La barre symbolique du million de demandeurs d’asile ayant réussi à franchir les frontières de l’Union, de la Suisse et de la Norvège va de nouveau être dépassée en 2023. Comme au moment de la crise migratoire en 2015 et 2016. Analyse.
Au moment où, de la Suède à l’Italie, en passant par l’Allemagne et le Danemark, les débats concernant l’accueil de nouveaux migrants deviennent, comme en France, de plus en plus vifs, la publication des chiffres 2023 va donner du grain à moudre aux intervenants. Selon les dernières données Eurostat de la Commission européenne, plus d’un million de demandeurs d’asile auront pénétré au sein de l’Union, en Suisse et en Norvège. Un chiffre qui n’est pas sans rappeler ceux de 2015 et 2016, avec l’arrivée massive de Syriens fuyant la guerre.
Dans ce panorama, les Syriens et les Afghans demeurent les premiers contingents de demandeurs d’asile dans l’Union, avec plus de 160 000 demandes pour les premiers, et 105 000 demandes pour les seconds. Même si le nombre d’Afghans, essentiellement des hommes est en diminution de 6 %, leurs venues demeurent importantes. Et le phénomène pourrait repartir à la hausse en 2024 du fait des expulsions en cours au Pakistan et en Iran. La demande d’asile syrienne, elle, est de nouveau en hausse, avec plus de 44 %. Projection d’une guerre loin d’être terminée, mais aussi de leur situation de plus en plus difficile sur le plan politique comme social.
L’EXODE TURC
Mais c'est la forte présence des Turcs qui surprend à la lecture de ces données qui seront définitivement arrêtées début janvier. Ils ont déposé plus de 95 000 demandes depuis le début de l’année, une augmentation de plus de 100 % par rapport à 2022. Une pression turque qui est la conséquence de la crise économique sévissant dans ce pays. En 2023, l’inflation annuelle y a dépassé les 60 % en même temps que se déprécie la livre turque. Les loyers ont ainsi augmenté de plus de 120 % et même de 188 % sur un an dans une ville comme Ankara.
Ces Turcs qui fuient la crise sociale se rendent essentiellement en Allemagne et en Autriche. Mais une partie d’entre eux cherche en France un refuge en rejoignant une communauté de plus en plus importante. 10 000 Turcs ont déjà déposé cette année une demande d’asile dans des régions comme l’Île de France, mais aussi dans le Grand Est, non loin de l’Allemagne.
LA FUITE DES SUD-AMÉRICAINS
Tous les Latino-Américains ne rêvent pas d’Amérique du Nord. Beaucoup se tournent vers l’Espagne. 65 000 Vénézuéliens, plus 34 % d’une année sur l’autre, sont donc entrés dans l’Union, par avion. 60 000 Colombiens, plus 48 % par rapport à 2022 ont fait de même.
La très grande majorité se stabilise en Espagne, qui, du fait des liens historiques entre ces pays, les laisse entrer sans visa. Aidés par la langue commune, et ayant pour beaucoup d’entre eux des compétences recherchées, ils sont absorbés par le marché du travail.
UNE RÉPARTITION INÉGALE
C’est en Allemagne qu’en 2023 la pression de l’asile s’est fait particulièrement sentir. D’après les données Eurostat, l’Allemagne a déjà enregistré 300 000 demandes, contre 217 000 en 2022.
La France, cette année encore, deuxième pays de l’asile, a déjà enregistré plus de 160 000 demandes. L’Espagne suit avec 153 000 demandes. 126 000 en Italie et 59 000 en Grèce.
LES TRAVERSÉES VERS L’EUROPE
D’année en année, de la Méditerranée du côté de l’Atlantique est de plus empruntée. Une hausse de 70 % par rapport à 2022. Les départs se font du Sénégal, du Maroc et de la Mauritanie, vers les Canaries et l’Espagne continentale. Les principales nationalités empruntant cette route sont les Algériens, les Marocains, les Sénégalais, les Ivoiriens. À lui seul, le contingent des Marocains représente 51 % des arrivées maritimes, suivi des Algériens avec 36 %. En tout près de 50 000 personnes auront emprunté cette voie.
Loin devant, le nombre de ceux qui ont décidé de rejoindre l’Europe par l’Italie. Plus de 150 000 personnes, dont beaucoup auront alimenté les images impressionnantes des arrivées à Lampedusa. Cette année, on compte une augmentation des passages de l’ordre de 56 % par rapport à 2022. Ceux qui mettent leur vie en danger sont d’abord des ressortissants de l’Ouest africain : Guinéens, Ivoiriens, Burkinabés. Ils constituent le plus gros contingent. Avec les Tunisiens, les ressortissants du continent africain représentent la moitié de ceux qui se dirigent vers l’Italie. Mais on trouve aussi sur cette route des Bangladais - ils représentent 8 % de ceux qui passent par la Tunisie ou la Libye - et des Égyptiens, 7 %.
La publication définitive de ces chiffres trouvera une résonance d'autant plus déterminante à l'heure où la Commission européenne négocie avec le Parlement un nouveau plan visant à mieux réguler les frontières de l’Union.
Par Rachel Binhas
Au moment où, de la Suède à l’Italie, en passant par l’Allemagne et le Danemark, les débats concernant l’accueil de nouveaux migrants deviennent, comme en France, de plus en plus vifs, la publication des chiffres 2023 va donner du grain à moudre aux intervenants. Selon les dernières données Eurostat de la Commission européenne, plus d’un million de demandeurs d’asile auront pénétré au sein de l’Union, en Suisse et en Norvège. Un chiffre qui n’est pas sans rappeler ceux de 2015 et 2016, avec l’arrivée massive de Syriens fuyant la guerre.
Dans ce panorama, les Syriens et les Afghans demeurent les premiers contingents de demandeurs d’asile dans l’Union, avec plus de 160 000 demandes pour les premiers, et 105 000 demandes pour les seconds. Même si le nombre d’Afghans, essentiellement des hommes est en diminution de 6 %, leurs venues demeurent importantes. Et le phénomène pourrait repartir à la hausse en 2024 du fait des expulsions en cours au Pakistan et en Iran. La demande d’asile syrienne, elle, est de nouveau en hausse, avec plus de 44 %. Projection d’une guerre loin d’être terminée, mais aussi de leur situation de plus en plus difficile sur le plan politique comme social.
L’EXODE TURC
Mais c'est la forte présence des Turcs qui surprend à la lecture de ces données qui seront définitivement arrêtées début janvier. Ils ont déposé plus de 95 000 demandes depuis le début de l’année, une augmentation de plus de 100 % par rapport à 2022. Une pression turque qui est la conséquence de la crise économique sévissant dans ce pays. En 2023, l’inflation annuelle y a dépassé les 60 % en même temps que se déprécie la livre turque. Les loyers ont ainsi augmenté de plus de 120 % et même de 188 % sur un an dans une ville comme Ankara.
Ces Turcs qui fuient la crise sociale se rendent essentiellement en Allemagne et en Autriche. Mais une partie d’entre eux cherche en France un refuge en rejoignant une communauté de plus en plus importante. 10 000 Turcs ont déjà déposé cette année une demande d’asile dans des régions comme l’Île de France, mais aussi dans le Grand Est, non loin de l’Allemagne.
LA FUITE DES SUD-AMÉRICAINS
Tous les Latino-Américains ne rêvent pas d’Amérique du Nord. Beaucoup se tournent vers l’Espagne. 65 000 Vénézuéliens, plus 34 % d’une année sur l’autre, sont donc entrés dans l’Union, par avion. 60 000 Colombiens, plus 48 % par rapport à 2022 ont fait de même.
La très grande majorité se stabilise en Espagne, qui, du fait des liens historiques entre ces pays, les laisse entrer sans visa. Aidés par la langue commune, et ayant pour beaucoup d’entre eux des compétences recherchées, ils sont absorbés par le marché du travail.
UNE RÉPARTITION INÉGALE
C’est en Allemagne qu’en 2023 la pression de l’asile s’est fait particulièrement sentir. D’après les données Eurostat, l’Allemagne a déjà enregistré 300 000 demandes, contre 217 000 en 2022.
La France, cette année encore, deuxième pays de l’asile, a déjà enregistré plus de 160 000 demandes. L’Espagne suit avec 153 000 demandes. 126 000 en Italie et 59 000 en Grèce.
LES TRAVERSÉES VERS L’EUROPE
D’année en année, de la Méditerranée du côté de l’Atlantique est de plus empruntée. Une hausse de 70 % par rapport à 2022. Les départs se font du Sénégal, du Maroc et de la Mauritanie, vers les Canaries et l’Espagne continentale. Les principales nationalités empruntant cette route sont les Algériens, les Marocains, les Sénégalais, les Ivoiriens. À lui seul, le contingent des Marocains représente 51 % des arrivées maritimes, suivi des Algériens avec 36 %. En tout près de 50 000 personnes auront emprunté cette voie.
Loin devant, le nombre de ceux qui ont décidé de rejoindre l’Europe par l’Italie. Plus de 150 000 personnes, dont beaucoup auront alimenté les images impressionnantes des arrivées à Lampedusa. Cette année, on compte une augmentation des passages de l’ordre de 56 % par rapport à 2022. Ceux qui mettent leur vie en danger sont d’abord des ressortissants de l’Ouest africain : Guinéens, Ivoiriens, Burkinabés. Ils constituent le plus gros contingent. Avec les Tunisiens, les ressortissants du continent africain représentent la moitié de ceux qui se dirigent vers l’Italie. Mais on trouve aussi sur cette route des Bangladais - ils représentent 8 % de ceux qui passent par la Tunisie ou la Libye - et des Égyptiens, 7 %.
La publication définitive de ces chiffres trouvera une résonance d'autant plus déterminante à l'heure où la Commission européenne négocie avec le Parlement un nouveau plan visant à mieux réguler les frontières de l’Union.
Par Rachel Binhas