Annonce

Réduire
Aucune annonce.

D’ex-salariés d’une formation supérieure privée dénoncent le « business » des étudiants étrangers

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • D’ex-salariés d’une formation supérieure privée dénoncent le « business » des étudiants étrangers


    D’anciens salariés d’une école de management lyonnaise, membre du groupe privé Collège de Paris, mettent en cause les pratiques du groupe pour recruter au prix fort des étudiants étrangers, qui n’obtiennent pas toujours la formation souhaitée.

    Par Soazig Le Nevé


    COLCANOPA

    « Cela ne vous regarde pas. » Le ton était peu amène, lorsque Tania (les ex-salariés cités témoignent avec des prénoms d’emprunt) a réussi à joindre par téléphone le service des admissions internationales du Collège de Paris. Fondé en 2011 par deux frères, Olivier et Nicolas de Lagarde, ce groupe d’enseignement supérieur privé a tissé sa toile : des écoles et des partenaires aux quatre coins du globe, 20 millions de chiffre d’affaires en 2024 et un mot d’ordre : « Rendre l’excellence accessible à tous. »

    Parmi ses membres historiques, l’Ecema, une école de management lyonnaise de plus de vingt ans d’existence qui délivre des titres professionnels inscrits au répertoire national du ministère du travail. Plusieurs ex-salariés se sont confiés au Monde pour décrire des pratiques qu’ils ne cautionnent pas. Notamment Tania, qui s’occupait des dossiers d’admission. Elle avait voulu comprendre pourquoi des étudiants africains payaient parfois jusqu’à 10 000 euros leur scolarité en fonction de leur pays d’origine, soit près du double de celle d’un étudiant français.

    Elle avait aussi observé que, en cas de non-obtention d’un visa, l’école – qui s’engage dans son règlement à rembourser le candidat des frais de dossier – pouvait mettre jusqu’à un an avant de s’exécuter. « La somme, entre 2 000 et 3 000 euros, transite d’un pays à un autre,relate Tania, qui s’en était alors inquiétée auprès du Collège de Paris. Lors de ce coup de fil, le service des admissions m’a parlé de “commissions versées à des agents sur place” tout en me précisant que je n’avais pas à discuter de tout cela. »

    « Arrivées surprises »


    Interrogé par Le Monde au sujet des missions confiées à ces agents, qui servent de relais à l’international, Olivier de Lagarde répond, par écrit, en se contentant d’évoquer « un réseau de partenaires » partageant des valeurs telles que « la qualité pédagogique » et « l’ouverture aux autres ».

    Pour sa part, la directrice générale de l’Ecema, Adriane Komla, explique qu’il n’existe qu’une seule et même grille tarifaire pour les étudiants, mais que « des frais supplémentaires peuvent être appliqués par des agences d’orientation pour des services tiers (visa, accompagnement administratif, orientation) ». Des frais qui « ne sont ni perçus ni gérés par l’Ecema », affirme-t-elle.

    Les flux d’étudiants étrangers sont par ailleurs minimes, souligne Adriane Komla, leur effectif s’établissant actuellement à 38 sur 1 232. Mais ils sont aussi imprévisibles, avec « des arrivées surprises » que les services de l’Ecema peinent à gérer, rapportentplusieurs sources qui évoquent la pression constante mise sur les équipes pour recruter de plus en plus d’internationaux. « En 2024, six étudiants sont arrivés courant octobre pour intégrer un mastère marketing-communication-stratégie digitale qui avait démarré en septembre, raconte Tania. Ils étaient passés par les agents dans leurs pays, leurs dossiers avaient été validés par le responsable des admissions internationales du groupe Collège de Paris, qui s’est excusé d’avoir “oublié” de nous les transmettre. »

    Olivier de Lagarde se défend de tout interventionnisme du Collège de Paris et rappelle que chaque établissement du groupe est « libre de sa politique d’admission dans le respect des prérequis de chaque programme ». Pour autant, nuance-t-il, « un soutien particulier a pu être apporté à tel ou tel élève étranger qui se serait trouvé en situation difficile à son arrivée en France à la suite d’une incompréhension lors de son inscription ».

    Un important écart de niveau apparaît entre les nouveaux venus et le reste des étudiants : « Très vite, ils se retrouvent en difficulté. Quand un étudiant postule pour un mastère en ressources humaines et qu’il nous parle de marketing dans sa lettre de motivation, il y a de quoi douter. » S’ils ont été admis, affirme Tania, « c’est uniquement pour faire du business ». Une affirmation que réfute la direction.

    « 20/20 à tout le monde »


    Une fois en formation, les choses ne s’améliorent pas toujours. « Ils sont dans des classes avec des étudiants en alternance alors qu’eux ne le peuvent pas encore », souligne l’ex-salariée. Selon la réglementation en vigueur, les étudiants extracommunautaires doivent obligatoirement justifier d’une première année de formation initiale en France avant de pouvoir signer un contrat en apprentissage. « Les intervenants ont du mal à adapter leurs contenus de cours. Ils leur disent : “Ah oui c’est vrai, toi tu n’as pas d’entreprise.” Ce décalage permanent nourrit un mal-être », se désole-t-elle.

    Il arrive que des étrangers soient inscrits dans un cursus qu’ils n’avaient pas demandé. « Cela donne des scolarités catastrophiques à l’arrivée, relate Carole, une autre ex-salariée. On sait qu’ils vont rater leur année, qu’ils viendront s’effondrer dans nos bureaux. » La directrice, Adriane Komla, reconnaît « de rares cas, liés à des effectifs insuffisants ou à une erreur d’un partenaire international ». « Dans cette situation, nous accompagnons individuellement l’étudiant dans la redéfinition de son projet, avec des passerelles possibles vers d’autres écoles du groupe », ajoute-t-elle.

    D’autres s’en sortent mieux. Comme dans la filière de Master of Business Administration (MBA), réservée aux étrangers anglophones pour obtenir le titre de manageur de projet, relève Carole. « La référente donnait 20/20 à tout le monde. Un vice-président du Collège de Paris nous avait expliqué qu’il n’était pas possible de dire à des étudiants d’Inde ou du Népal qu’ils avaient échoué et que l’objectif c’était 100 % de réussite », affirme-t-elle. Adriane Komla confirme un taux de 100 % pour la promotion de février 2024. Elle précise toutefois que celle de septembre 2023 s’établissait à 87,5 %.

    Pour continuer à bénéficier du financement de l’apprentissage par le biais des opérateurs de compétences agréés par l’Etat, l’Ecema embauche dans ses propres services des étudiants qui n’auraient pas trouvé d’entreprise. « On leur fait faire des “calls” pour solliciter des “prospects”, futurs étudiants potentiels, ce qui n’a rien à voir avec le diplôme qu’ils préparent. Mais, grâce à nous, ils peuvent rester un an de plus en validant leur année », rapporte Bénédicte, une ex-salariée chargée de l’accompagnement pédagogique. Ce que récuse Adriane Komla : les missions confiées sont « systématiquement conçues en lien direct avec le référentiel de compétences de la formation préparée : gestion de projet, assistanat commercial, recrutement, analyse de données ou amélioration de process, selon les spécialités suivies »,détaille-t-elle.

    Burn-out et licenciement


    Dans l’avis qu’elle laisse sur la plateforme en ligne Custplace, Cassandre, une ancienne étudiante, décrit « une école où tout ce qui compte, c’est l’argent et la réputation », avec une direction qui « n’en a rien à faire des étudiants ». D’autres avis sont, au contraire, dithyrambiques, Ghamari saluant « un excellent accueil », et Tia « une bonne école avec un très bon suivi ».

    Depuis des mois, au sein des équipes se succèdent burn-out, congés maladie, ruptures conventionnelles et licenciements. A peine sorti de formation, Antoine (il témoigne sous un prénom d’emprunt) s’est vu proposer de dispenser des cours, en free-lance. « On repart de zéro quand on sort de cette école, confie-t-il. Je cherche du travail depuis sept mois et j’ai envoyé 300 candidatures ciblées, j’ai même des lettres de recommandation de l’entreprise où j’ai fait mon apprentissage… Le seul truc qui pèche, c’est l’Ecema. »

    Certains intervenants extérieurs s’alarment des retards de paiement qu’ils subissent. « J’ai dû stopper mes interventions car il me manquait d’abord 3 000 euros, puis à nouveau autour de 2 000 euros », témoigne l’une d’elles qui a fini par envoyer un courrier de mise en demeure. « Nous avons engagé des mesures internes pour garantir un retour à la normale durable », promet Adriane Komla qui souligne que, malgré les délais, tous les formateurs ont été rémunérés.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
Chargement...
X