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Chanson de l’étrangère aux talons hauts d’un grand quartier

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  • Chanson de l’étrangère aux talons hauts d’un grand quartier

    La chanson de l’étrangère aux talons hauts d’un grand quartier d’une ville du Nord


    Son premier souci avait été d'avoir un peu d’amour.
    Hurler, hurler! Pays du vent!
    Ses sœurs sont restées là-bas.
    Elles passent un mauvais quart d’heure.
    Ses voisines sont assises en vitrine
    Elles passent un doctorat à l’université
    La merde s’étale sur les trottoirs et la ville entière sent le chien
    Sur l’écume d’une vague de bière,
    Un couple tricote ses rancunes.
    Elle distingue dans l’ombre, un curé très ouvert,
    D’accord avec un rabbin tourmenté.
    Pour dire que tout va très mal;
    tout va mal, tout va mal, tout va mal.
    Un indigène converti à l’Islam, mais qui à y regarder de près
    Travaille peut-être aussi bien pour les services américains,
    Un tout petit Haîtien qui a le grand tort d’exister;
    Un groupe de femmes carrées qui consacrent leurs vies
    À nier le pape, des Maghrébins sans contours, des travailleurs turcs
    Abrutis, des épaves russes alcooliques, un anglais qui regrette
    Un joueur de jazz très mou,
    Elle entend des gens qui parlent de culture
    Culture, culture, culture,
    Mais en fait, ils voulaient tout simplement dire !habitudes\
    Et ils s’embrouillent de plus en plus
    Ils vocifèrent, gesticulent, fulminent
    Et puis, il pleut, et la démocratie se met à coller de partout.
    Les gens abandonnent leurs chaussures pour se sauver
    Ils courent pieds nus et se brulent la plante des pieds
    Sur des chaussées fascistes rougies au lance-flammes.
    Devant eux, un africain s’élance pour échapper à huit femmes
    Qui sortent tout juste d’une machine à laver et
    Qui veulent le lyncher, et
    s'amuser, et
    Sentir ses cheveux très doux entre leurs cuisses javelisées
    La terre a encore tremblé, la neige est toute sale, on manque d’eau
    Chaque fois que les gens affolés veulent quitter la patinoire
    Ils tombent dans de gros pots de vin.
    La loi se fabrique uniquement sur des chaises
    Et tout le monde a mal au dos.
    Heureusement on trouve
    Des psychanalystes
    Il y a l’odeur fade du cochon qui grille dans un long gémissement d’homme
    Et la rage télécommandée d’un homme barbu qui veut
    Qui veut vraiment
    Qui veut vraiment arrêter le temps.
    Elle a peur.
    Une immigrée ancienne, lui offre gentiment un verre de coca-cola.
    Quelques chips
    Lui dit que tout va bien
    Tout va bien, tout va bien, tout va bien
    Que dix montres suisses font une œuvre post-moderne
    Elle pleure.
    La pitié à la fenêtre hoche de la tête
    Elle se dit que le matin finira bien par arriver
    Mais pas du tout, dans la vitrine, il y a un néon rose très doux
    La bibliothèque universitaire est très éclairée;
    Elle n’en peut plus, passer inaperçue, pays du vent.
    Pouvoir hurler.
    Pitié!
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