Bonne coïncidence, voici un extrait d'un article récent que j'ai croisé ... hier. A méditer :
Charlemagne, Grand-Père des deux Nations
[...] Au matin de Noël de l'an 800, le pape Léon III couronné Charles 1er empereur d'Occident. [...] Cependant, malgré les vœux de la papauté, cet Empire n'était plus romain; il était devenu un empire franc. Son centre de gravité s'était déplacé vers le N. jusqu'en Rhénanie, à Aix-la-Chapelle, berceau du monde franc. En effet, cet empereur, que des générations d'écoliers français ont appris a considérer comme l'un des leurs, était issu de cette fédération de tribus "barbares" venues de l'E. du Rhin et qui, depuis le 5e s., régnaient sur la Rhénanie, la Belgique et l'Artois.
Dès sa mort, en 814, la légende s'est emparée du personnage [...]. de part et d'autre du Rhin, on s'est disputé son héritage, on a cherché à en faire un emblème national, on l'a modelé à l'image des sociétés modernes. Il est Charlemagne pour les Français, Karl der Grosse pour les Allemands.
[...] Unique héritier du titre, Louis le Pieux continua l’œuvre de son père mais à sa mort, en 840, ses trois fils se lancèrent dans une guerre fratricide à laquelle ils mirent fin par le traité de Verdun (843), qui partageait l'Empire en trois parties. A l'O. du Rhin, Charles le Chauve devient maitre de la Francie Occidentale ; à l'E., Louis de Germanique règne sur la Francie Orientale ; entre les deux, la France Médiane revenait à Lothaire qui récupère au passage les deux capitales impériales Aix-la-Chapelle et Rome et conserve le titre d'Empereur, devenu plus fictif que réel. A sa disparition, son territoire est partagé entre ses deux frères lors du traité de Mersen (870), ce qui donne naissance à deux nouvelles entités, Francie et Germanie, séparées par une frontière commune courant de la Meuse au Rhin [...].
La France et l'Allemagne seraient-elles donc les enfants des traités de Verdun et de Mersen ? [...] En réalité, non : s'il consacrait une rupture définitive entre Francs de l'E. et Francs de l'O., ce traité ne faisait qu'entériner une division plus ancienne, déjà à l’œuvre dans l'Empire de Charlemagne où les langues nationales avaient commencé à faire leur apparition : à côté du latin classique, langue de l'élite, les langues vulgaires s'étaient développées, dessinant bientôt deux grands ensembles linguistiques. Dans la partie occidentale de la Francie, la supériorité numérique de la population gallo-romane par rapport au Francs fit triompher une langue dérivée du latin et qui allait donner le français. dans la partie orientale, ce furent les langues d'origine germanique, ancêtres de l'allemand moderne, qui prirent l'ascendant sur le latin. La première manifestation de ce bilinguisme qui nous soit parvenue est le texte du serment de Strasbourg (842) prononcé par Charles le Chauve et Louis le Germanique : chacun utilisa la langue vulgaire du royaume de l'autre afin d'être compris de ses sujets : Charles en langue tudesque (haut-allemand) ; Louis en langue romane (ancien français).
Oubliant leur passé commun, France et Allemagne n'ont cessé de se revendiquer chacun comme la seule héritière légitime de l'Empire Carolingien. Ainsi est né un culte parallèle, celui de Charlemagne chez-nous, et de Karl der Grosse de l'autre côté du Rhin. La question de son origine française ou allemande se posa avec acuité aux 19e et 20e s. dans le contexte des rivalités nationalistes qui opposèrent la France et l'Allemagne. [...] Or, cette question n'avait guère de sens puisque, comme nous l'avons vu, ni les Français ni les Allemands n'existaient en tant que peuples à son époque. En revanche, certains historiens voient en Charlemagne le père de l'Europe [...].
Valérie Kubiak
in GéoHistoire n° 7 (Février-Mars 2013)
[...] Au matin de Noël de l'an 800, le pape Léon III couronné Charles 1er empereur d'Occident. [...] Cependant, malgré les vœux de la papauté, cet Empire n'était plus romain; il était devenu un empire franc. Son centre de gravité s'était déplacé vers le N. jusqu'en Rhénanie, à Aix-la-Chapelle, berceau du monde franc. En effet, cet empereur, que des générations d'écoliers français ont appris a considérer comme l'un des leurs, était issu de cette fédération de tribus "barbares" venues de l'E. du Rhin et qui, depuis le 5e s., régnaient sur la Rhénanie, la Belgique et l'Artois.
Dès sa mort, en 814, la légende s'est emparée du personnage [...]. de part et d'autre du Rhin, on s'est disputé son héritage, on a cherché à en faire un emblème national, on l'a modelé à l'image des sociétés modernes. Il est Charlemagne pour les Français, Karl der Grosse pour les Allemands.
[...] Unique héritier du titre, Louis le Pieux continua l’œuvre de son père mais à sa mort, en 840, ses trois fils se lancèrent dans une guerre fratricide à laquelle ils mirent fin par le traité de Verdun (843), qui partageait l'Empire en trois parties. A l'O. du Rhin, Charles le Chauve devient maitre de la Francie Occidentale ; à l'E., Louis de Germanique règne sur la Francie Orientale ; entre les deux, la France Médiane revenait à Lothaire qui récupère au passage les deux capitales impériales Aix-la-Chapelle et Rome et conserve le titre d'Empereur, devenu plus fictif que réel. A sa disparition, son territoire est partagé entre ses deux frères lors du traité de Mersen (870), ce qui donne naissance à deux nouvelles entités, Francie et Germanie, séparées par une frontière commune courant de la Meuse au Rhin [...].
La France et l'Allemagne seraient-elles donc les enfants des traités de Verdun et de Mersen ? [...] En réalité, non : s'il consacrait une rupture définitive entre Francs de l'E. et Francs de l'O., ce traité ne faisait qu'entériner une division plus ancienne, déjà à l’œuvre dans l'Empire de Charlemagne où les langues nationales avaient commencé à faire leur apparition : à côté du latin classique, langue de l'élite, les langues vulgaires s'étaient développées, dessinant bientôt deux grands ensembles linguistiques. Dans la partie occidentale de la Francie, la supériorité numérique de la population gallo-romane par rapport au Francs fit triompher une langue dérivée du latin et qui allait donner le français. dans la partie orientale, ce furent les langues d'origine germanique, ancêtres de l'allemand moderne, qui prirent l'ascendant sur le latin. La première manifestation de ce bilinguisme qui nous soit parvenue est le texte du serment de Strasbourg (842) prononcé par Charles le Chauve et Louis le Germanique : chacun utilisa la langue vulgaire du royaume de l'autre afin d'être compris de ses sujets : Charles en langue tudesque (haut-allemand) ; Louis en langue romane (ancien français).
Oubliant leur passé commun, France et Allemagne n'ont cessé de se revendiquer chacun comme la seule héritière légitime de l'Empire Carolingien. Ainsi est né un culte parallèle, celui de Charlemagne chez-nous, et de Karl der Grosse de l'autre côté du Rhin. La question de son origine française ou allemande se posa avec acuité aux 19e et 20e s. dans le contexte des rivalités nationalistes qui opposèrent la France et l'Allemagne. [...] Or, cette question n'avait guère de sens puisque, comme nous l'avons vu, ni les Français ni les Allemands n'existaient en tant que peuples à son époque. En revanche, certains historiens voient en Charlemagne le père de l'Europe [...].
Valérie Kubiak
in GéoHistoire n° 7 (Février-Mars 2013)
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