Point de vue
[IMG]http://www.***********/sites/default/files/television-amazigh-islamique.jpg[/IMG]
Le pouvoir a choisi une occasion politicienne pour lancer la chaîne "amazigh" : la campagne de réélection d'office de Bouteflika pour un troisième mandat. Les avis divergent à son propos. Certains, les vieux notamment, sont ravis d'avoir pu découvrir des programmes dans leur langue avant de mourir. D'autres, de leur côté, ont peur de mourir avant d'accéder à de vrais programmes télévisuels amazigh... Devant une même chaîne de télévision, les avis sont diamétralement opposés ! Voyons pourquoi.
L’on se souvient d’un meeting au stade Oukil Ramdane et qui avait réunis plusieurs personnalités de l'opposition. C'était quelques semaines avant les événements d'octobre 1988. Je me souviens de quelques intervenants / organisateurs de cet événement. Ali Yahia Abdenour, Said Sadi, FerhatImazighen Imoula, Mohamed Haroun (aujourd'hui décédé). Les interventions plaidaient pour une ouverture politique nécessaire et un modèle démocratique pour lesquels la revendication identitaire amazigh servait de pivot. A la fin de la rencontre, un tract a été diffusé comprenant plusieurs points de revendication dont celui d'une télévision nationale d'expression amazighe.
Ce n'est que 20 ans après, et moyennant sacrifices, en vies humaines notamment (soulèvement après l’assassinat de Matoub Lounès, Martyrs du Printemps noir), que le pouvoir créé une télévision amazigh. Ou plutôt une version "amazigh" des programmes de l'ENTV, la télévision nationale algérienne acquise aux théories du pouvoir, communément appelée "l'Unique".
[IMG]http://www.***********/sites/default/files/television-amazigh-islamique.jpg[/IMG]
Du choix de la langue et de la transcription
De la forme et des formalités
La première remarque concerne l’affectation à la chaîne « amazigh » d’un équipement vieillot utilisé par la télévision algérienne durant les années 80, notamment les caméras de studio. Les décors sont d'une légèreté méprisante. Quelques tissus et des estrades de mauvaise facture. La Kabylie et les autres régions berbérophones apparaissent constamment sous des auspices folklorioques. Le message est le suivant : les régions amazighophones sont contraintes de vivre à l’intérieur d’un Etat jacobin pour qu'elles survivent. Toutes autres formes d'organisation politique consacrant la décentralisation serait néfastes pour ces régions qui ne sont même pas suffisamment urbanisées.
Cette image est particulièrement véhiculée par les spots publicitaires (téléphonie, produits alimentaires) prenant pour cible les consommateurs kabyles. Les régions arabophones sont représentées par des populations "civilisées" en opposition avec les kabyles, les chaouis, les mozabites, etc. Architectures coloniales et modernes contre huttes et maisonnettes villageoises ; tenues vestimentaires en vogue contre burnous, robes kabyles ; voitures et véhicules de luxe en opposition au cheptel et charrues ; prononciation des la langue arabe dans des accents huppés à l’inverse d’intonations primitives et caricaturales des parlers amazighs.
Cette image valorisante pour la composante arabophone et dévalorisante pour la réalité amazigh n'est pas fortuite, l'enjeu étant de disputer les parts de l’imaginaire évoluant autour de la concurrence de l'identification et de la reconnaissance des valeurs sociales et identitraires.
En aucun cas, la stratégie de communication du pouvoir pourrait intégrer des éléments valorisant de la culture kabyle à l’instar des Idir aux USA, Takfarinas invité de LBC (Chaîne libanaise) devant une assistance arabe dansant au rythme de la world music. Ici, l’arabe paraîtrait soumis à la beauté de la créativité amazigh. Scénario que le pouvoir algérien redoute fort.
Du choix de la langue et de la transcription
Alors que ceux qui revendiquent tamazight le font depuis des décennies dans la transcription latine, le pouvoir a donné instruction, sans concertation, d'utiliser la graphie et même la langue arabe dans l'habillage de la télévision dite "amazigh". Les journaux télévisés sont appelés, en contradiction avec la radio chaîne II d'expression amazigh, "أخبار" au lieu et place de "Isallen". Les élèves des écoles enseignant tamazight auront,eux aussi, du mal à suivre.
Pourquoi alors ce choix unilatéral de transcrire tamazight en caractères arabes ? Pourtant, quand il s'agit de transmettre un message idéologique aux populations amazighophones, le pouvoir identifie aisément la graphie à
utiliser. En effet, lors des dernières élections présidentielles, Zerhouni a choisi la graphie latine. La stratégie de communication étatique menée par le ministère de l'intérieur a été conçue dans la graphie latine accessible à
tous les amazighs. Donc le choix de la graphie arabe n'est justifié que par les velléités d'éloigner les populations amazighophones de leur revendication.
De la stratégie de normalisation
L'idée a germée depuis plusieurs années, et le pouvoir conscient de l'entêtement des kabyles à demander ce canal dans tous les mouvements de protestation qui se sont succédés, s'est résigné à "lâcher" ce média cher aux amazigh de Kabylie. Mais avant, il fallait naturellement la passer dans le "broyeur" idéologique du pouvoir. Il lui a été assigné les objectifs suivants :
- servir la cause de Bouteflika et le rapprocher d'une Kabylie qui l'a de tout temps, rejeté
- placer un autre élément dans le dispositif de « normalisation » de la Kabylie entamé avec l’assassinat de Matoub. Le mécanisme est reposé sur le sinistre général Mehenna Djebbar qui utilise la collaboration de Amara Ben Younes (ancien ministre) et son frère Idir (rédacteur en chef de la Dépêche de Kabylie), Khalida Messaoudi (actuelle ministre de la culture), Ould Ali El Hadi (directeur de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, directeur de la maison de la culture Mouloud Mammeri et directeur de campagne de Bouteflika dans la même wilaya), Khaled Zahem (responsable du bureau de Tizi Ouzou de la Dépêche de Kabylie) secondés par des personnalités culturelles et sportives de la région. Les moyens : le quotidien « Dépêche de Kabylie », Maison de la culture de Tizi Ouzou, La revue culturelle « Passerelles », la chaîne « amazigh », la future radio local de Tizi Ouzou, le CNALPET de Abderrezak Dourari (à qui on a confié une alternative arabe pour la transcription amazigh) et les prochaines institutions « scientifiques » promises par Bouteflika pour «l’aménagement linguistique » et la « promotion » de la langue amazigh. Ces dernières ont suscité des réactions de la part de certains noms « connues » dans le domaine amazigh, tel que Mohand Akli Hadadou, allant jusqu'à la prostitution politique. Ce monsieur a vanté les mérites de Bouteflika le qualifiant du « meilleur défenseur de l’amazighité ». L’histoire retiendra tous ces noms. Et la liste des KDS (Kabyles de service) est loin d’être exhaustive.
- "zoomer" sur les aspects folkloriques des régions amazighophones et garder d'elles l'image archaïque véhiculée jadis par le colonialisme français
- combler les lacunes qui ont mené la Kabylie à ouvrir ses portes à des idées d'évangélisation et d'autonomie en guise de résistance face au reniement par le pouvoir d'Alger des spécificités de la région
- renforcer la présence de l'État jacobin et des ses structures unicistes comme celle du ministère des affaires religieuses dépassé par les événements
-servir de centre d’intérêt aux différents créateurs dans le domaine culturel cherchant des canaux carriéristes. Exemple : l'actrice Rezika qui a pris part à plusieurs feuilletons diffusés durant le ramadhan, a été imposée pour animer l'émission de variété « Inzizen » après avoir été "volontaire" pour interpréter une chanson caricaturale à l'éloge du Président-candidat Bouteflika durant la campagne pour sa propre succession à la tête de la présidence
Évangélisation et autonomie
Ce sont, en réalité, ces deux nouvelles donnes qui ont incité le pouvoir à créer la chaîne algérienne d'expression amazigh. De leur point de vue, le pouvoir risque de voir la Kabylie s'éloigner de plus en plus de sa mainmise en prônant une ouverture religieuse et un système d'organisation politique différent.
En effet, la télévision « amazigh » est, chaque jour, ouverte sur l’hymne national et la lecture de versets coraniques. La réislamisation des kabyles passe par la consécration de plusieurs émissions religieuses vantant les vertus de mohamed. La présentatrice et de hidjab vêtue et parle un kabyle correcte. L’on se demande alors pourquoi toutes les émissions religieuses sont d’expression kabyle alors que la chaîne a pour vocation de s’adresser à toutes les variantes de la langue amazighe ?
Asawen Mouloud
[IMG]http://www.***********/sites/default/files/television-amazigh-islamique.jpg[/IMG]
Le pouvoir a choisi une occasion politicienne pour lancer la chaîne "amazigh" : la campagne de réélection d'office de Bouteflika pour un troisième mandat. Les avis divergent à son propos. Certains, les vieux notamment, sont ravis d'avoir pu découvrir des programmes dans leur langue avant de mourir. D'autres, de leur côté, ont peur de mourir avant d'accéder à de vrais programmes télévisuels amazigh... Devant une même chaîne de télévision, les avis sont diamétralement opposés ! Voyons pourquoi.
L’on se souvient d’un meeting au stade Oukil Ramdane et qui avait réunis plusieurs personnalités de l'opposition. C'était quelques semaines avant les événements d'octobre 1988. Je me souviens de quelques intervenants / organisateurs de cet événement. Ali Yahia Abdenour, Said Sadi, FerhatImazighen Imoula, Mohamed Haroun (aujourd'hui décédé). Les interventions plaidaient pour une ouverture politique nécessaire et un modèle démocratique pour lesquels la revendication identitaire amazigh servait de pivot. A la fin de la rencontre, un tract a été diffusé comprenant plusieurs points de revendication dont celui d'une télévision nationale d'expression amazighe.
Ce n'est que 20 ans après, et moyennant sacrifices, en vies humaines notamment (soulèvement après l’assassinat de Matoub Lounès, Martyrs du Printemps noir), que le pouvoir créé une télévision amazigh. Ou plutôt une version "amazigh" des programmes de l'ENTV, la télévision nationale algérienne acquise aux théories du pouvoir, communément appelée "l'Unique".
[IMG]http://www.***********/sites/default/files/television-amazigh-islamique.jpg[/IMG]
Du choix de la langue et de la transcription
De la forme et des formalités
La première remarque concerne l’affectation à la chaîne « amazigh » d’un équipement vieillot utilisé par la télévision algérienne durant les années 80, notamment les caméras de studio. Les décors sont d'une légèreté méprisante. Quelques tissus et des estrades de mauvaise facture. La Kabylie et les autres régions berbérophones apparaissent constamment sous des auspices folklorioques. Le message est le suivant : les régions amazighophones sont contraintes de vivre à l’intérieur d’un Etat jacobin pour qu'elles survivent. Toutes autres formes d'organisation politique consacrant la décentralisation serait néfastes pour ces régions qui ne sont même pas suffisamment urbanisées.
Cette image est particulièrement véhiculée par les spots publicitaires (téléphonie, produits alimentaires) prenant pour cible les consommateurs kabyles. Les régions arabophones sont représentées par des populations "civilisées" en opposition avec les kabyles, les chaouis, les mozabites, etc. Architectures coloniales et modernes contre huttes et maisonnettes villageoises ; tenues vestimentaires en vogue contre burnous, robes kabyles ; voitures et véhicules de luxe en opposition au cheptel et charrues ; prononciation des la langue arabe dans des accents huppés à l’inverse d’intonations primitives et caricaturales des parlers amazighs.
Cette image valorisante pour la composante arabophone et dévalorisante pour la réalité amazigh n'est pas fortuite, l'enjeu étant de disputer les parts de l’imaginaire évoluant autour de la concurrence de l'identification et de la reconnaissance des valeurs sociales et identitraires.
En aucun cas, la stratégie de communication du pouvoir pourrait intégrer des éléments valorisant de la culture kabyle à l’instar des Idir aux USA, Takfarinas invité de LBC (Chaîne libanaise) devant une assistance arabe dansant au rythme de la world music. Ici, l’arabe paraîtrait soumis à la beauté de la créativité amazigh. Scénario que le pouvoir algérien redoute fort.
Du choix de la langue et de la transcription
Alors que ceux qui revendiquent tamazight le font depuis des décennies dans la transcription latine, le pouvoir a donné instruction, sans concertation, d'utiliser la graphie et même la langue arabe dans l'habillage de la télévision dite "amazigh". Les journaux télévisés sont appelés, en contradiction avec la radio chaîne II d'expression amazigh, "أخبار" au lieu et place de "Isallen". Les élèves des écoles enseignant tamazight auront,eux aussi, du mal à suivre.
Pourquoi alors ce choix unilatéral de transcrire tamazight en caractères arabes ? Pourtant, quand il s'agit de transmettre un message idéologique aux populations amazighophones, le pouvoir identifie aisément la graphie à
utiliser. En effet, lors des dernières élections présidentielles, Zerhouni a choisi la graphie latine. La stratégie de communication étatique menée par le ministère de l'intérieur a été conçue dans la graphie latine accessible à
tous les amazighs. Donc le choix de la graphie arabe n'est justifié que par les velléités d'éloigner les populations amazighophones de leur revendication.
De la stratégie de normalisation
L'idée a germée depuis plusieurs années, et le pouvoir conscient de l'entêtement des kabyles à demander ce canal dans tous les mouvements de protestation qui se sont succédés, s'est résigné à "lâcher" ce média cher aux amazigh de Kabylie. Mais avant, il fallait naturellement la passer dans le "broyeur" idéologique du pouvoir. Il lui a été assigné les objectifs suivants :
- servir la cause de Bouteflika et le rapprocher d'une Kabylie qui l'a de tout temps, rejeté
- placer un autre élément dans le dispositif de « normalisation » de la Kabylie entamé avec l’assassinat de Matoub. Le mécanisme est reposé sur le sinistre général Mehenna Djebbar qui utilise la collaboration de Amara Ben Younes (ancien ministre) et son frère Idir (rédacteur en chef de la Dépêche de Kabylie), Khalida Messaoudi (actuelle ministre de la culture), Ould Ali El Hadi (directeur de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, directeur de la maison de la culture Mouloud Mammeri et directeur de campagne de Bouteflika dans la même wilaya), Khaled Zahem (responsable du bureau de Tizi Ouzou de la Dépêche de Kabylie) secondés par des personnalités culturelles et sportives de la région. Les moyens : le quotidien « Dépêche de Kabylie », Maison de la culture de Tizi Ouzou, La revue culturelle « Passerelles », la chaîne « amazigh », la future radio local de Tizi Ouzou, le CNALPET de Abderrezak Dourari (à qui on a confié une alternative arabe pour la transcription amazigh) et les prochaines institutions « scientifiques » promises par Bouteflika pour «l’aménagement linguistique » et la « promotion » de la langue amazigh. Ces dernières ont suscité des réactions de la part de certains noms « connues » dans le domaine amazigh, tel que Mohand Akli Hadadou, allant jusqu'à la prostitution politique. Ce monsieur a vanté les mérites de Bouteflika le qualifiant du « meilleur défenseur de l’amazighité ». L’histoire retiendra tous ces noms. Et la liste des KDS (Kabyles de service) est loin d’être exhaustive.
- "zoomer" sur les aspects folkloriques des régions amazighophones et garder d'elles l'image archaïque véhiculée jadis par le colonialisme français
- combler les lacunes qui ont mené la Kabylie à ouvrir ses portes à des idées d'évangélisation et d'autonomie en guise de résistance face au reniement par le pouvoir d'Alger des spécificités de la région
- renforcer la présence de l'État jacobin et des ses structures unicistes comme celle du ministère des affaires religieuses dépassé par les événements
-servir de centre d’intérêt aux différents créateurs dans le domaine culturel cherchant des canaux carriéristes. Exemple : l'actrice Rezika qui a pris part à plusieurs feuilletons diffusés durant le ramadhan, a été imposée pour animer l'émission de variété « Inzizen » après avoir été "volontaire" pour interpréter une chanson caricaturale à l'éloge du Président-candidat Bouteflika durant la campagne pour sa propre succession à la tête de la présidence
Évangélisation et autonomie
Ce sont, en réalité, ces deux nouvelles donnes qui ont incité le pouvoir à créer la chaîne algérienne d'expression amazigh. De leur point de vue, le pouvoir risque de voir la Kabylie s'éloigner de plus en plus de sa mainmise en prônant une ouverture religieuse et un système d'organisation politique différent.
En effet, la télévision « amazigh » est, chaque jour, ouverte sur l’hymne national et la lecture de versets coraniques. La réislamisation des kabyles passe par la consécration de plusieurs émissions religieuses vantant les vertus de mohamed. La présentatrice et de hidjab vêtue et parle un kabyle correcte. L’on se demande alors pourquoi toutes les émissions religieuses sont d’expression kabyle alors que la chaîne a pour vocation de s’adresser à toutes les variantes de la langue amazighe ?
Asawen Mouloud
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