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  • Le phénomène reste à étudier:

    En quittant leurs villages ou leurs localités qui s’étendent dans tous les sens et perdent de leur charme, les ruraux croient fuir une condition exécrable. Elle finit pourtant par les rattraper.

    L’Algérie n’échappe pas à un phénomène qui touche tous les pays du monde. Les chiffres valent mieux que toute démonstration. Il y a encore un siècle, près de 70% des habitants de la Terre, y compris en Amérique du Nord et en Europe dont le développement industriel s’était accompagné d’un dépeuplement des campagnes, étaient des ruraux. En 2015, ces derniers n’en constituent plus que 30%. En 2030, cinq milliards d’êtres humains vivront dans des villes de plus en plus gigantesques. Dans un pays comme la France, la proportion des agriculteurs est déjà tombée à moins de 5%. Bientôt, selon les prévisions et projections des statisticiens, sept Algériens sur 10 seront des citadins.
    Nous assistons à un changement considérable. La population algérienne dans son immense majorité habitait les campagnes même après l’indépendance. Ne dit-on pas souvent que la révolution algérienne fut celle de la paysannerie ? La nature de la colonisation avait conduit les victimes d’expropriations massives et de la paupérisation à rejoindre les villes ou à emprunter les chemins de l’émigration. C’est une véritable révolution qui s’est enclenchée sous nos yeux. Les implications sont d’ordre social, économique, voire anthropologique, touchant à la condition même de l’homme. Déjà, la perte de pans entiers de la culture orale, des métiers traditionnels a pour origine cette ruée vers les villes qui secrètent d’autres pratiques et d’autres mythes.
    Rachid Mimouni dans son roman « L’Honneur de la tribu » avait su décrire les déchirements qu’entraîne cette évolution qui paraît inéluctable. Mostefa Lacheraf, qui a connu cette ruralité dure et colorée dans le Hodna, avait auparavant forgé le concept de « rurbain » pour évoquer cette déruralisation qui ne s’accompagnait pas, faute d’une véritable insertion et d’une acceptation de nouveaux codes culturels, d’une véritable urbanisation. Dans beaucoup de films algériens dans les années 60 marquées par cette ruée vers les villes, on retrouve le personnage du bon bougre. Celui-ci est écartelé entre la nostalgie de son patelin et les mirages de sa nouvelle condition. La ville était toujours, durant de longues années, perçue dans les représentations culturelles comme un espace de perdition.

    « Néo-ruraux »
    Les responsables, dans tous les pays ne se sont pas contentés de constater les dégâts. Freiner l’exode rural en Algérie fut un thème de mobilisation. Durant les décennies qui ont suivi l’indépendance, en signe de reconnaissance pour les populations qui ont supporté le poids de la guerre, on a multiplié les programmes spéciaux (Kabylie, Aurès, Saïda…) qui ont permis de relever le niveau de vie des habitants. Ce souci de justice sociale et d’équilibre dans la répartition du revenu national reste l’un des plus grands succès de l’Algérie indépendante. Ce n’est pas dans tous les pays du tiers-monde qu’on trouve des villages de montagne, perdus au fin fond du désert, avec des infrastructures de santé, d’éducation et d’activités sportives. Même si des écarts flagrants continuent de persister çà et là. Les inégalités qui ont surgi à la faveur de la libéralisation de l’économie n’ont pas abouti au reniement ou à l’abandon de la dimension sociale dans la politique économique du pays.
    La décennie noire avait apporté un brutal coup d’arrêt à cette politique, et les choses se sont quelque peu inversées. Sous la pression des groupes terroristes et pour fuir leurs exactions, des milliers de familles avaient de nouveau succombé à l’attrait des villes. Le besoin de sécurité a primé sur le reste. Beaucoup d’entre elles se sont retrouvées ceinturées de bidonvilles. Le retour progressif de la paix aux quatre coins du pays a coïncidé avec l’apparition d’un nouveau concept, celui du « renouveau rural ». Nous manquons, hélas, d’études pour définir les types de personnes concerneés et l’ampleur du phénomène. Les pouvoirs publics ont eu pour ambition de rendre attractifs les territoires ruraux en y injectant des « doses de modernité ». Il ne s’agit pas seulement de construire des villages, dotés comme ceux du temps de la révolution agraire, de toutes les commodités. Il s’agit désormais de revaloriser toutes les potentialités de l’arrière- pays, de hisser le niveau de vie en intégrant les paramètres de la modernité. Cela s’est traduit par un ambitieux programme de raccordement au gaz naturel, des aides substantielles à la construction de logements ruraux et à la généralisation de l’internet.
    Cette nouvelle technologie s’avère comme un allié de taille pour cette population de « néo-ruraux » qui retrouvent le chemin des campagnes pour y vivre. Ces personnes fuyant le surpeuplement des villes et la dégradation de la qualité de vie dans les quartiers populaires ressentent moins l’isolement. L’image du rural éloigné et démuni de tout tend à disparaître, à devenir un cliché éculé. En quittant leurs villages ou leurs localités qui s’étendent dans tous les sens et perdent de leur charme, les ruraux croient fuir une condition exécrable. Elle finit pourtant par les rattraper. En perdant beaucoup de ses traits, en adoptant un nouveau mode de vie, la campagne tend à ressembler aux villes. Avec la tranquillité en plus.
    R. Hammoudi
    HORIZONS DZ
    dz(0000/1111)dz
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