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Un scandale d'écoutes de stars plombe un tabloïd de Murdoch

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  • Un scandale d'écoutes de stars plombe un tabloïd de Murdoch

    (De Londres) Le tabloïd News of the World fait son mea culpa pour avoir piraté les messageries téléphoniques de plusieurs dizaines de personnalités britanniques (Gwyneth Paltrow, George Michael, Gordon Brown, etc.). Un exercice d'autoflagellation remarquable, pour un journal de caniveau qui se nourrit habituellement de rumeurs et de désinformation.

    Longtemps étouffé, le scandale embarrasse désormais le magnat de la presse australo-américain Rupert Murdoch, propriétaire du journal.
    Le message de contrition est publié en petits caractères, dans un bandeau noir, en haut de la page 2 de News of the World. Beaucoup plus discret que les clichés langoureux de Lady Gaga en tenue légère qui s'étalent sur la page d'à côté.

    « Nous adressons ici des excuses publiques et sans réserves à toutes les victimes d'interceptions abusives. Ce qui s'est passé n'aurait jamais dû se produire. C'était et cela reste inacceptable. »

    Le journal de langue anglaise le plus vendu au monde

    News of the World est le fleuron de l'empire Murdoch. Tiré chaque dimanche à près de 3,5 millions d'exemplaires, c'est le journal de langue anglaise le plus vendu au monde (diffusion payée : 2,8 millions).
    Comme pour le Sun, son titre-jumeau pendant la semaine, son succès repose sur des titres racoleurs, des photos suggestives et des révélations fracassantes sur la vie des stars.
    Dans l'univers très concurrentiel de la presse de caniveau britannique, le tabloïd ne recule devant rien pour assouvir les plus bas instincts de ses lecteurs. C'est dans cette logique que s'est mis en place, ces dernières années, un système généralisé d'écoutes téléphoniques illégales visant, tous azimuts, la famille royale, le monde du show biz et la classe politique.
    Murdoch : « Les écoutes ne font pas partie de notre culture »

    Les premiers soupçons sont apparus en 2005, lors de la publication d'un « scoop » de News of the World sur les problèmes de genou du prince William. Quelques mois plus tard, le chroniqueur royal du journal est reconnu coupable d'avoir piraté les messageries vocales de collaborateurs des héritiers de la couronne et condamné, avec un détective privé qui travaillait pour lui, à de la prison ferme.
    L'affaire contraint à la démission le rédacteur en chef de l'époque, Andy Coulson. Mais News International, propriétaire du titre, pense avoir éteint l'incendie en plaidant pour l'incident isolé, comme le clame son patron Rupert Murdoch en février 2007.

    « Si vous parlez d'écoutes illégales par un agent extérieur, ça ne fait pas partie de notre culture, nulle part dans le monde et encore moins en Grande-Bretagne. »

    Pendant près de quatre ans, le patron du groupe de presse le plus puissant du monde – son empire va de Fox News à Sky TV, en passant par le Times de Londres, le Sun, le New York Post et le Wall Street Journal – va réussir à maintenir cette ligne de défense.
    Mais l'arrestation, la semaine dernière, du chef du service reportage et d'un ancien chef d'édition de News of the World va contraindre le groupe à un changement de stratégie radical.
    Scotland Yard, soupçonnée d'avoir étouffé l'affaire

    Vendredi dernier, News International effectue un virage à 180 degrés, se bat la coulpe, reconnaît sa pleine responsabilité dans le scandale des écoutes téléphoniques et propose une transaction à l'amiable aux victimes qui ont porté plainte.
    Entre-temps, les révélations se sont multipliées sur l'ampleur du système. Le Guardian, en pointe dans la dénonciation, estime que plusieurs milliers de personnes ont été visées, de l'actrice Gwyneth Paltrow au chanteur George Michael, en passant par des dirigeants travaillistes comme l'ancienne ministre de la Culture Tessa Jowell et même l'ex-chef du gouvernement Gordon Brown. Au total, pas moins d'une centaine de messageries vocales auraient été placées sur écoute.
    En septembre 2010, le New York Times (grand rival du Wall Street Journal, propriété de Murdoch) publie une retentissante enquête qui relance l'affaire. Elle conduira, en janvier dernier, à la seconde démission d'Andy Coulson, cette fois du poste stratégique de directeur de la communication du Premier ministre David Cameron, dont il était le principal « spin doctor ».
    Dans la foulée, Scotland Yard, soupçonnée d'avoir étouffé l'affaire, s'est enfin décidée à rouvrir une enquête un peu trop rapidement close.
    20 millions pour les plaignants contre 2,5 milliards de profits


    En faisant amende honorable et en ouvrant son porte-monnaie, News International espère pouvoir acheter le silence des victimes et éviter un embarrassant déballage en justice sur ses méthodes d'investigation journalistique.
    20 millions de livres sterling (22,7 millions d'euros) ont été débloquées pour transiger au cas par cas avec les plaignants – une bagatelle comparé aux 2,5 milliards de profits réalisés par le groupe l'année dernière. James Murdoch, fils et héritier présomptif du fondateur de News International, a cherché, la semaine dernière, à minimiser, l'impact du scandale.

    « Vous parlez d'une crise de réputation mais en fait les affaires se portent très bien. Cela montre que nous avons réussi à refermer la boîte. »

    « L'un des scandales les plus retentissants depuis 1945 »


    L'optimisme de Murdoch junior risque d'être douché par le peu d'empressement des victimes à négocier avec News International. L'actrice Sienna Miller (surtout connue pour être l'ex de Jude Law), à qui une transaction a été proposée, fait savoir par l'intermédiaire de son avocat qu'elle n'avait encore rien signé.
    L'avocate Charlotte Harris, qui représente d'autres victimes, s'est elle aussi montrée très réservée sur la BBC.

    « Ce n'est pas qu'une question d'argent. Nous voulons savoir qui a été mis sur écoute, qui d'autre était au courant, jusqu'à quel niveau dans la hiérarchie. Il faut des réponses à toutes ces questions. »

    Sur la même longueur d'ondes, The Observer estime que Rupert Murdoch ne peut pas s'en tirer aussi facilement.

    « L'un des scandales publics les plus retentissants depuis la Seconde Guerre mondiale ne peut pas être placé en quarantaine et oublié par le simple effet d'excuses tardives et de millions versés en dommages. »

    Cameron va-t-il sanctionner Murdoch via le dossier BskyB ?


    La hantise de Rupert Murdoch, c'est que le scandale des écoutes ne vienne perturber l'acquisition en cours, moyennant 10 milliards d'euros, de BskyB, le principal bouquet satellitaire du Royaume-Uni. News International en détient déjà 39%, mais le patron du groupe en veut le contrôle intégral, au grand dam des défenseurs du pluralisme.
    Le gouvernement, qui doit donner son feu vert à l'opération, a toujours refusé, jusqu'à présent, de faire un lien entre le dossier BskyB et les déboires de News of the World. Mais les appels se multiplient pour réclamer la suspension de la vente, en attendant l'épilogue judiciaire du scandale des écoutes téléphoniques.
    Déjà fragilisé par le départ de son spin doctor Andy Coulson, le premier ministre David Cameron ne peut pas se permettre une nouvelle erreur de jugement dans ses relations avec l'empire Murdoch.

    rue89

    Par Sylvain Biville | Journaliste | 11/04/2011
    "En ces temps d'imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire" (G. Orwell)
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