Le gouvernement indien versera une aide financière aux familles pour les inciter à garder leurs bébés filles
Le gouvernement indien a annoncé, lundi 3 mars, qu'il versera 5 000 dollars aux mères qui donnent naissance à une fille, pour limiter le nombre d'infanticides et d'avortements sélectifs. Nommé "Déesse de la prospérité", le programme prévoit d'étaler le versement de la subvention sur dix-huit années. Quatre cents dollars seront versés dès la naissance, et 2 500 dollars à la majorité, à condition que la fille ait été scolarisée et ne soit pas encore mariée.
"Il s'agit d'encourager les familles à mieux traiter leurs filles, à les éduquer, à les considérer comme un capital plutôt que comme une charge", a expliqué la ministre pour le développement des femmes et des enfants, Renuka Chowdhury. Le gouvernement espère sauver 100 000 filles en 2009 grâce à ce programme.
D'après le dernier recensement, qui date de 2001, l'Inde compte 927 filles pour 1000 garçons. L'ONU estime que "60 millions de filles sont manquantes en Inde". Ce déséquilibre a déjà entraîné une hausse du nombre de mariages d'enfants et du trafic de femmes en provenance des régions pauvres de l'Inde et des pays voisins comme le Bangladesh et le Népal.
La préférence pour les garçons est une tradition solidement ancrée dans le sous-continent indien. Le fils, par qui se transmet l'héritage, est censé s'occuper de ses parents jusqu'à leur mort. C'est lui qui libère, selon les rites hindous, l'âme de leur corps en récitant une ultime prière devant le bûcher funéraire. Considérée comme "celle qui part", la femme part vivre dans la famille de son époux en échange d'une dot, ce qui amène certains parents à ouvrir des comptes-épargne dès la naissance de leur fille.
Le gouvernement va lancer, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, une campagne d'affichage pour changer ces attitudes. "Les filles prennent généralement mieux soin de leurs parents âgés que les garçons", pourra-t-on lire sur certaines affiches.
Depuis 1994, les médecins ne sont pas autorisés à dévoiler le sexe des foetus. Malgré cette interdiction, la pratique de l'avortement sélectif est répandue, et seul un médecin, en quatorze ans, a été condamné. Le phénomène s'est amplifié depuis l'apparition de machines à ultrasons à bas prix. Les ventes de matériel de diagnostic prénatal fabriqué par l'américain General Electric sont ainsi passées, dans le pays, de 30 millions de dollars, en 1995, à 210 millions de dollars en 2006. Dans un village sans eau, ni électricité, un scanner coûte 8 dollars.
Dans un premier temps, le programme lancé par le gouvernement sera destiné aux familles les plus défavorisées. Certains experts regrettent que les familles urbaines et aisées soient écartées du programme. "Le problème de l'avortement sélectif concerne avant tout les familles qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté", estime George Sabu, un militant qui lutte contre la pratique de l'avortement sélectif. Depuis peu, des techniques de fertilisation in vitro, illégales et coûteuses, sont mêmes disponibles dans les cliniques des grandes métropoles. Comme en témoigne Puneet Bedi, un obstétricien basé à New Delhi : "Des couples aisés sont prêts à vendre leur maison pour avoir un garçon plutôt qu'une fille".
Julien Bouissou
Le Monde
Le gouvernement indien a annoncé, lundi 3 mars, qu'il versera 5 000 dollars aux mères qui donnent naissance à une fille, pour limiter le nombre d'infanticides et d'avortements sélectifs. Nommé "Déesse de la prospérité", le programme prévoit d'étaler le versement de la subvention sur dix-huit années. Quatre cents dollars seront versés dès la naissance, et 2 500 dollars à la majorité, à condition que la fille ait été scolarisée et ne soit pas encore mariée.
"Il s'agit d'encourager les familles à mieux traiter leurs filles, à les éduquer, à les considérer comme un capital plutôt que comme une charge", a expliqué la ministre pour le développement des femmes et des enfants, Renuka Chowdhury. Le gouvernement espère sauver 100 000 filles en 2009 grâce à ce programme.
D'après le dernier recensement, qui date de 2001, l'Inde compte 927 filles pour 1000 garçons. L'ONU estime que "60 millions de filles sont manquantes en Inde". Ce déséquilibre a déjà entraîné une hausse du nombre de mariages d'enfants et du trafic de femmes en provenance des régions pauvres de l'Inde et des pays voisins comme le Bangladesh et le Népal.
La préférence pour les garçons est une tradition solidement ancrée dans le sous-continent indien. Le fils, par qui se transmet l'héritage, est censé s'occuper de ses parents jusqu'à leur mort. C'est lui qui libère, selon les rites hindous, l'âme de leur corps en récitant une ultime prière devant le bûcher funéraire. Considérée comme "celle qui part", la femme part vivre dans la famille de son époux en échange d'une dot, ce qui amène certains parents à ouvrir des comptes-épargne dès la naissance de leur fille.
Le gouvernement va lancer, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, une campagne d'affichage pour changer ces attitudes. "Les filles prennent généralement mieux soin de leurs parents âgés que les garçons", pourra-t-on lire sur certaines affiches.
Depuis 1994, les médecins ne sont pas autorisés à dévoiler le sexe des foetus. Malgré cette interdiction, la pratique de l'avortement sélectif est répandue, et seul un médecin, en quatorze ans, a été condamné. Le phénomène s'est amplifié depuis l'apparition de machines à ultrasons à bas prix. Les ventes de matériel de diagnostic prénatal fabriqué par l'américain General Electric sont ainsi passées, dans le pays, de 30 millions de dollars, en 1995, à 210 millions de dollars en 2006. Dans un village sans eau, ni électricité, un scanner coûte 8 dollars.
Dans un premier temps, le programme lancé par le gouvernement sera destiné aux familles les plus défavorisées. Certains experts regrettent que les familles urbaines et aisées soient écartées du programme. "Le problème de l'avortement sélectif concerne avant tout les familles qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté", estime George Sabu, un militant qui lutte contre la pratique de l'avortement sélectif. Depuis peu, des techniques de fertilisation in vitro, illégales et coûteuses, sont mêmes disponibles dans les cliniques des grandes métropoles. Comme en témoigne Puneet Bedi, un obstétricien basé à New Delhi : "Des couples aisés sont prêts à vendre leur maison pour avoir un garçon plutôt qu'une fille".
Julien Bouissou
Le Monde
Commentaire