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Vivre sans gluten

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  • Vivre sans gluten

    Résister devant un festin de roi, zapper les friandises, passer à côté de lasagnes dégoulinantes de fromage, n’est pas chose aisée pour un enfant. Les malades atteints d’intolérance au gluten réapprennent à vivre. Pas toujours facile pour eux et pour leur famille.

    Djamila, 47 ans, infirmière
    «Effectivement, la survenue de la maladie cœliaque est un événement marquant du fait qu'il constitue un véritable tournant dans la vie de toute la famille. Il n'est pas toujours facile d'accepter cette maladie lourde de conséquences, surtout pour des enfants. Il s'agit désormais d'une réalité qui n’est pas agréable à supporter du fait qu'elle annonce au malade une rupture totale et définitive avec tout un mode de vie.»

    Mailla, 42 ans, enseignante
    «C'est à l'âge de 6 ans qu'on a découvert l'intolérance au gluten chez mon fils. Il souffrait très souvent de fatigue et de dyspnée d'effort (gêne respiratoire). Il était tout le temps pâle, des analyses ont révélé chez lui une anémie, qui à chaque fois disparaît après un traitement symptomatique et une alimentation riche en fer. Mais elle réapparaît dès qu’il arrêtait son traitement. Devant la persistance de ce tableau clinique, je l'ai présenté à un pédiatre. Il m'a orienté vers un gastroentérologue. Ce dernier a soumis mon fils à une batterie d'analyses médicales et une myriade de tests, dont les résultats ont orienté ce praticien spécialiste vers la maladie cœliaque, elle a été confirmée par une biopsie de l’intestin grêle. Aujourd'hui, mon fils va très bien, il est sous un régime alimentaire sans gluten très stricte, il est devenu un malade très discipliné grâce à l'aide d'une psychologue de la santé scolaire et d'une nutritionniste.»

    Mourad, 39 ans, employé dans une entreprise privée
    «L'expérience que j'ai vécue avec ma fille qui a aujourd'hui 14 ans m'a démontré que le dépistage précoce de cette maladie est crucial. Il nous permet d'être à l'abri des complications néfastes, notamment celles qui sont irréversibles comme le retard staturopondéral. Au début, elle présentait des symptômes atypiques, qui ont faussé le diagnostic pour les médecins traitants. Il s'agit le plus souvent d'affections bucco-dentaires. Mais malheureusement le dentiste n'a pas eu le réflexe de nous orienter vers un médecin, il n'a pas suspecté la maladie cœliaque. L'apparition tardive de l'asthénie et l'anorexie m'ont obligé alors de me faire consulter par un médecin spécialiste qui, après quelques jours de surveillance médicale, a finalement diagnostiqué une intolérance au gluten. C'est d'ailleurs ce praticien qui m'a expliqué que les lésions intestinales liées à une intolérance au gluten provoquent une malabsorption au niveau des intestins qui perturbe la fixation du calcium et du phosphate. Selon lui, cela peut entraîner un déficit de la minéralisation des dents. Donc le message que je veux transmettre aujourd'hui, c'est que même le chirurgien dentiste peut déceler cette maladie lors d’un examen dentaire.»

    Karima, 41 ans, technicienne de santé publique

    «Je trouve que mon fils est très cartésien, de caractère très rigoureux. J'ai dû faire d’énormes efforts pour l'aider à comprendre et à admettre sa maladie. J'étais obligée de me documenter suffisamment pour bien maîtriser le sujet et être assez armée pour répondre à toutes ses questions. Mais c'était très difficile pour trouver à chaque fois le vocabulaire simple et facile qui puisse être adapté à son âge. J'ai toujours cherché des exemples de personnes atteintes de maladie cœliaque, et qui ont réussi merveilleusement leur vie, car je trouve que c'est la meilleure solution pour l'aider à accepter sa maladie. C'est vrai que c'était très dur pour moi, mais je n'ai pas failli à ma mission, puisque mon fils est devenu très attentif, et avec le temps c'est lui-même qui attire notre attention sur les risques de contact avec le gluten. Ma grande satisfaction, c'est que mon fils ne triche pas. De fait, j'ai entendu dire que certains enfants atteints de la maladie cœliaque trichent de temps à autre. Je pense qu'il faut inculquer à ces patients que le gluten est un véritable poison pour leur organisme.

    Fodil, 37 ans, commerçant
    C'est pénible de gérer cette situation, notamment chez nous où la préparation psychologique et le dispositif d'accompagnement des malades chroniques sont quasi inexistants. Il s'agit d'une rude épreuve pour l’enfant qui, du jour au lendemain, découvre qu’il est «différent» des autres et qu’il doit désormais suivre une alimentation qui n'est pas forcément à son goût. En fait, c'est très inconfortable comme situation quand ma fille se trouve parmi les invités dans des fêtes familiales et autres, elle rougit dès qu'elle se sente mal à l'aise, notamment lorsqu'il est question de repas. Cela lui inspire généralement un sentiment d'humiliation et de honte, cette situation lui donne l'impression d'être soumise à un régime antisocial. Aujourd'hui, ma fille supporte mal sa maladie et je la comprends parfaitement, mais c'est un passage obligatoire en attendant que les mentalités changent. Mais le point encourageant reste la disponibilité de certains produits sans gluten dans les magasins, quoique leur commercialisation reste timide.

    Saléha, 45 ans

    C’est après sa fausse couche que Saléha, alors qu’elle avait plus de trente ans et suite à des examens médicaux, a découvert sa maladie. A l’époque, la pathologie n’était pas très connue, et Saléha négligeait son régime. Elle n’arrivait pas à accepter son «handicap». «Pour moi, c’était trop contraignant. Surtout que les produits sans gluten se faisaient rares sur le marché, et lorsqu’ils étaient disponibles, ils coûtaient les yeux de la tête. En fait, ce qui me gênait le plus c’était quand je me retrouvais avec mes collègues, lorsque sonnait l’heure du déjeuner. Tout le monde mangeait «normalement», alors je suivais. Ça a duré plus de 10 ans durant lesquels je n’ai jamais respecté le régime, malgré les conseils incessants de mon médecin et de mon entourage. Je raffolais de tamina, de makroute mielleux, ou de k’taeif, pendant le mois de Ramadan, j’en mangeais, même si après je souffrais le martyre. Mais croyez-moi, je l’ai presque payé de ma vie. Je me suis reprise in extremis. Après mon hospitalisation, je suis revenue de loin. Là, j’ai pris conscience, à mon corps défendant, de la gravité de ma maladie. Depuis, je suis scrupuleusement le régime. Mais je continue à être gênée quand je suis invitée à des cérémonies. Je ne veux pas parler de mon mal, alors j’invente n’importe quel prétexte, et je me contente d’un café. Au début cela a été dur pour moi, mais après cinq ans, je m’y suis faite. Il me suffit de penser à la mort que j’ai frôlée pour ne plus avoir envie d’une tamina ou d’un makroute !»

    Le Soir
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