L'Imam Chamil, résistant du Caucase
Vers 1900, l'historien britannique Baddeley se trouve au Caucase pour écrire son livre sur l'invasion russe de cette montagne. Il y rencontre un vieux berger qui lui raconte une anecdote, survenue trente ans plus tôt:
« J'étais dehors, la nuit, gardant mon troupeau. Tout d'un coup, le ciel est devenu brillant comme du feu et rouge comme du sang. J'ai eu peur. Longtemps plus tard, on nous a dit que le grand imam Chamil était mort cette nuit-là. »
Il est difficile d'écrire une biographie de ce musulman illustre, une biographie qui mérite d'abonder en superlatifs, mais voici un humble essai, qui, assurément, sera loin de rendre justice à l'Imam Chamil, l'Imam al Moudjahiddine.
I/ La formation de l'imam
Né en 1796 ou 1797 dans une famille noble du peuple avar, à Ghimri, aoul (village) du Daghestan, Chamil a 4 ans de moins que Ghazi Mohammad, son meilleur ami. Il passe son enfance entre la mosquée et les pâturages, où il garde les troupeaux de moutons de la famille.
Dès son jeune âge, il prend l'habitude de fortifier son corps, en jeûnant souvent, en marchant pieds nus dans la neige, en courant avec une pierre dans la bouche, … . Il remporte tous les tournois de tir ou de course. A l'âge adulte, il saute facilement au-dessus d'un homme debout.
Il éduque aussi son esprit, en suivant un enseignement religieux qui sera très poussé, avec les plus grands savants caucasiens de l'époque. Vers ses 20 ans, il est reconnu pour sa maîtrise de la langue arabe, du Coran, du tafsir, et du fiqh shafi'ite.
Avec son ami et premier maître Ghazi Mohammad, il se rend chez cheikh Mohammad Yaragli pour suivre un enseignement spirituel, et devenir muride de la tariqa naqshbandiya. Son cheikh sera par la suite Jamaluddin al Ghumuqi. Il bénéficie également des enseignements de Saïd Arakanskii et de Abdourahman Sogratlinskii.
Comme Chouaïb Afandi al Bagini nous le rapporte dans son Tabaqat, l'imam a reçu l'ijaza (license) de la tariqa naqshbandiya de Mohammad Yaragli, de Jamaluddin al Ghumuqi et de Ismail Kurdemir, devenant donc oustaz (maître) de cette voie.
Quand Ghazi Mohammad commence à voyager pour prêcher l'Islam et encourager à la résistance armée, Chamil suit les instructions de son cheikh Jamaluddin al Ghumuqi qui est opposé à la guerre, et continue ses études. C'est à cette époque qu'il se marie avec Fatimat, la fille de Abdoul Aziz, le médecin le plus réputé du Caucase. Il accomplit également le hajj en 1828-1829.
Chamil est opposé à Ghazi Mohammad qui veut la guerre contre les Russes, mais, quand ce dernier est proclamé Imam, il le suit et obéit à ses ordres. Il devient son premier lieutenant, recevant alors, dans la pratique, une formation militaire elle aussi très poussée. C'est le début de ce que les Russes appellent la « guerre muride », car la résistance est menée par la tariqa naqshbandiya, et les chefs comme les soldats appartiennent tous à cette tariqa.
En 1832, dans l'aoul de Ghimri, l'armée russe croit écraser la résistance caucasienne à son invasion en tuant son chef, l'imam Ghazi Mohammad, ainsi que tous ses combattants (pour la partie orientale seulement, car il leur faut aussi soumettre les Tcherkesses dans la partie occidentale). Seuls deux d'entre eux échappent à la mort, dont Chamil. Un officier russe témoin de cette bataille nous raconte :
« Il faisait sombre; à la lumière du chaume qui brûlait, nous vîmes un homme debout sur le seuil du bâtiment qui se dressait en un lieu surélevé, un peu au-dessus de nous. Cet homme, très grand et d'une carrure puissante, resta un moment immobile, comme pour nous laisser le temps de viser. Puis, brusquement, avec un bond de bête sauvage, il sauta par-dessus les têtes des soldats prêts à tirer sur lui et, faisant tourbillonner son sabre du bras gauche, il en abattit trois, mais fut transpercé par le quatrième dont la baïonnette pénétra profondément dans sa poitrine. Le visage toujours aussi extraordinaire dans son immobilité, il saisit la baïonnette, la retira de sa chair, abattit l'homme, et d'un autre bond surhumain, franchit le mur et disparut dans les ténèbres. Nous restâmes absolument confondus. Toute cette affaire avait pris peut-être une minute et demie. »
Les Russes ne prêtent guère attention à cet homme, qui, pensent-ils, a dû aller succomber à ses blessures un peu plus loin. Chamil a en effet près d'une vingtaine de blessures, dont des coups de sabre, les poumons perforés, plusieurs côtes cassées, ainsi que deux balles dans la peau. Contre toute attente, il réussit à se rendre jusqu'à une saklia (chalet de montagne) où des bergers le recueillent, et vont chercher sa femme Fatimat, ainsi que son beau-père Abdoul Aziz, pour le soigner.
Une fois soigné, il rejoint les murides, et il devient naturellement lieutenant de l'Imam Hamza Beg. A la mort de ce dernier, en 1834, il est désigné comme Imam oul 'Azam (le Supérieur des imams). Il va devenir le plus terrible ennemi des Russes pour 25 ans, mais, surtout, va instaurer un Etat musulman authentique, et, de nos jours encore, en parlant de l'imamat de Chamil, les Caucasiens parlent du « temps de la Chariaâ ».
II/ Les structures de l'imamat
L'Imam est confronté à une rude tâche, puisqu'il doit mettre en place un Etat en temps de guerre, qui doit permettre de résister à l'invasion, d'unir des peuples qui se font traditionnellement la guerre, mais surtout un Etat qui repose sur l'Islam et qui accroît son influence au détriment des coutumes locales qui sont contraires à la religion. De plus, l'un des objectifs est aussi de répandre l'Islam, car certaines tribus de haute montagne, vivant dans des endroits difficilement accessibles, demeurent païennes.
L'Etat s'étend dans tout le khanat avar, dans beaucoup de communautés villageoises du Daghestan et dans presque toute la Tchétchénie. A certains moments, il va même comprendre des régions de l'Ingouchie, et des aouls du pays Khevsour et de Touchétie (Géorgie du nord-est). Son influence gagne même le Caucase occidental, à savoir le pays tcherkesse (l'Imam est bien reçu par les princes tcherkesses, mais leur mentalité indépendante fait qu'ils refusent de combattre sous ses ordres).
C'est un Etat multi-ethnique, qui comprend plus de 50 peuples et langues, mais qui ne dépassera jamais les 400 000 habitants.
Pour combiner efficacement et durablement ces peuples, de surcroît en période de guerre, il est nécessaire de développer une organisation rigoureuse:
La langue officielle est naturellement l'arabe, tous ces peuples étant musulmans.
Un système de taxes, centralisé, est mis en place pour le fonctionnement et le développement de l'Etat.
Toutes les dépendances féodales sont abolies, de même que l'esclavage, et l'exploitation féodale des terres.
Une armée professionnelle est créée.
L'Etat repose sur la chariaâ. Dans son Tabaqat, Chouaib afandi al Bagini dit qu' « après la fin de la gazavat (ghazwa : lutte) de l'Imam Chamil, la chariaâ est devenue orpheline », et qu'après Omar ibn Abdoul Aziz il n'y a pas eu d'imam aussi parfaitement respectueux des règles de la chariaâ que l'Imam Chamil. Certains oulama sont même allés jusqu'à l'appeler le sixième calife vertueux.
L'autorité suprême est l'imam et le diwan composé de 32 conseillers, qui gèrent la législation, les impôts (bayt oul mal), l'armée, la poste, l'éducation, les relations avec les chrétiens,....
L'Imam est le chef des fidèles, la plus haute autorité spirituelle, le chef des armées et la plus haute cour de justice. Il est à signaler que l'Imam Chamil reçoit des lettres de oulama de La Mecque le confirmant dans son imamat et mettant en garde ceux qui se dressent contre lui.
Le territoire est divisé en naïbstva, ayant chacun a sa tête un naïb (député). Les naïbs sont tous égaux, et sont choisis selon leurs qualités et non leurs origines. C'est sur eux que s'appuie l'Imam pour ses réformes. Selon un captif russe, ils sont « le mortier liant les pierres avec lesquelles Chamil élevait la forteresse de sa puissance »
A une plus petite échelle, la figure-clé de chaque aoul est le mufti.
L'Imam accorde une grande importance au savoir et aux muta'allim (étudiants), malgré les 25 ans de guerre. Une grande partie de l'argent du bayt oul mal est dépensé pour le développement du 'ilm (science). L'Imam fait construire une madrassa (école) dans chaque aoul, et il libère du djihad les personnes douées pour poursuivre leurs études. Cette politique est couronnée de succès, puisque l'on estime que pendant les 25 ans de djihad le taux de connaissance des montagnards a décuplé, à tel point qu'il était difficile de trouver un illettré parmi eux. Un général russe a dit que si l'on compare la population du Daghestan au nombre de madrassa (écoles), le savoir au Daghestan est plus élevé à cette époque que dans le reste de l'Europe.
Puisque cet Etat repose sur la chariaâ, il y règne la justice, en contraste total avec la Russie. De ce fait un grand nombre de soldats russes et d'officiers polonais (La Pologne à cette époque vient d'être envahie par la Russie, et pour éviter toute révolte la Russie envoie les nobles polonais faire la guerre au Caucase) désertent pour rallier l'armée de l'Imam Chamil. Ils seront plus de 600. Un certain nombre se convertit à l'Islam, les autres demeurant chrétiens. Deux prêtres de l'armée russe vont même rejoindre le camp caucasien ! L'Imam Chamil fait construire une église dans sa capitale de Védéno pour ces soldats, et pour les captifs dont la pratique religieuse est respectée. Il est à noter que tous les captifs sont bien traités, et, lorsque l'Imam sera en résidence surveillée quelques années plus tard, beaucoup lui rendront visite.
L'Imam veille avant toute chose à la santé morale, ou spirituelle, des habitants de l'imamat. Voyant un jour ses naïbs se quereller pour le butin, l'Imam fait jeter toutes les richesses dans un lac de montagne. Il préfère sacrifier des richesses précieuses en ce temps de guerre plutôt que de les voir corrompre l'esprit de ses murides et détruire leur unité.
On peut remarquer que toutes les personnes qui ont étudié les structures et le fonctionnement de l'imamat ont souligné son caractère remarquable, et l'historien russe A. A. Kaspari a écrit qu' « en tant qu'administrateur, Chamil est l'une des personnalités de génie du XIXème siècle ».
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Vers 1900, l'historien britannique Baddeley se trouve au Caucase pour écrire son livre sur l'invasion russe de cette montagne. Il y rencontre un vieux berger qui lui raconte une anecdote, survenue trente ans plus tôt:
« J'étais dehors, la nuit, gardant mon troupeau. Tout d'un coup, le ciel est devenu brillant comme du feu et rouge comme du sang. J'ai eu peur. Longtemps plus tard, on nous a dit que le grand imam Chamil était mort cette nuit-là. »
Il est difficile d'écrire une biographie de ce musulman illustre, une biographie qui mérite d'abonder en superlatifs, mais voici un humble essai, qui, assurément, sera loin de rendre justice à l'Imam Chamil, l'Imam al Moudjahiddine.
I/ La formation de l'imam
Né en 1796 ou 1797 dans une famille noble du peuple avar, à Ghimri, aoul (village) du Daghestan, Chamil a 4 ans de moins que Ghazi Mohammad, son meilleur ami. Il passe son enfance entre la mosquée et les pâturages, où il garde les troupeaux de moutons de la famille.
Dès son jeune âge, il prend l'habitude de fortifier son corps, en jeûnant souvent, en marchant pieds nus dans la neige, en courant avec une pierre dans la bouche, … . Il remporte tous les tournois de tir ou de course. A l'âge adulte, il saute facilement au-dessus d'un homme debout.
Il éduque aussi son esprit, en suivant un enseignement religieux qui sera très poussé, avec les plus grands savants caucasiens de l'époque. Vers ses 20 ans, il est reconnu pour sa maîtrise de la langue arabe, du Coran, du tafsir, et du fiqh shafi'ite.
Avec son ami et premier maître Ghazi Mohammad, il se rend chez cheikh Mohammad Yaragli pour suivre un enseignement spirituel, et devenir muride de la tariqa naqshbandiya. Son cheikh sera par la suite Jamaluddin al Ghumuqi. Il bénéficie également des enseignements de Saïd Arakanskii et de Abdourahman Sogratlinskii.
Comme Chouaïb Afandi al Bagini nous le rapporte dans son Tabaqat, l'imam a reçu l'ijaza (license) de la tariqa naqshbandiya de Mohammad Yaragli, de Jamaluddin al Ghumuqi et de Ismail Kurdemir, devenant donc oustaz (maître) de cette voie.
Quand Ghazi Mohammad commence à voyager pour prêcher l'Islam et encourager à la résistance armée, Chamil suit les instructions de son cheikh Jamaluddin al Ghumuqi qui est opposé à la guerre, et continue ses études. C'est à cette époque qu'il se marie avec Fatimat, la fille de Abdoul Aziz, le médecin le plus réputé du Caucase. Il accomplit également le hajj en 1828-1829.
Chamil est opposé à Ghazi Mohammad qui veut la guerre contre les Russes, mais, quand ce dernier est proclamé Imam, il le suit et obéit à ses ordres. Il devient son premier lieutenant, recevant alors, dans la pratique, une formation militaire elle aussi très poussée. C'est le début de ce que les Russes appellent la « guerre muride », car la résistance est menée par la tariqa naqshbandiya, et les chefs comme les soldats appartiennent tous à cette tariqa.
En 1832, dans l'aoul de Ghimri, l'armée russe croit écraser la résistance caucasienne à son invasion en tuant son chef, l'imam Ghazi Mohammad, ainsi que tous ses combattants (pour la partie orientale seulement, car il leur faut aussi soumettre les Tcherkesses dans la partie occidentale). Seuls deux d'entre eux échappent à la mort, dont Chamil. Un officier russe témoin de cette bataille nous raconte :
« Il faisait sombre; à la lumière du chaume qui brûlait, nous vîmes un homme debout sur le seuil du bâtiment qui se dressait en un lieu surélevé, un peu au-dessus de nous. Cet homme, très grand et d'une carrure puissante, resta un moment immobile, comme pour nous laisser le temps de viser. Puis, brusquement, avec un bond de bête sauvage, il sauta par-dessus les têtes des soldats prêts à tirer sur lui et, faisant tourbillonner son sabre du bras gauche, il en abattit trois, mais fut transpercé par le quatrième dont la baïonnette pénétra profondément dans sa poitrine. Le visage toujours aussi extraordinaire dans son immobilité, il saisit la baïonnette, la retira de sa chair, abattit l'homme, et d'un autre bond surhumain, franchit le mur et disparut dans les ténèbres. Nous restâmes absolument confondus. Toute cette affaire avait pris peut-être une minute et demie. »
Les Russes ne prêtent guère attention à cet homme, qui, pensent-ils, a dû aller succomber à ses blessures un peu plus loin. Chamil a en effet près d'une vingtaine de blessures, dont des coups de sabre, les poumons perforés, plusieurs côtes cassées, ainsi que deux balles dans la peau. Contre toute attente, il réussit à se rendre jusqu'à une saklia (chalet de montagne) où des bergers le recueillent, et vont chercher sa femme Fatimat, ainsi que son beau-père Abdoul Aziz, pour le soigner.
Une fois soigné, il rejoint les murides, et il devient naturellement lieutenant de l'Imam Hamza Beg. A la mort de ce dernier, en 1834, il est désigné comme Imam oul 'Azam (le Supérieur des imams). Il va devenir le plus terrible ennemi des Russes pour 25 ans, mais, surtout, va instaurer un Etat musulman authentique, et, de nos jours encore, en parlant de l'imamat de Chamil, les Caucasiens parlent du « temps de la Chariaâ ».
II/ Les structures de l'imamat
L'Imam est confronté à une rude tâche, puisqu'il doit mettre en place un Etat en temps de guerre, qui doit permettre de résister à l'invasion, d'unir des peuples qui se font traditionnellement la guerre, mais surtout un Etat qui repose sur l'Islam et qui accroît son influence au détriment des coutumes locales qui sont contraires à la religion. De plus, l'un des objectifs est aussi de répandre l'Islam, car certaines tribus de haute montagne, vivant dans des endroits difficilement accessibles, demeurent païennes.
L'Etat s'étend dans tout le khanat avar, dans beaucoup de communautés villageoises du Daghestan et dans presque toute la Tchétchénie. A certains moments, il va même comprendre des régions de l'Ingouchie, et des aouls du pays Khevsour et de Touchétie (Géorgie du nord-est). Son influence gagne même le Caucase occidental, à savoir le pays tcherkesse (l'Imam est bien reçu par les princes tcherkesses, mais leur mentalité indépendante fait qu'ils refusent de combattre sous ses ordres).
C'est un Etat multi-ethnique, qui comprend plus de 50 peuples et langues, mais qui ne dépassera jamais les 400 000 habitants.
Pour combiner efficacement et durablement ces peuples, de surcroît en période de guerre, il est nécessaire de développer une organisation rigoureuse:
La langue officielle est naturellement l'arabe, tous ces peuples étant musulmans.
Un système de taxes, centralisé, est mis en place pour le fonctionnement et le développement de l'Etat.
Toutes les dépendances féodales sont abolies, de même que l'esclavage, et l'exploitation féodale des terres.
Une armée professionnelle est créée.
L'Etat repose sur la chariaâ. Dans son Tabaqat, Chouaib afandi al Bagini dit qu' « après la fin de la gazavat (ghazwa : lutte) de l'Imam Chamil, la chariaâ est devenue orpheline », et qu'après Omar ibn Abdoul Aziz il n'y a pas eu d'imam aussi parfaitement respectueux des règles de la chariaâ que l'Imam Chamil. Certains oulama sont même allés jusqu'à l'appeler le sixième calife vertueux.
L'autorité suprême est l'imam et le diwan composé de 32 conseillers, qui gèrent la législation, les impôts (bayt oul mal), l'armée, la poste, l'éducation, les relations avec les chrétiens,....
L'Imam est le chef des fidèles, la plus haute autorité spirituelle, le chef des armées et la plus haute cour de justice. Il est à signaler que l'Imam Chamil reçoit des lettres de oulama de La Mecque le confirmant dans son imamat et mettant en garde ceux qui se dressent contre lui.
Le territoire est divisé en naïbstva, ayant chacun a sa tête un naïb (député). Les naïbs sont tous égaux, et sont choisis selon leurs qualités et non leurs origines. C'est sur eux que s'appuie l'Imam pour ses réformes. Selon un captif russe, ils sont « le mortier liant les pierres avec lesquelles Chamil élevait la forteresse de sa puissance »
A une plus petite échelle, la figure-clé de chaque aoul est le mufti.
L'Imam accorde une grande importance au savoir et aux muta'allim (étudiants), malgré les 25 ans de guerre. Une grande partie de l'argent du bayt oul mal est dépensé pour le développement du 'ilm (science). L'Imam fait construire une madrassa (école) dans chaque aoul, et il libère du djihad les personnes douées pour poursuivre leurs études. Cette politique est couronnée de succès, puisque l'on estime que pendant les 25 ans de djihad le taux de connaissance des montagnards a décuplé, à tel point qu'il était difficile de trouver un illettré parmi eux. Un général russe a dit que si l'on compare la population du Daghestan au nombre de madrassa (écoles), le savoir au Daghestan est plus élevé à cette époque que dans le reste de l'Europe.
Puisque cet Etat repose sur la chariaâ, il y règne la justice, en contraste total avec la Russie. De ce fait un grand nombre de soldats russes et d'officiers polonais (La Pologne à cette époque vient d'être envahie par la Russie, et pour éviter toute révolte la Russie envoie les nobles polonais faire la guerre au Caucase) désertent pour rallier l'armée de l'Imam Chamil. Ils seront plus de 600. Un certain nombre se convertit à l'Islam, les autres demeurant chrétiens. Deux prêtres de l'armée russe vont même rejoindre le camp caucasien ! L'Imam Chamil fait construire une église dans sa capitale de Védéno pour ces soldats, et pour les captifs dont la pratique religieuse est respectée. Il est à noter que tous les captifs sont bien traités, et, lorsque l'Imam sera en résidence surveillée quelques années plus tard, beaucoup lui rendront visite.
L'Imam veille avant toute chose à la santé morale, ou spirituelle, des habitants de l'imamat. Voyant un jour ses naïbs se quereller pour le butin, l'Imam fait jeter toutes les richesses dans un lac de montagne. Il préfère sacrifier des richesses précieuses en ce temps de guerre plutôt que de les voir corrompre l'esprit de ses murides et détruire leur unité.
On peut remarquer que toutes les personnes qui ont étudié les structures et le fonctionnement de l'imamat ont souligné son caractère remarquable, et l'historien russe A. A. Kaspari a écrit qu' « en tant qu'administrateur, Chamil est l'une des personnalités de génie du XIXème siècle ».
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