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Chloroquine… une histoire… d’avenir ?

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  • Chloroquine… une histoire… d’avenir ?

    Au regard de l'agitation suscitée par la chloroquine, tant au sein de la communauté scientifique et des professionnels de santé que dans la population générale, nous vous proposons un instant de paix pour rappeler l'histoire passionnante de cette molécule qui, du quinquina il y a quatre siècle, conduit à la chloroquine de notre actualité présente.



    Vieux médicaments disent ceux qui savent : 50, 70 ans !
    La molécule qui allait devenir la chloroquine a vu le jour en 1936 sous le nom de sontochine.
    Elle devient chloroquine en février 1946 et entre dans la pratique clinique l'année suivante
    comme antipaludéen. Elle est mise sur le marché en 1949, en France sous le nom de
    NIVAQUINE et aux États-Unis sous le nom d'ARALEN.

    La structure de la quinine a été précisée depuis le début du XXe siècle, mais sa synthèse n'est
    définitivement réalisée qu'en 1944. Depuis 1920, la recherche tente d'inventer des
    antipaludéens de synthèse, intégrant le noyau quinoléine de la quinine, mais moins toxiques
    que celle-ci. Outre la chloroquine, il y aura la plasmoquine, la résochine, la primaquine, la
    mépacrine et l'amiodaquine. Aujourd'hui, en France, on dispose de la NIVAQUINE, du
    PLAQUENIL (hydroxychloroquine) qui n'a pas d'indication pour le traitement du paludisme,
    de la méfloquine (LARIAM) et de la luméfantrine (RIAMET).

    La quinine est le grand fébrifuge historique au milieu d'autres extraits d'écorce ayant la
    même vertu, dont la salicyline identifiée en 1829 par le pharmacien français Pierre-Joseph
    Leroux.
    Nommé cinchona ou quina quina par les indigènes des hautes forêts de l'Équateur, du Pérou
    et de la Bolivie, les écorces du quinquina semblent avoir été, bien avant l'arrivée des
    espagnols, utilisées pour leur action antipyrétique. Mais ce seront les propriétés
    antipaludéennes des extraits de ces écorces qui vont fonder pour l'avenir tout l'intérêt du
    remède.
    Alors, se développe la belle légende qu'à partir de l'écorce des indiens, les missionnaires
    espagnols, dont Francesco Lopez et certainement d'autres, ont contribué vers 1630 à
    fabriquer cette poudre précieuse, faite d'écorce macérée dans de l'eau. Durant le XVIIe
    siècle, le produit fut vendu sous le nom de poudre des Jésuites.

    Durant les décennies qui ont suivi, s'est confirmée la conviction que ce fébrifuge était efficace
    contre les frissons causés par la malaria, aussi appelée fièvre tierce, quarte ou intermittente.
    La découverte du plasmodium ne viendra que 250 ans plus tard (Alphonse Laveran). La fièvre
    des marais (malaria : mot d'origine italienne) et le rôle des moustiques étaient déjà connus
    des romains, et l'assèchement des marais pontins sous Jules César avait pour objectif de la
    prévenir.
    Rapidement le remède arrive en Espagne et se répand dans toute l'Europe. Louis XIV l'utilise
    et en achète le secret. Jean de La Fontaine publie en 1682 un long texte en vers : le "Poème
    du Quinquina", où l'on trouve quelques mots adaptés à notre temps :

    "[...] les mortels
    Virent courir sur eux avec violence
    Pestes, fièvres, poisons répandus dans les airs.
    Pandore ouvrit sa boîte ; et mille maux divers
    S'en vinrent au secours de notre intempérance [...]".

    En 1738, l'Académie des Sciences de Paris publie le mémoire de Charles Marie de La
    Condamine, explorateur et encyclopédiste français, sur "L'arbre du Quinquina".
    C'est en 1820 que les pharmaciens parisiens, Joseph Bienaimé Caventou et Pierre Joseph
    Pelletier extraient de l'écorce de quinquina jaune, un mélange de substances amères et
    basiques, dans lequel prédomine un alcaloïde : la quinine.
    Mais les retombées de l'écorce de quinquina se poursuivent : un autre pharmacien,
    Augustin-Pierre Delondre, annonce en 1833 la découverte dans le quinquina jaune d'un nouvel alcaloïde, la quinidine. Historiquement utilisée dans la prévention de la récidive de la
    fibrillation auriculaire, elle reste encore prescrite (QUINIMAX).
    Un livre de quinologie est publié à Paris en 1854 par Augustin-Pierre Delondre et le médecin
    Adolphe Bouchardat, et résume ces découvertes.

    La suite va s'écrire au XXe siècle
    La quinine est toujours utilisée, plutôt pour le traitement de certaines formes graves de
    paludisme.
    Jusqu'en 1980, la chloroquine reste un médicament essentiel du traitement et de la
    prophylaxie du paludisme. Depuis, l'évolution des résistances, en particulier de falciparum,
    vont la reléguer aux situations où la sensibilité du plasmodium est avérée.
    Identifiée dès les années 50, l'action anti-inflammatoire de l'hydroxychloroquine, sera
    progressivement appliquée au traitement du lupus et de la polyarthrite rhumatoïde. Ces
    affections sont aujourd'hui les seules indications du PLAQUENIL.
    Il n'y a pas eu de descendant de la quinidine dans la même famille, mais beaucoup d'autres
    antiarythmique d'autre origine.
    Bien que non issu de la quinine, le noyau quinoléine est un élément essentiel des
    quinolones, antibiotiques qui apparaissent après 1960 et dont le premier représentant fut
    l'acide nalidixique (NEGRAM) commercialisé en 1965. Jusqu'en 2010, plus de 40 quinolones,
    et surtout fluoroquinolones, furent développées. Certaines sont et resteront des
    incontournables de nos antibiotiques comme la ciprofloxacine et l'ofloxacine. D'autres resteront
    marginales, en tout cas en France. Beaucoup n'ont soit jamais atteint l'enregistrement
    (clinafloxacine), soit ont disparu plus ou moins vite après commercialisation en raison
    d'effets indésirables mal évalués (trovafloxacine, sparfloxacine et tant d'autres). Cette
    famille d'antibiotiques, descendants lointains de la quinine, reste cependant une famille
    majeure de notre arsenal thérapeutique.

    Chloroquine et virus : une question évoquée et investiguée depuis longtemps
    Des effets de la chloroquine ont pu être observés sur des modèles ou en termes de réduction de charge virale. Mais les tentatives sur les épidémies virales récentes : Ébola, SRAS, chikungunya, dengue, Zika, n'ont pour l'instant pas mis en évidence de résultats positifs décisifs.
    La plupart des essais publiés se concluent par la nécessité d'études complémentaires et aucune
    recommandation n'a encore été donnée sur l'usage de chloroquine dans ces infections.
    On attend avec d'autant plus d'intérêt les résultats des études en cours sur notre COVID-19
    qui ravage aujourd'hui la planète.
    Mais depuis quatre siècles, l'histoire de l'écorce de quinquina se poursuit.

    Par Francois TREMOLIERES -
    dz(0000/1111)dz
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