Durant une entrevue demandée par le Dey Hussein et accordée par le général De Bourmont en juillet 1830, afin de récupérer beaucoup d’objets précieux, dont une somme de trente mille sequins qui était restée dans ses appartements et déposée dans les caveaux de la Casbah d’Alger, laquelle la capitulation lui faisait espérer qu’il ne serait pas frustré, le commis de l’empire Ottoman donne quelques renseignements sur les populations d’Algérie aux nouveaux colonisateurs.
Le Dey Hussein, selon Léon Galibert, présente les Kabyles comme une population nombreuse et guerrière, qui déteste les étrangers «Pour ce qui est des Kabyles, ils n’ont jamais aimé les étrangers: ils se détestent entre eux; évitez une guerre générale contre cette population guerrière et nombreuse, vous n’en tireriez aucun avantage. Adoptez à leur égard le plan constamment suivi par les deys d’Alger, divisez-les, et profitez de leurs querelles.»
« Débarrassez-vous le plus tôt possible, lui dit-il, des janissaires turcs : accoutumés à commander, ils ne consentiront jamais à vivre dans l’ordre et la soumission. Les Maures sont timides, vous les gouvernerez sans peine; mais n’accordez point une entière confiance à leurs discours. Les juifs qui se sont établis dans ce pays sont encore plus lâches et plus corrompus que ceux de Constantinople; employez-les, parce qu’ils sont très intelligents dans les affaires fiscales et de commerce; mais ne les perdez jamais de vue; tenez toujours le glaive suspendu sur leurs têtes. Quant aux Arabes nomades, ils ne sont pas à craindre: les bons traitements les attachent et les rendent dociles et dévoués; des persécutions les aliéneraient promptement; ils s’éloigneraient avec leurs troupeaux sur les plus hautes montagnes, ou bien ils passeraient dans les états de Tunis. Pour ce qui est des Kabyles, ils n’ont jamais aimé les étrangers: ils se détestent entre eux; évitez une guerre générale contre cette population guerrière et nombreuse, vous n’en tireriez aucun avantage. Adoptez à leur égard le plan constamment suivi par les deys d’Alger, divisez-les, et profitez de leurs querelles. Quant aux gouverneurs des trois provinces, ce serait de votre part une bien grande imprudence que de les conserver: comme Turcs et comme mahométans, ils ne pourront que vous haïr. Je vous recommande surtout de vous tenir en garde contre Mustapha-bou-Mezrag, bey de Titery : c’est un fourbe; il viendra s’offrir, il vous promettra d’être fidèle, mais il vous trahira à la première occasion. J’avais résolu depuis quelque temps de lui faire trancher la tête; votre arrivée l’a sauvé de ma colère. Le bey de Constantine est moins perfide et moins dangereux: habile financier, il rançonnait très bien les peuples de sa province, et payait ses tributs avec exactitude; mais il est sans courage et sans caractère; des hommes de cette trempe ne peuvent pas convenir dans des circonstances difficiles, je viens d’en faire la triste expérience. Le bey d’Oran est un honnête homme, sa conduite est vertueuse, sa parole est sacrée; mais, mahométan rigide, il ne consentira pas à vous servir; il est aimé dans sa province, votre intérêt exige que vous l’éloigniez du pays. » (Algérie ancienne)
Le Dey Hussein qui a manifesté son souhait de se retirer dans l’île de Malte, a dû renoncer à son projet après avoir su du général français, que les relations de la France avec les anglais dont ladite île est sous domination ne sont plus amicales. Il désigna Livourne et M. de Bourmont lui donna l’assurance qu’il y serait transporté immédiatement.
Avant de quitter pour la dernière fois son ancienne demeure, le dey exprima le désir d’entrer dans le salon d’audience. M. de Bourmont l’y conduisit, et l’autorisa même à faire retirer, tant de cette pièce que de toutes les autres parties de la Casbah, les objets qu’il avait à cœur de conserver. Hussein choisit les plus belles armes, et fit enlever des pièces d’étoffes de Lyon, ainsi que les housses en velours des coussins et des divans. Ce jour-là et les deux jours suivants, des hommes à son service usèrent largement à leur profit de l’autorisation qui avait été accordée; presque tous les objets qu’ils emportèrent furent vendus à des Juifs, et achetés plus tard par des Français.
La visite de Hussein avait duré près de quatre heures; il sentit qu’il n’était pas convenable de la prolonger plus longtemps et témoigna le désir de se retirer. M. de Bourmont lui serra la main, et les officiers de l’état-major général l’accompagnèrent jusqu’à la porte extérieure de la Casbah. Avant de sortir, Hussein les remercia avec affabilité, il leur adressa même quelques mots gracieux; mais lorsqu’il fut seul avec son escorte, des larmes vinrent trahir la fermeté de son âme; il se couvrit un instant le visage avec son burnous, et regagna sa demeure triste et pensif, le cœur rempli d’amertume.
L’Algérie ancienne et moderne par M. Léon Galibert
Le Dey Hussein, selon Léon Galibert, présente les Kabyles comme une population nombreuse et guerrière, qui déteste les étrangers «Pour ce qui est des Kabyles, ils n’ont jamais aimé les étrangers: ils se détestent entre eux; évitez une guerre générale contre cette population guerrière et nombreuse, vous n’en tireriez aucun avantage. Adoptez à leur égard le plan constamment suivi par les deys d’Alger, divisez-les, et profitez de leurs querelles.»
« Débarrassez-vous le plus tôt possible, lui dit-il, des janissaires turcs : accoutumés à commander, ils ne consentiront jamais à vivre dans l’ordre et la soumission. Les Maures sont timides, vous les gouvernerez sans peine; mais n’accordez point une entière confiance à leurs discours. Les juifs qui se sont établis dans ce pays sont encore plus lâches et plus corrompus que ceux de Constantinople; employez-les, parce qu’ils sont très intelligents dans les affaires fiscales et de commerce; mais ne les perdez jamais de vue; tenez toujours le glaive suspendu sur leurs têtes. Quant aux Arabes nomades, ils ne sont pas à craindre: les bons traitements les attachent et les rendent dociles et dévoués; des persécutions les aliéneraient promptement; ils s’éloigneraient avec leurs troupeaux sur les plus hautes montagnes, ou bien ils passeraient dans les états de Tunis. Pour ce qui est des Kabyles, ils n’ont jamais aimé les étrangers: ils se détestent entre eux; évitez une guerre générale contre cette population guerrière et nombreuse, vous n’en tireriez aucun avantage. Adoptez à leur égard le plan constamment suivi par les deys d’Alger, divisez-les, et profitez de leurs querelles. Quant aux gouverneurs des trois provinces, ce serait de votre part une bien grande imprudence que de les conserver: comme Turcs et comme mahométans, ils ne pourront que vous haïr. Je vous recommande surtout de vous tenir en garde contre Mustapha-bou-Mezrag, bey de Titery : c’est un fourbe; il viendra s’offrir, il vous promettra d’être fidèle, mais il vous trahira à la première occasion. J’avais résolu depuis quelque temps de lui faire trancher la tête; votre arrivée l’a sauvé de ma colère. Le bey de Constantine est moins perfide et moins dangereux: habile financier, il rançonnait très bien les peuples de sa province, et payait ses tributs avec exactitude; mais il est sans courage et sans caractère; des hommes de cette trempe ne peuvent pas convenir dans des circonstances difficiles, je viens d’en faire la triste expérience. Le bey d’Oran est un honnête homme, sa conduite est vertueuse, sa parole est sacrée; mais, mahométan rigide, il ne consentira pas à vous servir; il est aimé dans sa province, votre intérêt exige que vous l’éloigniez du pays. » (Algérie ancienne)
Le Dey Hussein qui a manifesté son souhait de se retirer dans l’île de Malte, a dû renoncer à son projet après avoir su du général français, que les relations de la France avec les anglais dont ladite île est sous domination ne sont plus amicales. Il désigna Livourne et M. de Bourmont lui donna l’assurance qu’il y serait transporté immédiatement.
Avant de quitter pour la dernière fois son ancienne demeure, le dey exprima le désir d’entrer dans le salon d’audience. M. de Bourmont l’y conduisit, et l’autorisa même à faire retirer, tant de cette pièce que de toutes les autres parties de la Casbah, les objets qu’il avait à cœur de conserver. Hussein choisit les plus belles armes, et fit enlever des pièces d’étoffes de Lyon, ainsi que les housses en velours des coussins et des divans. Ce jour-là et les deux jours suivants, des hommes à son service usèrent largement à leur profit de l’autorisation qui avait été accordée; presque tous les objets qu’ils emportèrent furent vendus à des Juifs, et achetés plus tard par des Français.
La visite de Hussein avait duré près de quatre heures; il sentit qu’il n’était pas convenable de la prolonger plus longtemps et témoigna le désir de se retirer. M. de Bourmont lui serra la main, et les officiers de l’état-major général l’accompagnèrent jusqu’à la porte extérieure de la Casbah. Avant de sortir, Hussein les remercia avec affabilité, il leur adressa même quelques mots gracieux; mais lorsqu’il fut seul avec son escorte, des larmes vinrent trahir la fermeté de son âme; il se couvrit un instant le visage avec son burnous, et regagna sa demeure triste et pensif, le cœur rempli d’amertume.
L’Algérie ancienne et moderne par M. Léon Galibert
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