étouffent sur le pont
On sillonne la zone, on fouille, on se lasse…
Le bateau amarré verse ses larmes
Les gens sur le pont pleurent l’inconnu
Juste un enfant qui se lance dans le vide
Juste un bout de corps… et on oublie
Au fond du ventre de l’Océan
Gît un enfant sans carte d’identité
Gît un enfant, victime de l’Eldorado
Un corps qui ne rêve plus…
Un corps qui s’ajoute aux milliers de corps
Fin tragique d’un grand espoir submergé
Et sur le sable fin d’une plage
Une jeune fille attend toujours
Les cheveux libérés dans le vent
Les yeux égarés dans le fond de l’Océan
Elle attend, cœur serré le rejet de la mer
La nausée de la mer…
Elle attend toujours… la cadavre de son aimé
Kacem L.