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    Lettre aux députés sortants
    par El Yazid Dib
    Le soir d'Algérie


    Je vous écris ces quelques lignes pour vous faire savoir que je suis un peu bien, que j'attends toujours ma dose de vaccin, ce vaccin que vous aviez bien voulu nous faire commander en un temps record et que vous l'aviez, vous-mêmes, testé et en priorité sur vos corps. Je vous écris aussi pour vous remercier au nom de tout le peuple d'en bas, le mien du moins.

    Ce peuple que vous aviez servi avec sacrifice et loyauté. Pour lequel vous vous êtes calciné les neurones afin qu'il puisse s'oxygéner de cet air doux et combatif de liberté, de partage que vous aviez semé sur tout le territoire, pas seulement dans l'hémicycle. Merci aussi pour ces comptes-rendus, ces bilans que vous ne faisiez chaque année, parfois chaque semestre où vous recueilliez encore nos gémissements et nous, nous croyions vos promesses toutes tenues au minime mot.

    C'est vous dire que ce peuple, vous le voyez désolé et peiné de vous voir partir de sitôt après avoir accompli une grosse œuvre de législature et des travaux titanesques défendant en cours les droits primaires humains, ressuscitant l'égalité sociale, sacralisant la justice pour tous et de surcroît, vous voir partir en vous désistant avec ravissement de tous vos avantages futurs. Vos minables pensions. Merci pour cet acte, haut en abnégation et en patriotisme financier.

    Je sais que rares, même très rares sont ceux qui parmi vous liront la présente. Et ceci pour deux raisons. La première se rapporte au défaut de traduction en cette si belle langue nationale qu'ils n'usent d'ailleurs que par formules de bois de chauffage, autant que celle de l'écriture originale de celle-ci. La seconde, c'est leur « illecture ».

    En tous cas, ils lisent peu ou rien, ni les lettres, ni les projets de loi, ni les souvenirs, ni même leur indigente biographie. Ils déchiffrent bel et bien le relevé mensuel de leurs émoluments, l'ordre du jour des séances captivantes où la proximité d'un ministre de besoin est à portée d'une tasse de thé.
    Vous êtes dissous, l'on vous a disjonctés sans crier gare, à la merci d'un discours tant attendu. Votre appétence systémique est coupée comme l'on coupe au bébé sa tétée. Fini le temps des roses, des cravates et des costumes galvanisés comme pièces d'identité. Fini le temps des invitations et de la pistache au salon d'honneur du wali. Vous allez revenir au néant, au jour où le monde politique vous a vu naître. Rachitiques, pitoyables, quelconques. Fini le temps des soutiens de façade, des passions hypocrites, des selfies et de l'idolâtrie du cadre. Ce seront en fait les cadenas, la complicité, les bousculades de la coupole, les faux prêches, la bagarre des listes et le viol des urnes qui hanteront vos nuits et vos solitudes.

    Vous n'avez jamais pour bon nombre, depuis votre intronisation, pu battre le pavé de vos pâtés de maisons, ni arpenté les rues de vos villes, ni même vous attabler aux cafés habituels de vos quartiers.

    Vous fulminez dans l'habitacle de vos carrosses à taux zéro placardant à tout prix non pas l'immatriculation de vos électeurs locaux mais ce « 16 » qui semble, croyiez-vous, vous donner plus d'anonymat et davantage de rang protocolaire et circulatoire. La classe, Messieurs, n'est pas dans le nombre de chevaux ou le chiffre minéralogique; elle est tout juste dans la cylindrée cérébrale.

    Vous allez revenir autrement à votre vie initiale. Plus fortunés et moins rayonnants, plus silencieux et moins vaniteux et suppliés. Beaucoup plus religieux et aumôniers et extrêmement croyants. La mosquée va vous devenir un confessionnal sans levée de mains ni ovations et où votre conscience aura énormément de choses à dire.

    Cependant, l'entrepôt, le grand poulailler, l'hôtellerie, les hectares agricoles, les minoteries, la carrière d'agrégats, la spéculation immobilière, l'usine vont pomper pour les uns, leur temps, et, pour les autres, parachever leurs investissements. D'autres, parmi vous, plus osés, toujours audacieux, vont nourrir encore la sève de la députation qui se profile. Ils défendront leur mandat égorgé, par des copies d'envois aux différents ministères, des vidéos de questions orales craintives et se perdront dans la foule citoyenne qui ne les reconnaîtra plus car Ils reviennent de loin. D'en-haut.

    Je termine ma lettre par vous dire qu'il n'y a pas lieu de vous fâcher ou de blâmer le détour d'un regard croisé dans une rue ou le défaut de rendu de salem. Qui sème le vent ne récolte rien. L'indifférence. Enfin, je ne vise personne, je dénonce juste un comportement, une législature hilarante, un mode parlementaire.
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