L’Algérie fête, aujourd’hui, mardi 5 juillet 2016, le 54e anniversaire de l’indépendance arrachée au prix de sacrifices considérables et au bout de l’une des plus grandes révolutions des temps modernes. Le peuple algérien votait, à une écrasante majorité, pour son émancipation définitive de la France coloniale, dès le 3 juillet 1962, référendum qui couronnait, par ailleurs, de longs mois de négociations, âpres et à rebondissements, entre le FLN et le gouvernement de De Gaulle.
- Ce sera les accords d’Evian. Mais, contrairement à toutes les guerres, que l’on conclut toujours par des accords entre les deux belligérants, ces accords d’Evian, paraphés entre la délégation du FLN et le gouvernement français, se singulariseront par un fait vraiment inédit : Aucun parmi les membres de la partie algérienne qui avait mené et conclu les accords ne sera jamais au pouvoir dans l’Algérie indépendante ! Il faut dire qu’en parallèle, une autre négociation a eu lieu, entre de Gaulle et Djamel Abdenasser et dont nous payons toujours le prix.
Dans le contexte de la guerre froide de l’époque, chacun des deux dirigeants tentait de trouver son compte en s’assurant un pouvoir vassal à la tête du nouvel Etat algérien. Ce sera Ahmed Ben Bella et l’armée des frontières qui, aux dernières années de la révolution, avait amassé suffisamment de troupes et d’armement de guerre et de logistique, stationnés au Maroc et en Tunisie, pour donner l’assaut dès la proclamation de l’indépendance. Suréquipée, l’armée des frontières ne fera qu’une bouchée des braves soldats des wilayas et prendra allègrement Alger et le pouvoir durant l’été 1962. Ce sera le début d’un règne d’un Ben Bella tellement sous l’influence de l’Égypte et ses «moukhabarate», en plus d’une gestion calamiteuse des affaires du pays que ses propres alliés de l’été 1962 finissent par se retourner contre lui. Le 19 juin 1965, le ministre de la Défense nationale et principal allié de Ben Bella, le colonel Houari Boumediène, fait un coup d’Etat «sans faute», toute l’armée lui étant fidèle. Boumediène prend le pouvoir, qu’il exerce pleinement, avec l’aide de l’armée et du Conseil de la révolution. L’homme est austère, il tient le pays avec une main de fer mais il avait un projet et des idées. Avec lui, c’était simple : pas de libertés collectives encore moins de pluralisme, mais les libertés individuelles n’étaient pas une vue de l’esprit !
L’Etat, sous Boumediène, était craint et respecté par tous au point où les cas de corruption étaient si rares ! Avec les nationalisations, l’Algérie entamait une appréciable progression économique et, ironie de l’histoire, c’était sous son règne, durant les années 1970, que l’Algérie était une destination touristique très prisée, la première en tout cas dans le Maghreb ! A cette époque, l’école et l’université algériennes étaient également des modèles pour tous nos voisins.
Cela, avant que surgissent des «réformateurs» comme Taleb Ibrahimi et les islamo-conservateurs du système qui investiront efficacement dans les domaines de l’enseignement, de la justice et des médias. Les résultats ne se feront pas attendre : l’islamisme et ses diverses formes de manifestation, qui étaient une «étrangeté» totale sous Boumediène, connaîtra une progression rapide sous Chadli Bendjedid au milieu des années 1980. Première conséquence : l’apparition du FIS qui pervertira l’ouverture née des événements du 5 Octobre 1988 et qui plongera le pays dans l’anarchie et le terrorisme aveugle pendant plus de dix ans. Certes, ce parti du type fasciste sera vaincu militairement et ses tentacules sanguinaires qu’étaient l’AIS, le GIA, le GSPC, et toute la smala seront écrasées.
La sécurité sera globalement rétablie au prix d’une lutte antiterroriste qui avait fini par valoir à l’armée et aux services de sécurités algériens l’admiration et la reconnaissance des experts en la matière à travers le monde. Sauf que, et comme le dira, amer, feu le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, en 2002 : «Si le terrorisme est militairement vaincu, l’intégrisme est intact.»
Le patron de l’armée à l’époque, celui qui dirigeait la guerre contre le terrorisme, était le mieux placé pour en parler : au moment où l’armée finissait de nettoyer les maquis, contraignait les groupes terroristes survivants à des redditions sans gloire, comme ce fut le cas de l’AIS, le 1er octobre 1997 avec sa «trêve unilatérale, la politique de «la réconciliation nationale» de Abdelaziz Bouteflika dilapidera tout ce capital.
Pire encore, de concessions en concessions, les rôles s’inversent car, pour les besoins «d’affirmation de soi» de Abdelaziz Bouteflika, l’on couvre d’impunité et de privilèges des assassins qui s’assument en plus, pour complexer, de l’autre côté, l’armée et ses dirigeants qui n’avaient fait pourtant que leur devoir.
Le «qui-tue-qui ?» s’invite au cœur de nos institutions comme en témoigne l’étrange cabale menée dernièrement contre le général Toufik et le service qu’il dirigeait, avec comme conséquence immédiate, la consécration de la victoire islamiste sur tout le pays.
Un islamisme qui impose son projet rétrograde sur toute la société et qui dicte sa ligne de conduite, via trois ou quatre médias, quelques salafistes enragés et une poignée de députés à un gouvernement qui multiplie les reculades stratégiques sur ce terrain-là. Même le plus banal des programmes scolaires n’échappe plus à la tutelle de ces fanatiques religieux, d’obédience wahhabite, avec toutes les conséquences dramatiques que cela risquerait d’entraîner fatalement. Face à un tel péril, la crise économique, bien réelle pourtant, passe pour un vrai fait divers ! Cinquante-quatre ans après l’indépendance, l’Algérie n’arrive toujours pas à trancher pour un modèle de société digne de ce nom, modèle que ne peut imposer qu’un Etat fort et non pas populiste. Habib Bourguiba l’avait fait en Tunisie au milieu des années 1950 du siècle dernier, par exemple. C’est ce qui a permis à ce petit pays voisin, sans ressources, de s’épargner un mouvement charlatanesque comme le FIS et de survivre au tsunami du «printemps arabe»…
Kamel Amarni - Alger (Le Soir)
- Ce sera les accords d’Evian. Mais, contrairement à toutes les guerres, que l’on conclut toujours par des accords entre les deux belligérants, ces accords d’Evian, paraphés entre la délégation du FLN et le gouvernement français, se singulariseront par un fait vraiment inédit : Aucun parmi les membres de la partie algérienne qui avait mené et conclu les accords ne sera jamais au pouvoir dans l’Algérie indépendante ! Il faut dire qu’en parallèle, une autre négociation a eu lieu, entre de Gaulle et Djamel Abdenasser et dont nous payons toujours le prix.
Dans le contexte de la guerre froide de l’époque, chacun des deux dirigeants tentait de trouver son compte en s’assurant un pouvoir vassal à la tête du nouvel Etat algérien. Ce sera Ahmed Ben Bella et l’armée des frontières qui, aux dernières années de la révolution, avait amassé suffisamment de troupes et d’armement de guerre et de logistique, stationnés au Maroc et en Tunisie, pour donner l’assaut dès la proclamation de l’indépendance. Suréquipée, l’armée des frontières ne fera qu’une bouchée des braves soldats des wilayas et prendra allègrement Alger et le pouvoir durant l’été 1962. Ce sera le début d’un règne d’un Ben Bella tellement sous l’influence de l’Égypte et ses «moukhabarate», en plus d’une gestion calamiteuse des affaires du pays que ses propres alliés de l’été 1962 finissent par se retourner contre lui. Le 19 juin 1965, le ministre de la Défense nationale et principal allié de Ben Bella, le colonel Houari Boumediène, fait un coup d’Etat «sans faute», toute l’armée lui étant fidèle. Boumediène prend le pouvoir, qu’il exerce pleinement, avec l’aide de l’armée et du Conseil de la révolution. L’homme est austère, il tient le pays avec une main de fer mais il avait un projet et des idées. Avec lui, c’était simple : pas de libertés collectives encore moins de pluralisme, mais les libertés individuelles n’étaient pas une vue de l’esprit !
L’Etat, sous Boumediène, était craint et respecté par tous au point où les cas de corruption étaient si rares ! Avec les nationalisations, l’Algérie entamait une appréciable progression économique et, ironie de l’histoire, c’était sous son règne, durant les années 1970, que l’Algérie était une destination touristique très prisée, la première en tout cas dans le Maghreb ! A cette époque, l’école et l’université algériennes étaient également des modèles pour tous nos voisins.
Cela, avant que surgissent des «réformateurs» comme Taleb Ibrahimi et les islamo-conservateurs du système qui investiront efficacement dans les domaines de l’enseignement, de la justice et des médias. Les résultats ne se feront pas attendre : l’islamisme et ses diverses formes de manifestation, qui étaient une «étrangeté» totale sous Boumediène, connaîtra une progression rapide sous Chadli Bendjedid au milieu des années 1980. Première conséquence : l’apparition du FIS qui pervertira l’ouverture née des événements du 5 Octobre 1988 et qui plongera le pays dans l’anarchie et le terrorisme aveugle pendant plus de dix ans. Certes, ce parti du type fasciste sera vaincu militairement et ses tentacules sanguinaires qu’étaient l’AIS, le GIA, le GSPC, et toute la smala seront écrasées.
La sécurité sera globalement rétablie au prix d’une lutte antiterroriste qui avait fini par valoir à l’armée et aux services de sécurités algériens l’admiration et la reconnaissance des experts en la matière à travers le monde. Sauf que, et comme le dira, amer, feu le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, en 2002 : «Si le terrorisme est militairement vaincu, l’intégrisme est intact.»
Le patron de l’armée à l’époque, celui qui dirigeait la guerre contre le terrorisme, était le mieux placé pour en parler : au moment où l’armée finissait de nettoyer les maquis, contraignait les groupes terroristes survivants à des redditions sans gloire, comme ce fut le cas de l’AIS, le 1er octobre 1997 avec sa «trêve unilatérale, la politique de «la réconciliation nationale» de Abdelaziz Bouteflika dilapidera tout ce capital.
Pire encore, de concessions en concessions, les rôles s’inversent car, pour les besoins «d’affirmation de soi» de Abdelaziz Bouteflika, l’on couvre d’impunité et de privilèges des assassins qui s’assument en plus, pour complexer, de l’autre côté, l’armée et ses dirigeants qui n’avaient fait pourtant que leur devoir.
Le «qui-tue-qui ?» s’invite au cœur de nos institutions comme en témoigne l’étrange cabale menée dernièrement contre le général Toufik et le service qu’il dirigeait, avec comme conséquence immédiate, la consécration de la victoire islamiste sur tout le pays.
Un islamisme qui impose son projet rétrograde sur toute la société et qui dicte sa ligne de conduite, via trois ou quatre médias, quelques salafistes enragés et une poignée de députés à un gouvernement qui multiplie les reculades stratégiques sur ce terrain-là. Même le plus banal des programmes scolaires n’échappe plus à la tutelle de ces fanatiques religieux, d’obédience wahhabite, avec toutes les conséquences dramatiques que cela risquerait d’entraîner fatalement. Face à un tel péril, la crise économique, bien réelle pourtant, passe pour un vrai fait divers ! Cinquante-quatre ans après l’indépendance, l’Algérie n’arrive toujours pas à trancher pour un modèle de société digne de ce nom, modèle que ne peut imposer qu’un Etat fort et non pas populiste. Habib Bourguiba l’avait fait en Tunisie au milieu des années 1950 du siècle dernier, par exemple. C’est ce qui a permis à ce petit pays voisin, sans ressources, de s’épargner un mouvement charlatanesque comme le FIS et de survivre au tsunami du «printemps arabe»…
Kamel Amarni - Alger (Le Soir)
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