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«Ils fument des joints de 40 cm. Et la police les regarde !»

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  • «Ils fument des joints de 40 cm. Et la police les regarde !»

    REPORTAGE - Des résidents se sont réunis en présence d’élus, dont Danielle Obono, députée LFI de ce 18e arrondissement en proie aux vendeurs à la sauvette afghans qui règlent leurs comptes en pleine rue.

    «Nous faisons partie des gens qui ont toujours tout accepté. Eh bien, ras le bol». Dans le hall d’un petit hôtel adjacent à la rue Marx Dormoy, dans le 18e arrondissement de Paris, une centaine de riverains du quartier La Chapelle expriment leur colère ce vendredi soir. Cette réunion est née d’une altercation particulièrement sanglante survenue le 31 août dans leur quartier. Un samedi en pleine matinée, des membres de la communauté afghane se sont affrontés au couteau et à la machette, faisant sept blessés. Le secteur a été bouclé pour permettre l'intervention des secours et des forces de l'ordre.

    Excédés, les riverains ont écrit à la mairie, la préfecture de police et la députée LFI, Danielle Obono, pour proposer un échange franc et transparent. Au cœur de la grogne figurent les vendeurs à la sauvette. Jeunes Afghans pour la plupart, ils troquent leurs cigarettes de contrefaçon ou des tickets RATP à la sortie du métro La Chapelle, faisant du quartier un nid de contrebande et de rixes. «Il y a plus de 25 ans, j'ai fait le choix d'intégrer ce quartier inclusif, mixte», témoigne Corinne, la voix tremblante. «J'ai cru au vivre ensemble, réellement. Et je suis déçue par le bilan», explose la résidente, à bout.

    Le «vivre ensemble», formule «hypocrite»


    Ce quartier, dont la proximité avec la gare du Nord et la Gare de l'Est en fait historiquement un carrefour d'immigration, a accumulé les difficultés. En 2019, c'était le voisinage avec la place Stalingrad et le jardin d’Eole, surnommés «colline du crack». Aujourd'hui, le trafic de cigarettes y bat son plein. «Le but n'est pas de stigmatiser une communauté ou une autre», défend Jean-Michel Almeida, vice-président de l'association SOS La Chapelle, qui s'improvise modérateur. Les habitants veulent simplement, explique-t-il, «sauvegarder la sérénité et la mixité, qui est l'ADN de notre quartier populaire». Ses paroles sont chaudement applaudies.

    Dans l'assemblée, des retraités, des actifs, de jeunes mères avec leurs nourrissons, de nombreux commerçants. Le micro passe de main en main. Un gérant de bar-tabac, membre de la fédération des buralistes d'Île-de-France, déplore ce trafic qui s'accompagne d'«un accroissement des agressions et des bagarres». «Avant on fermait à minuit, maintenant à partir de 22h il n’y a plus un chat dans la rue. Parce que plus personne ne veut se promener la nuit». Un homme grisonnant raconte : «J'habite rue Marx Dormoy. Tous les soirs de 17h à 21h, j'ai le marché aux puces. Personne ne peut passer. Une fois, j'ai jeté un coup de pied dedans. On m'a sorti un couteau grand comme ça», dit-il, ouvrant ses deux mains pour indiquer la taille de l'arme. «Ils s'étalent sur 30 mètres de trottoir, pas plus. Quand même, ne peut-on faire quelque chose ? J'ai lancé une pétition, écrit au maire, au préfet. Rien. Quand la police arrive, ils remballent, partent, et 2 minutes après sont de retour».

    Mohaman, qui occupe un appartement place de la Chapelle depuis 1984, se prête à une diatribe contre le concept du «vivre-ensemble», qu'il juge «hypocrite». Le Camerounais se dit nostalgique de l'ancien temps, quand le 18e battait au rythme des «fêtes» et d'une vraie «vie de quartier». Une rumeur d’approbation parcourt l’assistance, avant qu’une femme au fort accent turc ne rafraîchisse à nouveau l’atmosphère en interpellant vertement les élus. «La rue se transforme en Kabul city. Franchement, je ne sais pas mais faites quelque chose !».

    Les élus en peine de réponses

    Danielle Obono tente une réponse. «Je n'ai pas préparé de discours politique», s'excuse d’abord l’élue insoumise, hésitante ; «ce n'est pas un discours politique qu'on veut !», crie une voix dans l'assemblée. Mais ses locaux étant situés place de la Chapelle, elle et son équipe vivent eux aussi cette réalité, assure la députée. «Je souhaite pouvoir bénéficier d'un environnement serein comme tout le monde ici». Et de renvoyer vers la mairie, évoquant au passage l’éventualité de plus de moyens dans une «police d'investigation» et une «police de proximité» car «non, LFI n'est pas anti police».

    Plus disert, Kévin Havet, dynamique adjoint PS à la mairie du 18e en charge de la sécurité, assure que La Chapelle figure dans l’une des trois priorités de la police nationale en cette rentrée. Et invite à «toutes les propositions» en vue d’une «réappropriation de l’espace public». Méthode qui, rappelle-t-il, a fait ses preuves avec le crack. «Le résultat est là, nous n'avons plus de point fixe de deal de crack dans le 18e», s'est félicité le conseiller. Et de renvoyer vers l’État pour le reste : les trafics sont «une compétence régalienne», qui reviennent à la police nationale. Malheureusement, la préfecture de police, conviée à la réunion, s’est désistée en dernière minute.

    Propositions insuffisantes pour les riverains, dont certains, comme SOS La Chapelle, font savoir qu’ils lancent l'alerte depuis près de 10 ans. Des plaintes déposées par Demain La Chapelle en septembre 2023 pour «vente à la sauvette en réunion», «trouble à la tranquillité d'autrui par agression sonore» et «réalisation de jeux d'argent et de hasard prohibée» sont restées sans suite. «Ma question est la suivante. Jusqu’à quand et jusqu'à quel point notre quartier sera-t-il sacrifié, et dans quel objectif ?», lance Jean-Michel Almeida, vice-président de l'association SOS La Chapelle.

    Incivilités en série

    Mourad, gérant du Carrefour Market de la rue Marx Dormoy, a dû fermer son magasin le jour de l'attaque fin août, après que ses employés ont fait valoir leur droit de retrait. Et ce n'était pas la première fois, assure cette forte personnalité bien connue du quartier, qui dit vouloir vendre mais ne pas trouver de repreneur. Présent dans son magasin de 7h à 22h , le patron est le meilleur témoin de la vie de quartier. Tous les jours, il voit des bagarres et rixes devant l'entrée du Carrefour. «Hier c'étaient des jeunes sous psychotropes. L'un a pris une bouteille dans ma boutique et frappé un autre au cou. J’ai dû intervenir», raconte le patron, devenu par la force des choses une sorte de shérif local.

    Sur son portable, il nous montre les images de vidéo surveillance. La collection est impressionnante. On y voit tour à tour Mourad qui chasse un groupe de vendeurs à la sauvette déboulant dans le Carrefour; Mourad qui sort la trousse à pharmacie pour soigner un jeune blessé ; Mourad encore qui s'interpose pour séparer une bagarre devant l'entrée. «Ce n’est pas mon rôle, mais que voulez-vous faire ?».

    Arya*, qui tient le temple hindou de la rue adjacente, et déplore d'être «obligée de marcher comme ça en allant faire les courses», explique-t-elle en plaquant son sac contre son ventre. Et les propriétaires du Capucin, un bistrot à la devanture vert amande autrefois pimpante, aujourd'hui obstrué par le groupe de vendeurs à la sauvette qui zonent sur la place. «Un jour ils vont me casser la vitre», grince le patron, originaire d'Algérie. «En 30 ans, on a vu passer de toutes les nationalités : Sénégalais, Soudanais, Marocains, Algériens... Mais ça n'a jamais été comme ça», râlent les patrons, situant le basculement à la fin de la période Covid. «Ceux-là n'ont pas de civisme, pas de propreté. C'est une question d'éducation». Ils les voient par exemple arracher les poteaux installés par les travaux publics, à peine ces derniers ont le dos tourné. Ou casser les vélos garés sur les attaches devant le café. Quand ils ne s'en servent pas de sièges pour zoner, avec leurs enceintes qui crachent de la musique à toute heure. «Ils fument des joints de 30-40 cm, renchérit la patronne. Les fourgons de police sont garés à 20 mètres dans la rue Marx Dormoy, et ils les regardent !».

    «On est tombé dans l'époque du bisounours», reproche Corinne. «On nous parle du vivre ensemble, mais on sait bien ce que ça veut dire. Je refuse une vie en communauté. Je ne veux pas vivre avec la mafia, je déteste la mafia», martèle encore Corinne, dont la longue tirade est saluée par des applaudissements. Avant de conclure, à l'adresse des élus présents : «Nous sommes citoyens Français, en situation de rupture territoriale. Nous sommes sacrifiés par l'inaction».

    Par Elisabeth Pierson
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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