J’aurais pu décider de publier cet article en catimini, sur mon blog privé. Mais j’aime trop le débat pour ça. Alors je choisis de le faire sur cette plateforme que beaucoup de féministes convaincues utilisent. Avec l’envie d’essayer de leur expliquer pourquoi, le plus souvent, quand je les lis, je ne me sens pas, mais alors pas du tout concernée.
Dire que je ne suis pas féministe est en fait inexact pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je suis évidemment pour l’accès à l’éducation et à un compte bancaire, pour le droit de vote des femmes, etc. Je sais que c’est encore loin d’être acquis dans beaucoup de pays, et ça me révolte autant que toi. Je parle en fait ici exclusivement de ma vie de femme d’Europe de l’Ouest – dont je pense être, dans les grandes lignes, assez représentative.
Par ailleurs, j’ai grandi dans une famille matriarcale, et je suis plutôt du genre sûre de moi. J’ai fait de (grandes) études, je travaille et j’encadre même une petite équipe.
Enfin, je ne défends pas tous les stéréotypes de genre par principe, au contraire même : j’ai un fils, et je ne lui interdirai jamais d’exprimer ses émotions ni d’aimer la danse.
Tout ça pour te dire que – évidemment – je ne suis pas pour la soumission des femmes aux hommes et que, en vrai de vrai, j’ai l’air de tout sauf d’une femme soumise.
En fait, pour être tout à fait honnête, je me demande parfois si, plutôt que de me considérer comme « non féministe », je ne devrais pas plutôt me considérer comme « post-féministe ». Ma vie actuelle me satisfait tant que je ne sais en effet plus pourquoi je devrais me battre.
J’en viens aux faits : lorsque je lis des articles sur le féminisme aujourd’hui dans nos pays, je me sens donc le plus souvent au mieux pas concernée, au pire légèrement agacée. Mais pourquoi ? Sans doute parce que je ne me reconnais jamais dans les causes défendues.
Pour commencer, je ne me reconnais pas du tout dans les fréquents coups de gueule contre le harcèlement de rue. Je ne veux surtout pas nier la souffrance de celles qui s’en plaignent, et j’espère sincèrement ne blesser personne. Mais il y a plusieurs raisons pour lesquelles les indignations en la matière m’agacent.
Tout d’abord, je note souvent autour de cette thématique une fâcheuse tendance à tout mettre sur le même plan. Or il y a à mes yeux une différence gigantesque entre siffler, insulter, toucher et violer quelqu’un. Niveler l’ensemble me semble un peu dangereux – pour les deux parties.
Par ailleurs, je trouve que les discours sur ce thème donnent justement une image trop fragile de la femme – dans laquelle je ne me reconnais pas du tout. Être accostée, sifflée, frôlée, draguée… ça m’est aussi arrivé très souvent (j’ai vécu à Paris de 20 à 28 ans). Mais ça ne m’a jamais dérangée, en fait. Peut-être parce que j’ai une confiance en moi presque à toute épreuve face au regard de la gente masculine (merci Papa) : j’y ai toujours davantage vu une preuve de mon pouvoir (celui de dire non) que de ma dépossession.
Enfin, pour tout te dire, j’ai été agressée une fois : un homme s’est branlé à quelques centimètres de ma tête dans le métro. Bien sûr, je n’ai trouvé ça ni normal ni drôle (eh eh). Mais un de mes meilleurs amis s’est fait tabasser au même endroit pour un code et une carte bleue. Alors je n’ai sincèrement pas eu l’impression de souffrir particulièrement de ma condition de femme – plutôt que dans certains quartiers, homme ou femme, mieux valait ne pas traîner tard.
Plus généralement, je me demande sincèrement si c’est vraiment plus dur d’être une femme qu’un homme dans notre société actuelle. Je vois bien (je ne suis pas aveugle) qu’une poignée d’hommes continue d’occuper majoritairement le pouvoir. Mais il ne s’agit que d’une poignée, justement. Et je n’envie pas la plupart des garçons qui m’entourent.
Pour commencer, j’aimerais rappeler que les filles réussissent toujours mieux dans le système scolaire français. L’école républicaine, avec son écrasante proportion de personnel enseignant féminin, produit plus de bonnes élèves que de bons – et personne ne semble s’en insurger.
J’ai par ailleurs dans mon entourage des dizaines de femmes qui ont décidé – comme moi – de mettre leur carrière entre parenthèses pour leur famille, ou pour lancer une activité parallèle peu rémunératrice mais très épanouissante. Le poids du financement du foyer, dans beaucoup de cas, réside chez l’homme. Est-ce qu’ils l’ont tous vraiment choisi ? Est-ce qu’eux-mêmes ne sont pas dans ce cas victimes d’une certaine forme de conformité sociale ?
Pour prendre un exemple que je connais bien, le congé parental en Allemagne est généreusement indemnisé pendant un an. Le gouvernement fait ce qu’il peut pour inciter les jeunes parents à se le diviser en deux. Sauf que si dans les entreprises, il est déjà admis que les femmes s’arrêtent longtemps à la naissance de leur enfant, les hommes qui osent le demander sont souvent très sévèrement pénalisés. Quel côté est donc censé être le plus confortable ?
Et je ne te parle pas des droits de garde encore très limités dont disposent les pères en cas de séparation – même si je sais que les choses évoluent doucement sur ce point.
Dans le même ordre d’idées peu avouables, je n’ai pas souhaité donner mon nom de jeune fille à mon fils – alors qu’il était, en toute objectivité, bien plus joli que celui de mon mari – et je ne me considère pas pour autant trop faible de ne pas avoir su l’imposer.
La mère porte l’enfant, le père le reconnaît : pour moi, il y avait du sens à maintenir ces deux rôles. Porter mon enfant et lui donner mon nom, ça me plaçait à mes yeux en position de toute puissance, comme si son papa n’avait pas d’espace, n’existait pas. Donner le nom de mon mari à mon fils, c’était le faire entrer symboliquement dans son rôle de parent, ce que mon corps, via la grossesse et l’accouchement, m’avait permis – mais pas le sien.
Plus globalement, je ne comprends pas toujours les débats sur la maternité tendant à nous faire croire que les hommes pourraient jouer exactement le même rôle que les femmes. C’est impossible, au moins pendant les premières semaines de vie. Et je ne vois pas en quoi ce serait gênant de le reconnaître : pour moi, c’est un des plus beaux avantages de mon sexe.
Pour aller plus loin, j’avoue que parfois, je me demande ce que veulent vraiment les féministes d’aujourd’hui… Abolir les genres ? Peut-être y viendrons-nous un jour, quand la science trouvera le moyen de rendre les hommes « enceints ». Mais je me demande alors sincèrement s’il s’agit d’un objectif enviable. Est-ce que ce ne serait pas un peu triste, d’être tous pareils ? Serais-je encore amoureuse de mon mari s’il portait des robes et du vernis à ongles ?
Voilà toutes les petites choses du discours féministe d’aujourd’hui qui m’interrogent. Je trouve que les plaintes autour du harcèlement de rue nous placent trop en position de fragilité, justement. Je trouve que, dans la société privilégiée dans laquelle j’évolue aujourd’hui, il n’est pas forcément toujours pire d’être une femme qu’un homme. Et pour finir, j’aime les hommes et les femmes, dans toutes leurs différences. Voilà.
Lapide-moi en place publique… Ou essaye de me convaincre du contraire, pourquoi pas ?
Et toi ? Tu te sens féministe ou tu ne te retrouves pas dans ce discours ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui te gène ou te semble important dans le féminisme d’aujourd’hui ?
source: sous-notre-toit.fr
Dire que je ne suis pas féministe est en fait inexact pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je suis évidemment pour l’accès à l’éducation et à un compte bancaire, pour le droit de vote des femmes, etc. Je sais que c’est encore loin d’être acquis dans beaucoup de pays, et ça me révolte autant que toi. Je parle en fait ici exclusivement de ma vie de femme d’Europe de l’Ouest – dont je pense être, dans les grandes lignes, assez représentative.
Par ailleurs, j’ai grandi dans une famille matriarcale, et je suis plutôt du genre sûre de moi. J’ai fait de (grandes) études, je travaille et j’encadre même une petite équipe.
Enfin, je ne défends pas tous les stéréotypes de genre par principe, au contraire même : j’ai un fils, et je ne lui interdirai jamais d’exprimer ses émotions ni d’aimer la danse.
Tout ça pour te dire que – évidemment – je ne suis pas pour la soumission des femmes aux hommes et que, en vrai de vrai, j’ai l’air de tout sauf d’une femme soumise.
En fait, pour être tout à fait honnête, je me demande parfois si, plutôt que de me considérer comme « non féministe », je ne devrais pas plutôt me considérer comme « post-féministe ». Ma vie actuelle me satisfait tant que je ne sais en effet plus pourquoi je devrais me battre.
J’en viens aux faits : lorsque je lis des articles sur le féminisme aujourd’hui dans nos pays, je me sens donc le plus souvent au mieux pas concernée, au pire légèrement agacée. Mais pourquoi ? Sans doute parce que je ne me reconnais jamais dans les causes défendues.
Pour commencer, je ne me reconnais pas du tout dans les fréquents coups de gueule contre le harcèlement de rue. Je ne veux surtout pas nier la souffrance de celles qui s’en plaignent, et j’espère sincèrement ne blesser personne. Mais il y a plusieurs raisons pour lesquelles les indignations en la matière m’agacent.
Tout d’abord, je note souvent autour de cette thématique une fâcheuse tendance à tout mettre sur le même plan. Or il y a à mes yeux une différence gigantesque entre siffler, insulter, toucher et violer quelqu’un. Niveler l’ensemble me semble un peu dangereux – pour les deux parties.
Par ailleurs, je trouve que les discours sur ce thème donnent justement une image trop fragile de la femme – dans laquelle je ne me reconnais pas du tout. Être accostée, sifflée, frôlée, draguée… ça m’est aussi arrivé très souvent (j’ai vécu à Paris de 20 à 28 ans). Mais ça ne m’a jamais dérangée, en fait. Peut-être parce que j’ai une confiance en moi presque à toute épreuve face au regard de la gente masculine (merci Papa) : j’y ai toujours davantage vu une preuve de mon pouvoir (celui de dire non) que de ma dépossession.
Enfin, pour tout te dire, j’ai été agressée une fois : un homme s’est branlé à quelques centimètres de ma tête dans le métro. Bien sûr, je n’ai trouvé ça ni normal ni drôle (eh eh). Mais un de mes meilleurs amis s’est fait tabasser au même endroit pour un code et une carte bleue. Alors je n’ai sincèrement pas eu l’impression de souffrir particulièrement de ma condition de femme – plutôt que dans certains quartiers, homme ou femme, mieux valait ne pas traîner tard.
Plus généralement, je me demande sincèrement si c’est vraiment plus dur d’être une femme qu’un homme dans notre société actuelle. Je vois bien (je ne suis pas aveugle) qu’une poignée d’hommes continue d’occuper majoritairement le pouvoir. Mais il ne s’agit que d’une poignée, justement. Et je n’envie pas la plupart des garçons qui m’entourent.
Pour commencer, j’aimerais rappeler que les filles réussissent toujours mieux dans le système scolaire français. L’école républicaine, avec son écrasante proportion de personnel enseignant féminin, produit plus de bonnes élèves que de bons – et personne ne semble s’en insurger.
J’ai par ailleurs dans mon entourage des dizaines de femmes qui ont décidé – comme moi – de mettre leur carrière entre parenthèses pour leur famille, ou pour lancer une activité parallèle peu rémunératrice mais très épanouissante. Le poids du financement du foyer, dans beaucoup de cas, réside chez l’homme. Est-ce qu’ils l’ont tous vraiment choisi ? Est-ce qu’eux-mêmes ne sont pas dans ce cas victimes d’une certaine forme de conformité sociale ?
Pour prendre un exemple que je connais bien, le congé parental en Allemagne est généreusement indemnisé pendant un an. Le gouvernement fait ce qu’il peut pour inciter les jeunes parents à se le diviser en deux. Sauf que si dans les entreprises, il est déjà admis que les femmes s’arrêtent longtemps à la naissance de leur enfant, les hommes qui osent le demander sont souvent très sévèrement pénalisés. Quel côté est donc censé être le plus confortable ?
Et je ne te parle pas des droits de garde encore très limités dont disposent les pères en cas de séparation – même si je sais que les choses évoluent doucement sur ce point.
Dans le même ordre d’idées peu avouables, je n’ai pas souhaité donner mon nom de jeune fille à mon fils – alors qu’il était, en toute objectivité, bien plus joli que celui de mon mari – et je ne me considère pas pour autant trop faible de ne pas avoir su l’imposer.
La mère porte l’enfant, le père le reconnaît : pour moi, il y avait du sens à maintenir ces deux rôles. Porter mon enfant et lui donner mon nom, ça me plaçait à mes yeux en position de toute puissance, comme si son papa n’avait pas d’espace, n’existait pas. Donner le nom de mon mari à mon fils, c’était le faire entrer symboliquement dans son rôle de parent, ce que mon corps, via la grossesse et l’accouchement, m’avait permis – mais pas le sien.
Plus globalement, je ne comprends pas toujours les débats sur la maternité tendant à nous faire croire que les hommes pourraient jouer exactement le même rôle que les femmes. C’est impossible, au moins pendant les premières semaines de vie. Et je ne vois pas en quoi ce serait gênant de le reconnaître : pour moi, c’est un des plus beaux avantages de mon sexe.
Pour aller plus loin, j’avoue que parfois, je me demande ce que veulent vraiment les féministes d’aujourd’hui… Abolir les genres ? Peut-être y viendrons-nous un jour, quand la science trouvera le moyen de rendre les hommes « enceints ». Mais je me demande alors sincèrement s’il s’agit d’un objectif enviable. Est-ce que ce ne serait pas un peu triste, d’être tous pareils ? Serais-je encore amoureuse de mon mari s’il portait des robes et du vernis à ongles ?
Voilà toutes les petites choses du discours féministe d’aujourd’hui qui m’interrogent. Je trouve que les plaintes autour du harcèlement de rue nous placent trop en position de fragilité, justement. Je trouve que, dans la société privilégiée dans laquelle j’évolue aujourd’hui, il n’est pas forcément toujours pire d’être une femme qu’un homme. Et pour finir, j’aime les hommes et les femmes, dans toutes leurs différences. Voilà.
Lapide-moi en place publique… Ou essaye de me convaincre du contraire, pourquoi pas ?
Et toi ? Tu te sens féministe ou tu ne te retrouves pas dans ce discours ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui te gène ou te semble important dans le féminisme d’aujourd’hui ?
source: sous-notre-toit.fr
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