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Petite typologie des anti- et des pro-vaccins : sirènes complotistes contre scepticisme pascalien. Par Kamel Daoud

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  • Petite typologie des anti- et des pro-vaccins : sirènes complotistes contre scepticisme pascalien. Par Kamel Daoud

    «Allez-vous vous faire vacciner ou pas ? » C’est, depuis quelques jours, un bon sujet pour relancer une conversation qui se meurt. Ou en provoquer une avec un(e) inconnu(e). On hésite un moment pour mimer la réflexion, puis on annonce son verdict, décidé, comme on le ferait pour une destination imprévue et dangereuse : l’Himalaya ou Tchernobyl. Oui, ou non. Comme on affirmait, autrefois, je suis trotskiste et non léniniste, calviniste et non sunnite, gaulliste ou vichyste. Bien sûr, le choix se fait selon ce qu’on a vécu de cette pandémie, ce qu’on a subi comme contamination ou privation et selon la confiance qu’on accorde aux temples de la recherche pharmaceutique mondiale. On peut d’ailleurs, pour s’amuser (à moitié), tracer le portrait type de celui qui, déjà, refuse la vaccination et de celui qui attend son tour dans la longue file de l’humanité confinée. Pour le premier, on peut supposer qu’il s’agit du connecté type, amateur de réseaux sociaux, sensible à la théorie du complot et soupçonneux envers les institutions en général et envers la matière, trop anonyme, des pilules en particulier. Il est le portait mêlé de l’anarchiste d’autrefois, du survivaliste d’aujourd’hui et du rebelle casseur ou farceur. Méfiant, il préfère lire l’article intitulé « Ce que les grandes entreprises pharmaceutiques vous cachent » sur son fil d’actualité, et s’attarder le temps qu’il faut sur la liste des effets indésirables de n’importe quelle gélule. C’est un peu le sceptique moderne, le méfiant universel, l’anonyme commun. On peut être plus méchant et y voir le mélange d’un trumpiste intraitable, d’un révolté contre la loi « sécurité globale », d’un colérique contre le fichage électronique, le traçage et la généralisation de la puce et du numéro d’identification unique. Les raisons d’un refuznik du vaccin peuvent être farfelues, irrationnelles, intimes ou rationnelles. L’enjeu financier du vaccin, la raison d’État ou le manque de fiabilité et de tests sur l’ARN sauveur de l’humanité sont des motifs solides pour lui. Curieusement, le refuznik préfère la viralité de l’intox et des réseaux sociaux au vaccin contre le virus. C’est un citoyen qui considère que l’antivirus vaut pour son ordinateur, pas pour lui.
    Raisons et réseaux. De l’autre côté de l’estrade, le « Je vais me faire vacciner » se prononce avec calme, une touche savante de fatalisme, un air d’acceptation citoyenne, muni d’une toge imaginaire ou d’un relevé d’impôts payés. C’est un acte de foi envers la religion médicale. On l’énonce animé d’une brève ferveur, décidé à la mesure du doute intime, déterminé comme avant un saut à l’élastique et confirmant une religion déstabilisée par les intox et les casseurs : celle de la croyance en l’avancée de l’humanité. C’est un pari pascalien, surtout. Reprenons la si vieille formule : « Je me fais vacciner car, si le vaccin est efficace, je… » Et s’il ne l’est pas ? « Ça reste mieux que la contagion. » Le pro-vaccin est sensible aux raisons plus qu’aux réseaux. Son choix n’est pas couplé à ses convictions politiques, et, dépourvu de sensibilité complotiste, il n’en fait pas un acte de vote ni de rébellion. C’est une posologie, pas une politique. Ses arguments sont pragmatiques : le passeport sanitaire nous sera imposé pour voyager, alors autant choisir ce qu’on ne peut pas refuser. Il faut imaginer le pro-vaccin de droite, centre droit, démocrate, quadra et plus, électeur traditionnel, volontaire et bon contribuable. Sans révoltes à nourrir par des fureurs, il n’a rien contre le vaccin ou contre l’État qui le propose. S’il est prudent, c’est qu’il est vacciné (déjà) contre les enthousiasmes et Internet. Son scepticisme est plus serein, étendu à l’humanité et pas circonscrit à une souveraineté politique. Le pro-vaccin préfère la douceur aux convictions. Il s’en remet à demain, alors que son contraire s’en remet à hier. Qui a tort, alors ? Celui qui est mort du virus. Une tragédie sans remède. ✍🏻 Kamel Daoud / Le Point / 17-14 Décembre 2020
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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