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Amar Aït Zaï n’est plus là, mais Amar Ezzahi est éternel !

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  • Amar Aït Zaï n’est plus là, mais Amar Ezzahi est éternel !

    Des milliers de citoyens et de mélomanes avaient accompagné «Soltane lehwa» à son ultime demeure au cimetière algérois d'El Kettar
    Amar Aït Zaï n’est plus là, mais Amar Ezzahi est éternel !

    Publié par Noureddine Khelassi
    le 01.12.2020

    En ce funeste 30 novembre 2016, ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers, venus de toutes parts, arrivés de nulle part, pour accompagner à son ultime demeure terrestre le dernier vrai cheikh du chaâbi. Pleurer et honorer le barde du «kheloui», cette émulsion alchimique et extatique du «tarab», jaillie des entrailles de La Casbah d'Alger et à laquelle Amar Ezzahi avait donné un goût de nirvana ! La foule, immense, compacte, révérencieuse, digne et ordonnée, de tous les âges, mais essentiellement jeune et belle, s'ébrouait alors dans un silence monacal. Une telle multitude vous fait penser que la mort peut être belle quand une affluence aussi affectueuse, aussi respectueuse et profondément recueillie rend le ciel diaphane et si légère une atmosphère funèbre par définition.
    La terre qui a enseveli Amar Ezzahi au cimetière lumineux d'El Kettar, à un simple jet de pierre de deux icônes artistiques algéroises, Hadj M’hamed El Anka et Rachid Ksentini, devait lui être si douce en ce jeudi serein. Pour dire adieu à «Chikh léchyakh», ce fut donc à El Kettar l'addition de la belle pléiade et de la tranquille constellation.

    Ce cortège était absolument digne de celui qu'il venait saluer pour une dernière fois. Et il venait dire adieu à un homme du chaâbi, de surcroît un humble homme du peuple. Ah ! le chaâbi, adjectif arabe dont le sens renvoie justement au peuple et à la popularité. Et cette population, qui défila de la mosquée El Berrani de Bab Ejdid jusqu'au vieux cimetière d'El Kettar, fut en elle-même un sondage grandeur nature qui en disait long sur la cote d'amour de l'homme de la musique qui parlait aux âmes. La musique qui tant vous émeut. Car quand la musique nous touche jusqu'aux larmes, sans cause apparente, nous ne pleurons pas par excès de ravissement, comme le suppose Giovanni Vincenzo Gravina, mais par excès de douleur impatiente et impétueuse, de ce que nous ne pouvons encore, simples mortels, éprouver la plénitude de ces extases surhumaines que la musique nous fait entrevoir dans un aperçu indéfini et précurseur, tel que le disait pour sa part Edgar Allan Poe.

    Le poète et écrivain américain a peut-être défini le «kheloui» sans le savoir !

    À savoir, éprouver la plénitude de l'extase qui est dans le chant, la musique et la voix d’Amar Ezzahi, un bonheur mystique ! Comment ne pas penser encore au philosophe Emanuel Levinas qui dit que le temps n'est pas la limitation de l'être mais sa relation avec l'infini, et que la mort n'est pas anéantissement mais question nécessaire pour que cette relation avec l'infini ou temps se produise ?
    Justement, la mort d'Amar Aït Zaï d'Ighil Bwamas, au cœur du Djurdjura, n'est pas un simple anéantissement biologique. Elle est même le commencement d'une nouvelle relation avec l'infini esthétique et l'éternel artistique.

    Une promesse de «kheloui» renouvelée à travers l'écoute du formidable répertoire du Cheikh patiemment répertorié sur Youtube par des mélomanes algériens qui ont alors accompli une gigantesque œuvre d'entomologistes du chaâbi. Devant tant d'amour algérien, comment ne pas penser d'autre part à Fernando Pessoa pour qui la mort apparaît alors comme un départ, le cadavre faisant l'impression d'un costume qu'on a laissé derrière soi : quelqu'un est parti, sans éprouver le besoin d'emporter son seul et unique vêtement ? Ça tombe bien car c'est le cas d'Amar Ezzahi qui a laissé son corps sous la terre d'El Kettar, mais qui a légué à des millions de ses compatriotes des dizaines de chansons du chaâbi. Celui de la pureté du melhoun des grands poètes marocains et algériens des quatre derniers siècles, de même que celui qui a été allégrement revisité par Mahboub Bati de Médéa et Khouya El Baz, alias Mohamed El Badji, d’El Madania.

    Mais de quoi alors Amar Ezzahi est-il le nom d'artiste, pour paraphraser le philosophe Alain Badiou ? Son legs artistique est manifestement le produit de son immense talent, de son génie de l'improvisation, de son aptitude inouïe à adapter et à réadapter, mais il est tout aussi bien le résultat de l'émulation et des belles rencontres qui font sortir le diamant de sa gangue.
    Il en est ainsi au lendemain de l'indépendance du pays, de Boudjemaâ El Ankis, sa première muse qui transforma son nom d'Aït Zaï en Ezzahi, c'est-à-dire en homme habité perpétuellement par une joie intérieure ! De même, le rendez-vous heureux avec le hawzi de Tlemcen et le contact, dès 1962, avec cheikh Lahlou mais aussi avec Cheikh Kebaïli, connu sous le nom de Mohamed Brahimi de Dellys, qui l'initièrent tous aux rythmes de l'andalou et du chaâbi. Par la suite, ce fut cheikh Kaddour Bachtobji, musicien émérite cherchellois qui l'accompagnera durant près de deux décennies, et qui fut à l'origine de son vrai départ dans la chanson, à partir de 1964.

    Vint ensuite le tour de Mahboub Bati qui le mit vraiment sur orbite réelle en le faisant découvrir à la capitale et au pays, donnant alors corps et vie à l'infini talent d'un Ezzahi autodidacte mais pierre précieuse à polir ! L'instant «T» de la consécration fut enregistré avec l'iconoclaste mais si délicieuse Djhelt koull saheb et Ya el aâdra, reprises plus tard par Lilli Bonniche et Enrico Macias.
    Le «kheloui» est né ce jour-là, avec une voix qui sort des abysses de l'âme du chanteur, avec ce timbre et cette tessiture qui sont un extraordinaire vecteur de l'émotion orgastique. Une étoile scintillante pour l'éternité artistique est née à ce moment-là dans la constellation du chaâbi. Hadj M’hamed El Anka n'était plus seul. Et ce sera ainsi un répertoire à deux registres : celui du chaâbi allègre et émouvant, magnifié par Mahboub Bati et El Badji, et celui de la rigueur métrique, de la mystique soufie et du bonheur onirique propres au melhoun des grands aèdes marocains et algériens. Tels El Maghraoui, El Alami, Benslimane, Ennedjar, Mtired, El Baqali, Oueld Erzine, El Masmoudi, Lakhal Benkhlouf, El Mendassi, Bentriki, Bettobdji (Abdelkader), Benbrahim, Bna Msayeb, Bensahla et bien d'autres.

    Et de quoi, enfin, l'homme Amar Ezzahi est-il par ailleurs le nom ? Pudique et mutique, Aït Zaï avait cette humilité propre aux anachorètes qui conçoivent la vie comme une ascèse, un détachement absolu des choses matérielles de la vie. Les plaisirs de la vie, autres que ceux que lui procuraient la musique et la chanson, conçus comme un bonheur permanent à dispenser gracieusement aux Algériens de tout le pays, ses compatriotes qu'il aimait tant et par-dessus tout, ces plaisirs-là, Ezzahi en avait conçu indifférence personnelle et mépris philosophique. Au point de refuser de toucher le moindre centime en termes de droits d'auteur. Et de surtout faire don, à ceux qui en avaient le plus besoin, de tout ce qu'il a pu gagner financièrement, en jouant de la voix et en grattant sur sa guitare ou son mandole.

    «Soltane lehwa», le souverain des airs musicaux, est parti après avoir longtemps divorcé d'avec la vie des réjouissances matérielles.
    Désargenté mais si riche d'airs, de mesures, de rythmes, de percussions, de modulations vocales, de préludes divins, de couplets magiques, de refrains entraînants ou envoûtants, de changements et de ruptures renversants, parfois de solos et, de manière systématique, d'outros qui sont autant de conclusions grisantes.
    Cette touche «zahienne» qui lui vaudra de se faire désigner comme «Soltane lehwa» ou encore «Rabb el kheloui» (le divin du tarab), cette félicité qu'il nous a déjà dispensée 53 ans durant.

    Ravissement qu'il donnera encore aux Algériens, pour l'éternité. Grâce à son patrimoine désormais accessible par simple clic de souris d'ordinateur. Ce bonheur «kheloui», la Sécurité sociale devrait le rembourser, et à 100% !
    N. K.
    Dernière modification par nacer-eddine06, 01 décembre 2020, 11h32.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    allah yerrahmak ya Cheikh

    une classique de Ezzahi au sommet de son art: Zinouba

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