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Se comparer aux autres

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  • Se comparer aux autres

    Estimer sa propre valeur, ressembler aux uns, se démarquer des autres…, la comparaison sociale est un mécanisme psychologique fondamental.
    Connaissez-vous l’effet « mare aux poissons » ? Celui-ci a principalement été mis en évidence dans le milieu scolaire et révèle que l’image qu’un élève aura de lui dépend de la mare dans laquelle il évolue. Obtenir la note de 13 fera dire à notre élève-poisson qu’il est intelligent si la moyenne de la classe est de 10 et qu’il est nul si celle-ci est de 18. Il en va de même dans de nombreux domaines. Par exemple, gagner 1 500 euros est une source de satisfaction si tous les collègues sont au smic, mais ne toucher « que » 170 fois le smic est un échec pour un patron du Cac 40. Ceci démontre que rien n’a de sens dans l’absolu. Pour savoir s’il peut être satisfait de ce qu’il est ou de ce qu’il a, l’individu est obligé de raisonner de manière relative en se toisant aux autres. Ce processus est ce que l’on nomme la comparaison sociale. Il s’agit d’une notion théorisée en 1954 par le psychologue social Leon Festinger mais qui n’a pas « percé » depuis dans la recherche. Pourtant, ce phénomène mérite que l’on s’y attarde. Nous l’utilisons sans cesse pour mieux nous connaître et nous positionner face aux autres, et ceci non par pure curiosité intellectuelle, mais dans le dessein de préserver, alimenter ou améliorer l’estime de soi. La comparaison sociale est donc l’instrument qui permet à tout un chacun de connaître ses petits moments de gloire ou de satisfaction sans avoir à se montrer extraordinaire. Mais on imagine bien que pour atteindre son but – choyer l’estime de soi – la comparaison sociale ne peut s’opérer tous azimuts. Selon les circonstances, nous choisirons avec soin les personnes auxquelles nous souhaitons nous confronter.

    Trois types de comparaison sociale
    Il existe trois types de comparaison sociale qui correspondent à des contextes différents. Nous avons tout d’abord la comparaison sociale dite latérale. Il s’agit là de se comparer à un groupe ou à une personne que l’on juge identique ou proche de soi dans le domaine de la comparaison. Ceci est notamment pertinent lorsque l’on souhaite évaluer ses performances et tenter d’être « le meilleur ». Pour jauger son niveau au semi-marathon, on ne va pas se comparer au recordman du monde ni à une grand-mère de 80 ans. On va choisir des adversaires qui jouent dans la même cour (même âge, sexe, niveau d’entraînement…) pour qu’un réel enjeu existe et qu’une victoire ait un sens. Seul un étalonnage correct peut susciter l’admiration des autres et la fierté de soi.
    Mais la comparaison sociale latérale a d’autres vertus, elle permet aussi de conforter la « justesse » de nos opinions. Être pour ou contre le port du voile, le nucléaire ou la réforme des retraites relève d’une prise de position et aucune vérité n’existe sur ces sujets. Face à cette incertitude, chacun de nous va chercher à se persuader que ses arguments sont plus justes que ceux de ses adversaires. Pour ce faire, il compare ses positions à celles de personnes qu’il estime « valables » (amis, collègues, famille… selon les circonstances), et si ces dernières ont le même avis que lui, son opinion devient « la » vérité. Constater que nous avons des « alliés » nous permet de nous sentir légitimes et forts face aux vents contraires. La comparaison latérale valide également nos goûts et nos choix. Comment savoir que mon look n’est pas déplacé par rapport à mon travail ou ringard aux yeux de mes amis ? En me comparant à des collègues qui occupent le même poste que moi et en observant le style vestimentaire d’amis de mon âge auxquels je souhaite ressembler. La comparaison sociale latérale permet donc de se sentir dans le juste, le vrai, le bien. C’est en tant que membre non déviant d’une communauté « valeureuse » que l’individu ressent dans ce cas fierté et satisfaction.
    Cependant, les épreuves de la vie peuvent nous fragiliser, mettre en danger notre estime de nous-mêmes, et la comparaison latérale n’est alors pas judicieuse. Prenons le chômage. Une personne qui vient de perdre son travail ne trouvera aucun bénéfice à faire partie du groupe de « semblables » que constituent les demandeurs d’emploi. Se comparer à ses amis qui ont du travail est encore plus cruel. Elle va donc chercher de la réassurance en se comparant à plus malheureux qu’elle. Et parmi les chômeurs, on trouvera toujours un sous-groupe encore plus à plaindre que soi : le chômeur de longue durée ayant plus de 50 ans. Et si c’est notre cas, on trouvera encore « pire » : le chômeur de longue durée ayant plus de 50 ans, sans diplôme et qui risque de devenir SDF, etc. Nous sommes là face à des comparaisons sociales descendantes qui ragaillardissent l’estime de soi en se mesurant à plus faible. Les recherches dans ce domaine se sont intéressées aux malades atteints d’un cancer. Ces derniers, même lorsque leur état est critique, se jugent toujours plus chanceux que d’autres patients (1).
    Ce processus permet de se remonter le moral et de mieux accepter son sort, mais ce n’est pas lui qui donne l’envie et le courage de se battre. En effet, lorsque l’on demande aux personnes atteintes d’un cancer d’évaluer leurs chances de s’en sortir, elles vont se comparer à des gens qui ont réussi à guérir, ceci afin de se motiver et de rester optimistes.

    La comparaison ascendante
    Dans ce cas, la comparaison sociale est dite ascendante car elle consiste à se comparer à quelqu’un que l’on estime supérieur à soi. C’est là le moteur de l’ambition, de l’envie de s’améliorer, de progresser. La comparaison ascendante se retrouve particulièrement dans le domaine professionnel où l’idée est de faire carrière. Cette troisième forme de comparaison sociale permet elle aussi d’augmenter l’estime de soi puisque, sans être supérieur aux autres, on pense cependant avoir le potentiel nécessaire pour le devenir. On s’identifie au modèle positif que l’on vise, on a l’impression de sortir du lot et ceci procure une forte satisfaction. Mais il n’est pas nécessaire de chercher à égaler ou supplanter un modèle, on peut également se valoriser par procuration, sans émulation. C’est ce qu’une étude sur la comparaison sociale ascendante au sein des couples a montré (2). Que se passe-t-il quand la femme gagne mieux sa vie que le mari, que l’un est célèbre et l’autre non, ou que l’un est plus beau que l’autre ? On pourrait imaginer que celui pour qui la comparaison n’est pas flatteuse en souffre et/ou qu’il entre dans le jeu de la compétition. Eh bien non. Si l’empathie est forte, la comparaison ascendante ne sera pas mal vécue, au contraire le succès de l’un fera le bonheur de l’autre. Une femme sera fière d’avoir un bel homme, un homme sera fier d’avoir une femme riche car l’autre est une partie d’eux et que leur destin est commun. Ceci peut également être valable en amitié. On se sentira important si l’on peut se vanter des mérites d’un ami. Combien de fois ne voyons-nous pas à la télé les « amis des stars » plus orgueilleux et imbus d’eux que les stars elles-mêmes ! Seule condition pour que l’estime de soi se nourrisse des succès des autres : que l’on n’ait soi-même aucune ambition dans le domaine en question. Je ne pourrais être fière de l’exploit sportif de mon ami que si je n’ai aucune velléité sportive. Sinon j’en prendrais ombrage.

    Les stratégies de rafistolage
    Nous avons vu que l’individu effectue des comparaisons sociales qui lui procurent un sentiment de satisfaction et de supériorité, ceci à travers, grâce ou aux dépens de son entourage. Mais que se passe-t-il quand l’individu n’a pas le loisir de choisir sa cible de comparaison en fonction de sa situation du moment et que la confrontation lui est imposée par son environnement ? , on voit qu’une comparaison ascendante induite expérimentalement déstabilise le sujet et a un impact immédiat sur son niveau d’estime de soi.
    Cette situation se produit fréquemment dans notre quotidien : un ami nous parle de la magnifique maison qu’il vient d’acheter, un collègue vient d’avoir une promotion, une voisine nous rabâche les oreilles de sa rencontre avec l’homme de sa vie… Laissons-nous alors notre entourage torpiller notre estime de soi sans réagir ? Non. Nous utilisons différents stratagèmes pour préserver ou « rafistoler » au maximum notre image. Par exemple, si l’on obtient de moins bonnes performances que des personnes que l’on croyait similaires à soi, on va trouver de bonnes justifications pour ne pas se sentir trop mauvais. On peut aussi chercher à décrédibiliser l’autre quand il nous fait un peu trop d’ombre : dans une équipe sportive, les commérages visent souvent à « descendre » les meilleurs dans un domaine non lié au sport afin de redorer un peu son propre blason. Et puis, il existe ce que l’on nomme le phénomène du faux consensus. Lorsque la comparaison latérale avec un groupe de pairs ne vient pas confirmer nos opinions, nous déformons leurs positions de telle sorte qu’elles viennent sous-tendre les nôtres. Enfin, on utilise aussi souvent la stratégie de l’évitement. Par exemple, un recruteur aura tendance à choisir des collaborateurs qui possèdent des compétences complémentaires aux siennes afin qu’aucune comparaison ne soit possible et qu’il n’ait à aucun moment le sentiment d’être en danger (3).
    Une « bonne » comparaison peut donc permettre au commun des mortels d’être content de soi, d’avoir l’impression d’être supérieur à ceux qui l’entourent, soit en tant qu’individu, soit en tant que membre d’un groupe. L’envers de la médaille est cette constante menace qu’une « mauvaise » comparaison vienne saper notre moral et provoque mésestime et frustration. Mais le jeu en vaut la chandelle car la comparaison sociale est le seul moyen que nous avons de mesurer notre valeur et de goûter au divin plaisir de se distinguer.

    NOTES :
    (1) Shelley E. Taylor et Marci Lobel, « Social comparison activity under threat : Downward evaluation and upward contacts », Psychological Review, vol. XCVI, n° 4, octobre 1989.
    (2) Rebecca T. Pinkus, Penelope Lockwood, Ulrich Dchimmack et Marc A. Fournier, « For better and for worse : Everyday social comparisons between romantic partners », Journal of Personality and Social Psychology, vol. XCV, n° 5, novembre 2008.
    (3) Stephen M. Garcia, Hyudjin Song et Abraham Tesser, « Tainted recommendations : The social comparison bias », Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. CXIII, n° 2, novembre 2010.

    Sc humaines
    Dernière modification par haddou, 30 mai 2014, 14h42.
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