Les enfants nés en France de parents immigrés représentent 11 % de la population. Des chercheurs de l’Institut national d’études géographiques révèlent jeudi que ceux qui sont nés de parents venus du Maroc, d’Algérie et de Tunisie meurent plus jeunes que les autres. Ils souffrent de surmortalité. Un « grave sujet de santé publique ».
Les enfants nés en France de parents venus du Maroc, d'Algérie et de Tunisie meurent plus jeunes que les autres. Ils vivent souvent en banlieue.
Les enfants nés en France de parents venus du Maroc, d'Algérie et de Tunisie meurent plus jeunes que les autres. Ils vivent souvent en banlieue. | AFP.
Nés en France de parents tunisiens, marocains ou algériens, les descendants d’immigrés de deuxième génération souffrent de surmortalité. À l’inverse de leurs parents. C’est ce que révèle jeudi 27 juin une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Ces jeunes, nombreux à vivre en banlieue, sont surexposés au chômage et touchés par les discriminations.
« Le manque d’opportunités, de perspectives conduit à des prises de risques, des comportements nocifs en termes d’alcool, drogue, suicide, accidents de la route. » C’est une des hypothèses avancées par les chercheurs, dont Michel Guillot, directeur de recherches à l’Ined. Entretien.
Qui sont les enfants d’immigrés en France ?On les appelle les descendants d’immigrés de 2e génération. Ils sont nés, en France, de parent(s) immigré(s) venus d’Europe du Sud, d’Afrique du Nord ou d’ailleurs. Ils sont autour de 7,3 millions de personnes. Ils représentent une part importante de la population française (11 %).
En général, les hommes immigrés vivent plus longtemps que la population qui les accueille ?
Oui, les études le montrent partout. On peut penser qu’ils sont plus robustes. Car n’importe qui ne peut se permettre d’effectuer une longue trajectoire de migration. Il faut une certaine santé. Les femmes, elles, ne semblent pas présenter de caractéristique particulières. Le plus souvent, ce ne sont pas elles qui initient le processus migratoire. Donc, il y a moins ce processus de « sélection ».
Cette robustesse des hommes se transmet-elle aux enfants ?
Les trajectoires sont très différentes et cela a été notre grande surprise. Les enfants d’immigrés d’Europe du sud conservent cette robustesse, cette sous-mortalité. Mais les enfants d’immigrés du Maroc, de Tunisie ou d’Algérie, pas du tout. Et au contraire : ils ont une mortalité 70 à 80 % plus élevée que des jeunes du même âge, nés de parents qui ne sont pas immigrés.
Un chiffre : à 18 ans, la probabilité de décéder avant 65 ans est, en moyenne, de 16 %. Mais chez les enfants d’immigrés d’Afrique du Nord, cette probabilité grimpe à 28 %. Alors même que leurs pères avaient témoigné d’une robustesse particulière. Et alors même que l’un des principaux motifs de migration évoquée est de donner de meilleures chances à ses enfants…
Comment l’expliquer ?
C’est compliqué. On ne dispose pas de données sur les causes des décès, ni sur leur santé. Mais, en croisant d’autres études, on s’oriente vers des hypothèses d’ordre économique et sociale : une étude de l’Ined (enquête TEO) a notamment montré comment les enfants d’immigrés de deuxième génération d’Afrique du Nord sont touchés par des retards en matière d’éducation, sont surexposés au chômage, souvent surqualifiés mais sous-payés. C’est cohérent avec des études portant sur des discriminations à l’embauche.
Comment on relie les problèmes d’emploi et la surmortalité ?
Le manque d’opportunités, de perspectives conduit à des prises de risques, des comportements nocifs en termes d’alcool, drogue, suicide, accidents de la route. C’est une hypothèse. Aux États-Unis, il y a toute une littérature sur ces fameux « décès du désespoir ». Lié au sentiment de ne pas avoir une vie qui correspond à ses attentes.
En fait, ce sont des enfants de banlieue ?
Notre étude n’est pas géographique, mais oui, ces enfants sont nombreux dans les quartiers. Une étude sur le taux de mortalité le long de la ligne du RER B avait montré une surmortalité, notamment dans les banlieues nord. Grandir dans ces quartiers limite les opportunités.
Donc, ces jeunes sont discriminés, et ils meurent plus tôt.
Exactement. Pour nous, c’est la découverte d’un grave sujet de santé publique. Nous allons poursuivre nos recherches, notamment dans le registre de la santé. Et des causes des décès.
Pourquoi, à l’inverse, les enfants d’immigrés d’Europe du sud s’en sortent mieux ?
Des études ont montré qu’ils bénéficiaient de bons réseaux, d’amis, de famille, notamment pour accéder à l’emploi. Ils profitent donc d’une meilleure insertion professionnelle.
Les enfants nés en France de parents venus du Maroc, d'Algérie et de Tunisie meurent plus jeunes que les autres. Ils vivent souvent en banlieue.
Les enfants nés en France de parents venus du Maroc, d'Algérie et de Tunisie meurent plus jeunes que les autres. Ils vivent souvent en banlieue. | AFP.
Nés en France de parents tunisiens, marocains ou algériens, les descendants d’immigrés de deuxième génération souffrent de surmortalité. À l’inverse de leurs parents. C’est ce que révèle jeudi 27 juin une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Ces jeunes, nombreux à vivre en banlieue, sont surexposés au chômage et touchés par les discriminations.
« Le manque d’opportunités, de perspectives conduit à des prises de risques, des comportements nocifs en termes d’alcool, drogue, suicide, accidents de la route. » C’est une des hypothèses avancées par les chercheurs, dont Michel Guillot, directeur de recherches à l’Ined. Entretien.
Qui sont les enfants d’immigrés en France ?On les appelle les descendants d’immigrés de 2e génération. Ils sont nés, en France, de parent(s) immigré(s) venus d’Europe du Sud, d’Afrique du Nord ou d’ailleurs. Ils sont autour de 7,3 millions de personnes. Ils représentent une part importante de la population française (11 %).
En général, les hommes immigrés vivent plus longtemps que la population qui les accueille ?
Oui, les études le montrent partout. On peut penser qu’ils sont plus robustes. Car n’importe qui ne peut se permettre d’effectuer une longue trajectoire de migration. Il faut une certaine santé. Les femmes, elles, ne semblent pas présenter de caractéristique particulières. Le plus souvent, ce ne sont pas elles qui initient le processus migratoire. Donc, il y a moins ce processus de « sélection ».
Cette robustesse des hommes se transmet-elle aux enfants ?
Les trajectoires sont très différentes et cela a été notre grande surprise. Les enfants d’immigrés d’Europe du sud conservent cette robustesse, cette sous-mortalité. Mais les enfants d’immigrés du Maroc, de Tunisie ou d’Algérie, pas du tout. Et au contraire : ils ont une mortalité 70 à 80 % plus élevée que des jeunes du même âge, nés de parents qui ne sont pas immigrés.
Un chiffre : à 18 ans, la probabilité de décéder avant 65 ans est, en moyenne, de 16 %. Mais chez les enfants d’immigrés d’Afrique du Nord, cette probabilité grimpe à 28 %. Alors même que leurs pères avaient témoigné d’une robustesse particulière. Et alors même que l’un des principaux motifs de migration évoquée est de donner de meilleures chances à ses enfants…
Comment l’expliquer ?
C’est compliqué. On ne dispose pas de données sur les causes des décès, ni sur leur santé. Mais, en croisant d’autres études, on s’oriente vers des hypothèses d’ordre économique et sociale : une étude de l’Ined (enquête TEO) a notamment montré comment les enfants d’immigrés de deuxième génération d’Afrique du Nord sont touchés par des retards en matière d’éducation, sont surexposés au chômage, souvent surqualifiés mais sous-payés. C’est cohérent avec des études portant sur des discriminations à l’embauche.
Comment on relie les problèmes d’emploi et la surmortalité ?
Le manque d’opportunités, de perspectives conduit à des prises de risques, des comportements nocifs en termes d’alcool, drogue, suicide, accidents de la route. C’est une hypothèse. Aux États-Unis, il y a toute une littérature sur ces fameux « décès du désespoir ». Lié au sentiment de ne pas avoir une vie qui correspond à ses attentes.
En fait, ce sont des enfants de banlieue ?
Notre étude n’est pas géographique, mais oui, ces enfants sont nombreux dans les quartiers. Une étude sur le taux de mortalité le long de la ligne du RER B avait montré une surmortalité, notamment dans les banlieues nord. Grandir dans ces quartiers limite les opportunités.
Donc, ces jeunes sont discriminés, et ils meurent plus tôt.
Exactement. Pour nous, c’est la découverte d’un grave sujet de santé publique. Nous allons poursuivre nos recherches, notamment dans le registre de la santé. Et des causes des décès.
Pourquoi, à l’inverse, les enfants d’immigrés d’Europe du sud s’en sortent mieux ?
Des études ont montré qu’ils bénéficiaient de bons réseaux, d’amis, de famille, notamment pour accéder à l’emploi. Ils profitent donc d’une meilleure insertion professionnelle.
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