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Le royaume chérifien va fêter les 10 ans de règne du fils d'Hassan II. Le « roi des pauvres » s'est enrichi et a libéralisé un pays qui bouge mais est tenaillé par les inégalités
Comment va Mohammed VI ? Très bien merci. « Forbes », le magazine américain spécialisé dans les revenus des grands de ce monde, vient d'évaluer à 1,8 milliard d'euros la fortune du roi du Maroc. Plus riche que les émirs du Qatar ou du Koweït, « M6 » a vu ses revenus s'envoler en 2008. Hier indexée sur les cours des phosphates, la fortune royale, fort diversifiée, a notamment bénéficié avant la crise de la flambée immobilière qui a valorisé les nombreuses propriétés que le monarque détient en France ou aux États-Unis, sans oublier ses vingt palais au Maroc.
À Casablanca, les calculs de « Forbes » ne sont pas un scoop. « L'estimation du journal américain est bien en deçà de la réalité », affirme le « Journal hebdomadaire » de la capitale économique du Maroc, qui rappelle, sous la plume de Fédoua Tounassi, que « la prévalence de la monarchie dans l'économie s'est accentuée depuis la mort d'Hassan II ». Premier entrepreneur, banquier et agriculteur du royaume, le « Palais », fort de 1 100 employés, est le pivot de la vie marocaine. Et « M6 », fort d'une Constitution taillée sur mesure et de son rôle traditionnel de « commandeur des croyants », en est plus que jamais le centre.
Port géant à Tanger
Dans un pays où 5 millions de ses sujets vivent avec moins de 1 euro par jour et où les inégalités n'ont fait que se creuser, la fortune de « M6 », qui se proclamait « roi des pauvres » à son arrivée en juillet 1999, serait jugée aussi insolente que ses virées en jet-ski si le fils d'Hassan II n'avait à son actif un bilan honorable. Ouvert sur le monde, le Maroc ne voit pas seulement affluer touristes ou riches retraités européens à Marrakech. Il attire des investissements étrangers qui ont permis de « booster » les infrastructures (des autoroutes, bientôt un TGV entre Casablanca et Tanger, un port géant à Tanger). En décrochant auprès de Bruxelles le statut de « pays avancé », le Maroc peut espérer commercer sans entraves avec une UE à qui Hassan II avait jadis demandé l'adhésion.
Mais si « M6 » semble solidement assis sur un trône qui paraissait bien large pour lui, il le doit aussi à son bilan politique. L'éviction de Driss Basri, l'omnipotent ministre de son père, le retour de l'opposant Abraham Serfaty, la revalorisation du statut des femmes en 2004, le relatif respect des libertés publiques : cela tranche avec les « années de plomb » de la fin du règne de son père. On ne parle plus du bagne de Tazmamart, ce qui n'empêche pas les défenseurs des droits de l'homme de dénoncer une justice toujours aux ordres, voire la détention arbitraire d'opposants.
Car les espoirs nés de l'arrivée d'un roi jeune et plus sincèrement démocrate que son père sont loin d'être réalisés. Les pauvres se sont tournés vers les « barbus ». Et seule la tradition de soumission à la monarchie absolue d'obédience sunnite malékite a empêché les partis islamistes de devenir majoritaires au Parlement. Secoué par les attentats salafistes de Casablanca le 16 mai 2003 (45 morts), le Maroc n'est plus le pays serein qui se permettait de jouer les intermédiaires entre le monde arabe et Israël.
Toujours disputé avec l'Algérie au Sahara occidental, le royaume chérifien n'a pas réussi à faire avancer la solution de ce contentieux empoisonné. Le dossier empêche toute réouverture de la frontière avec le grand voisin et la concrétisation d'une Union du Maghreb arabe, qui reste une fiction.
christophe luce
Sud Ouest
À Casablanca, les calculs de « Forbes » ne sont pas un scoop. « L'estimation du journal américain est bien en deçà de la réalité », affirme le « Journal hebdomadaire » de la capitale économique du Maroc, qui rappelle, sous la plume de Fédoua Tounassi, que « la prévalence de la monarchie dans l'économie s'est accentuée depuis la mort d'Hassan II ». Premier entrepreneur, banquier et agriculteur du royaume, le « Palais », fort de 1 100 employés, est le pivot de la vie marocaine. Et « M6 », fort d'une Constitution taillée sur mesure et de son rôle traditionnel de « commandeur des croyants », en est plus que jamais le centre.
Port géant à Tanger
Dans un pays où 5 millions de ses sujets vivent avec moins de 1 euro par jour et où les inégalités n'ont fait que se creuser, la fortune de « M6 », qui se proclamait « roi des pauvres » à son arrivée en juillet 1999, serait jugée aussi insolente que ses virées en jet-ski si le fils d'Hassan II n'avait à son actif un bilan honorable. Ouvert sur le monde, le Maroc ne voit pas seulement affluer touristes ou riches retraités européens à Marrakech. Il attire des investissements étrangers qui ont permis de « booster » les infrastructures (des autoroutes, bientôt un TGV entre Casablanca et Tanger, un port géant à Tanger). En décrochant auprès de Bruxelles le statut de « pays avancé », le Maroc peut espérer commercer sans entraves avec une UE à qui Hassan II avait jadis demandé l'adhésion.
Mais si « M6 » semble solidement assis sur un trône qui paraissait bien large pour lui, il le doit aussi à son bilan politique. L'éviction de Driss Basri, l'omnipotent ministre de son père, le retour de l'opposant Abraham Serfaty, la revalorisation du statut des femmes en 2004, le relatif respect des libertés publiques : cela tranche avec les « années de plomb » de la fin du règne de son père. On ne parle plus du bagne de Tazmamart, ce qui n'empêche pas les défenseurs des droits de l'homme de dénoncer une justice toujours aux ordres, voire la détention arbitraire d'opposants.
Car les espoirs nés de l'arrivée d'un roi jeune et plus sincèrement démocrate que son père sont loin d'être réalisés. Les pauvres se sont tournés vers les « barbus ». Et seule la tradition de soumission à la monarchie absolue d'obédience sunnite malékite a empêché les partis islamistes de devenir majoritaires au Parlement. Secoué par les attentats salafistes de Casablanca le 16 mai 2003 (45 morts), le Maroc n'est plus le pays serein qui se permettait de jouer les intermédiaires entre le monde arabe et Israël.
Toujours disputé avec l'Algérie au Sahara occidental, le royaume chérifien n'a pas réussi à faire avancer la solution de ce contentieux empoisonné. Le dossier empêche toute réouverture de la frontière avec le grand voisin et la concrétisation d'une Union du Maghreb arabe, qui reste une fiction.
christophe luce
Sud Ouest
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