Aminatou Haïdar. Présidente du collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme : « Je suis à mon trentième jour, le cœur, les reins… peuvent lâcher à tout moment »
Son corps décharné, maltraité par les tortionnaires de Sa Majesté, labouré par un mois de grève, est en passe de la lâcher. Une question de jours, d’heures. Sa grève se poursuit, dans le parking d’autobus de l’aéroport de Lanzarote, dans l’archipel des îles Canaries, dans le brouhaha médiatique, dans le silence complice des grandes puissances. Cela ne semble pas trop la perturber. Sa pensée va d’abord à son peuple, à ses deux enfants, Mohamed et Hayet. C’est sa deuxième grève de la faim après celle de 2005. Une première grève, observée avec d’autres militants sahraouis, dans la sinistre prison « noire » de Laâyoune, qui a duré 52 jours. Aminatou Haïdar nous livre, dans cet entretien, ses impressions, sa version des faits. Son appel à la communauté internationale, à l’Algérie, aux Algériens. Une petite voix. La voix d’une « juste » dont l’écho résonne encore aux quatre coins du globe. Dans cette interview à El Watan, Aminatou Haïdar parle de son peuple. De ses souffrances. Elle parle du droit inaliénable de son peuple à l’autodétermination. Un droit bafoué, ignoré de la communauté internationale. Celle qui est surnommée la « Gandhi sahraouie » s’oublie, s’efface devant les drames vécus par les siens. Son peuple, contraint à l’exil, à la survie dans les camps de réfugiés, à hanter, comme elle, les patibulaires prisons marocaines ou les halls feutrés des aéroports occidentaux. Pourtant, elle a une histoire de souffrance, tout comme les milliers de Sahraouis. Un mental de fer. Une détermination à toute épreuve qui force l’admiration.
Tout d’abord, comment se porte la Gandhi sahraouie ?
J’ai un tas d’ennuis de santé. J’ai un ulcère qui ne me facilite pas la tâche. J’ai tout le temps des nausées. Je ressens une grande faiblesse. Il m’est ainsi impossible de me mettre debout toute seule. J’ai aussi une hernie discale… mais qu’à cela ne tienne : je garde malgré tout un très bon moral. Cela m’aide à résister. Pour les jours à venir, je ne réponds de rien. Si je me porte plus ou moins bien maintenant, dans un quart d’heure, je ne saurais dans quel état je serai… A ce stade de la grève, j’en suis à mon trentième jour, le cœur, les reins… peuvent lâcher à n’importe quel moment. J’espère que non…
Nous l’espérons tous… Depuis le début de votre grève, les grandes puissances, les pays de l’UE, les Etats-Unis notamment, gardent un silence complice. Elles ne semblent pas prêtes à exercer une pression sur le Maroc et l’Espagne, pour les amener à trouver une solution à votre situation. Hier encore (lundi, ndlr), la rencontre Moratinos-Clinton n’a pas donné lieu, tel qu’espéré, au dénouement tant attendu. Dans le communiqué final ayant sanctionné cette rencontre, il est dit que l’Administration Obama et le gouvernement Zapatero « allaient travailler de concert pour amener Aminatou Haïdar à arrêter sa grève ». Une telle réaction vous déçoit-elle ? Ou était-elle prévisible ?
Moi, je l’ai senti, vécu dès le départ. Les pressions qui, normalement, devraient être exercées sur le Maroc, ces puissances me les font subir à moi. Je prends cela comme un test. Je suis et reste déterminée. Ma résolution est ferme. Je m’en rends compte depuis que j’ai entamé cette grève, en Espagne, un pays des droits de l’homme, de la prééminence des intérêts économiques. Ces derniers sont décidément supérieurs aux idéaux sacrés des droits de l’homme. De toutes les façons, j’ai une confiance totale en la solidarité internationale. Je reste donc persuadée que la mobilisation des sociétés civiles à travers le monde donnera certainement de bons résultats.
Vous disiez que le Maroc voudrait vous voir disparaître à jamais…
Oui, certainement. Aucun doute là-dessus. Le Maroc veut ma mort. C’est ce qu’il veut. C’est sa gloire. L’entêtement du Maroc, sa fuite en avant ne peuvent être interprétés autrement. Il n’en est pas, à vrai dire, à son premier forfait du genre. En 2005, avec et 6 activistes connus des droits de l’homme et 30 autres détenus politiques, avons observé une longue grève de la faim à la prison Noire. Après 52 jours de grève, nous étions persuadés que le Maroc ne voulait qu’une chose : nous pousser au suicide collectif. Nous n’avons mis fin à notre mouvement que suite aux appels des associations et organisations de défense de droits l’homme, les associations marocaines y compris, qui nous exhortaient d’arrêter et de préserver, dans l’intérêt du peuple sahraoui, la vie de ses activités des droits de l’homme.
Vous invitiez, il y a quelques jours, la communauté internationale à ne pas rester impassible ou à camper dans le rôle de spectateur. Vous avez appelé la communauté internationale à faire pression sur le Maroc, à ce que des garanties soient données par ce dernier qu’il allait organiser un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui, conformément aux résolutions des Nations unies...
Ce qui est en train de se passer ici, à l’aéroport de Lanzarote, n’est qu’un vague aperçu de la situation dramatique, alarmante qui prévaut dans les territoires occupés au Sahara occidental. Cela reflète la situation de tout un peuple divisé en deux parties. Une partie qui vit sous le joug de l’occupation, l’autre qui vit des conditions difficiles dans les camps, à Tindouf. Des réfugiés qui survivent grâce à l’aide humanitaire internationale. Je trouve que le silence de la communauté internationale est allé au-delà de toutes les limites. Le peuple sahraoui ne peut plus le supporter. La communauté internationale ne doit pas rester indéfiniment, impassible, les mains croisées, spectatrice, devant une situation de viol caractérisé du droit international. Je pense qu’il est temps que la communauté internationale assume sa responsabilité quant au respect du droit international dans le cas de la cause sahraouie. Une cause de décolonisation. Toutes les violations commises par le Maroc renvoient en réalité au déni d’un droit fondamental, le droit à l’autodétermination. Pour mettre fin à cette souffrance, la souffrance de tout un peuple, il faudrait que les Sahraouis aient ce droit. Un droit inaliénable qu’ils doivent pouvoir exercer à travers un référendum libre et juste. Et que le peuple sahraoui décide enfin, lui-même, de l’avenir qu’il veut avoir.
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Son corps décharné, maltraité par les tortionnaires de Sa Majesté, labouré par un mois de grève, est en passe de la lâcher. Une question de jours, d’heures. Sa grève se poursuit, dans le parking d’autobus de l’aéroport de Lanzarote, dans l’archipel des îles Canaries, dans le brouhaha médiatique, dans le silence complice des grandes puissances. Cela ne semble pas trop la perturber. Sa pensée va d’abord à son peuple, à ses deux enfants, Mohamed et Hayet. C’est sa deuxième grève de la faim après celle de 2005. Une première grève, observée avec d’autres militants sahraouis, dans la sinistre prison « noire » de Laâyoune, qui a duré 52 jours. Aminatou Haïdar nous livre, dans cet entretien, ses impressions, sa version des faits. Son appel à la communauté internationale, à l’Algérie, aux Algériens. Une petite voix. La voix d’une « juste » dont l’écho résonne encore aux quatre coins du globe. Dans cette interview à El Watan, Aminatou Haïdar parle de son peuple. De ses souffrances. Elle parle du droit inaliénable de son peuple à l’autodétermination. Un droit bafoué, ignoré de la communauté internationale. Celle qui est surnommée la « Gandhi sahraouie » s’oublie, s’efface devant les drames vécus par les siens. Son peuple, contraint à l’exil, à la survie dans les camps de réfugiés, à hanter, comme elle, les patibulaires prisons marocaines ou les halls feutrés des aéroports occidentaux. Pourtant, elle a une histoire de souffrance, tout comme les milliers de Sahraouis. Un mental de fer. Une détermination à toute épreuve qui force l’admiration.
Tout d’abord, comment se porte la Gandhi sahraouie ?
J’ai un tas d’ennuis de santé. J’ai un ulcère qui ne me facilite pas la tâche. J’ai tout le temps des nausées. Je ressens une grande faiblesse. Il m’est ainsi impossible de me mettre debout toute seule. J’ai aussi une hernie discale… mais qu’à cela ne tienne : je garde malgré tout un très bon moral. Cela m’aide à résister. Pour les jours à venir, je ne réponds de rien. Si je me porte plus ou moins bien maintenant, dans un quart d’heure, je ne saurais dans quel état je serai… A ce stade de la grève, j’en suis à mon trentième jour, le cœur, les reins… peuvent lâcher à n’importe quel moment. J’espère que non…
Nous l’espérons tous… Depuis le début de votre grève, les grandes puissances, les pays de l’UE, les Etats-Unis notamment, gardent un silence complice. Elles ne semblent pas prêtes à exercer une pression sur le Maroc et l’Espagne, pour les amener à trouver une solution à votre situation. Hier encore (lundi, ndlr), la rencontre Moratinos-Clinton n’a pas donné lieu, tel qu’espéré, au dénouement tant attendu. Dans le communiqué final ayant sanctionné cette rencontre, il est dit que l’Administration Obama et le gouvernement Zapatero « allaient travailler de concert pour amener Aminatou Haïdar à arrêter sa grève ». Une telle réaction vous déçoit-elle ? Ou était-elle prévisible ?
Moi, je l’ai senti, vécu dès le départ. Les pressions qui, normalement, devraient être exercées sur le Maroc, ces puissances me les font subir à moi. Je prends cela comme un test. Je suis et reste déterminée. Ma résolution est ferme. Je m’en rends compte depuis que j’ai entamé cette grève, en Espagne, un pays des droits de l’homme, de la prééminence des intérêts économiques. Ces derniers sont décidément supérieurs aux idéaux sacrés des droits de l’homme. De toutes les façons, j’ai une confiance totale en la solidarité internationale. Je reste donc persuadée que la mobilisation des sociétés civiles à travers le monde donnera certainement de bons résultats.
Vous disiez que le Maroc voudrait vous voir disparaître à jamais…
Oui, certainement. Aucun doute là-dessus. Le Maroc veut ma mort. C’est ce qu’il veut. C’est sa gloire. L’entêtement du Maroc, sa fuite en avant ne peuvent être interprétés autrement. Il n’en est pas, à vrai dire, à son premier forfait du genre. En 2005, avec et 6 activistes connus des droits de l’homme et 30 autres détenus politiques, avons observé une longue grève de la faim à la prison Noire. Après 52 jours de grève, nous étions persuadés que le Maroc ne voulait qu’une chose : nous pousser au suicide collectif. Nous n’avons mis fin à notre mouvement que suite aux appels des associations et organisations de défense de droits l’homme, les associations marocaines y compris, qui nous exhortaient d’arrêter et de préserver, dans l’intérêt du peuple sahraoui, la vie de ses activités des droits de l’homme.
Vous invitiez, il y a quelques jours, la communauté internationale à ne pas rester impassible ou à camper dans le rôle de spectateur. Vous avez appelé la communauté internationale à faire pression sur le Maroc, à ce que des garanties soient données par ce dernier qu’il allait organiser un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui, conformément aux résolutions des Nations unies...
Ce qui est en train de se passer ici, à l’aéroport de Lanzarote, n’est qu’un vague aperçu de la situation dramatique, alarmante qui prévaut dans les territoires occupés au Sahara occidental. Cela reflète la situation de tout un peuple divisé en deux parties. Une partie qui vit sous le joug de l’occupation, l’autre qui vit des conditions difficiles dans les camps, à Tindouf. Des réfugiés qui survivent grâce à l’aide humanitaire internationale. Je trouve que le silence de la communauté internationale est allé au-delà de toutes les limites. Le peuple sahraoui ne peut plus le supporter. La communauté internationale ne doit pas rester indéfiniment, impassible, les mains croisées, spectatrice, devant une situation de viol caractérisé du droit international. Je pense qu’il est temps que la communauté internationale assume sa responsabilité quant au respect du droit international dans le cas de la cause sahraouie. Une cause de décolonisation. Toutes les violations commises par le Maroc renvoient en réalité au déni d’un droit fondamental, le droit à l’autodétermination. Pour mettre fin à cette souffrance, la souffrance de tout un peuple, il faudrait que les Sahraouis aient ce droit. Un droit inaliénable qu’ils doivent pouvoir exercer à travers un référendum libre et juste. Et que le peuple sahraoui décide enfin, lui-même, de l’avenir qu’il veut avoir.
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