Témoignage. « Un grand nombre de Français (employés des services publics, soignants, enseignants, commerçants…) ont contribué au développement de l’Algérie. »
Publié le 30/04/2021 à 05h04
Jean-Pierre Pujol (Calvados) :
En ces temps où la tendance est à la repentance vis-à-vis de la colonisation, le témoignage de Noël Lefort sur le rôle des jeunes professeurs français en Algérie (O.-F. du 23 mars) m’incite à rappeler que dans ce pays il n’y avait pas que des colons avides de profit et exploitant la communauté algérienne de manière éhontée.
Un grand nombre de ceux que l’on a nommés « petits blancs », employés des services publics, personnels soignants, instituteurs et professeurs, commerçants, etc., ont apporté une contribution importante au développement de l’Algérie et mériteraient une reconnaissance.
Je ne citerai qu’un exemple, que je connais bien puisqu’il s’agit de mon propre père. Né en 1913 dans le quartier populaire de Bab-el-Oued,à Alger, de parents venus de Majorque, il fait ses études au lycée Bugeaud, en même temps qu’Albert Camus.
Après un séjour comme vendeur dans une célèbre épicerie d’Alger, il est recruté par la Compagnie Lebon, chargée de la distribution électrique, plus tard nationalisée en EGA (Électricité et Gaz d’Algérie) par De Gaulle. Il devient agent technique à Bouira puis chef de district adjoint à Médéa, Marengo (Hadjout aujourd’hui), et finalement Boufarik.
Je peux témoigner que les conditions de travail, en particulier dans la compagnie privée Lebon, étaient particulièrement pénibles et qu’il fallait intervenir à tout moment sur les pannes, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Une permanence était assurée même les jours fériés.
J’ajoute que ces employés ne disposaient pas de Sécurité sociale avant 1949. À Médéa, où certains hivers la couche de neige pouvait atteindre 1,50 m, j’ai vu mon père faire des visites de lignes sur plusieurs km, raquettes au pied et rentrer à la nuit, complètement épuisé.
Lors des événements qui ont conduit à l’indépendance, il a maintenu sa mission et risqué plusieurs fois sa vie pour apporter le courant dans les douars. Enfin, rapatrié en métropole, après avoir tout perdu sauf la vie.
La plupart de ces « petits blancs » n’ont pas ménagé leurs efforts pour donner à l’Algérie des collèges, des lycées, des hôpitaux, auxquels avait accès l’ensemble de la population.
Pour avoir fait mes études au collège de Boufarik, puis au lycée Duveyrier de Blida, et enfin à l’université d’Alger, je peux témoigner qu’il n’y avait pas de discrimination à l’égard de la communauté algérienne.
J’ajoute que beaucoup d’entre nous entretenaient d’excellents rapports avec nos voisins algériens, partageant souvent nos fêtes respectives.
Ouest France
Publié le 30/04/2021 à 05h04
Jean-Pierre Pujol (Calvados) :
En ces temps où la tendance est à la repentance vis-à-vis de la colonisation, le témoignage de Noël Lefort sur le rôle des jeunes professeurs français en Algérie (O.-F. du 23 mars) m’incite à rappeler que dans ce pays il n’y avait pas que des colons avides de profit et exploitant la communauté algérienne de manière éhontée.
Un grand nombre de ceux que l’on a nommés « petits blancs », employés des services publics, personnels soignants, instituteurs et professeurs, commerçants, etc., ont apporté une contribution importante au développement de l’Algérie et mériteraient une reconnaissance.
Je ne citerai qu’un exemple, que je connais bien puisqu’il s’agit de mon propre père. Né en 1913 dans le quartier populaire de Bab-el-Oued,à Alger, de parents venus de Majorque, il fait ses études au lycée Bugeaud, en même temps qu’Albert Camus.
Après un séjour comme vendeur dans une célèbre épicerie d’Alger, il est recruté par la Compagnie Lebon, chargée de la distribution électrique, plus tard nationalisée en EGA (Électricité et Gaz d’Algérie) par De Gaulle. Il devient agent technique à Bouira puis chef de district adjoint à Médéa, Marengo (Hadjout aujourd’hui), et finalement Boufarik.
Je peux témoigner que les conditions de travail, en particulier dans la compagnie privée Lebon, étaient particulièrement pénibles et qu’il fallait intervenir à tout moment sur les pannes, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Une permanence était assurée même les jours fériés.
J’ajoute que ces employés ne disposaient pas de Sécurité sociale avant 1949. À Médéa, où certains hivers la couche de neige pouvait atteindre 1,50 m, j’ai vu mon père faire des visites de lignes sur plusieurs km, raquettes au pied et rentrer à la nuit, complètement épuisé.
Lors des événements qui ont conduit à l’indépendance, il a maintenu sa mission et risqué plusieurs fois sa vie pour apporter le courant dans les douars. Enfin, rapatrié en métropole, après avoir tout perdu sauf la vie.
La plupart de ces « petits blancs » n’ont pas ménagé leurs efforts pour donner à l’Algérie des collèges, des lycées, des hôpitaux, auxquels avait accès l’ensemble de la population.
Pour avoir fait mes études au collège de Boufarik, puis au lycée Duveyrier de Blida, et enfin à l’université d’Alger, je peux témoigner qu’il n’y avait pas de discrimination à l’égard de la communauté algérienne.
J’ajoute que beaucoup d’entre nous entretenaient d’excellents rapports avec nos voisins algériens, partageant souvent nos fêtes respectives.
Ouest France
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