Pour moi , l'odeur du pays est celle de l'Indépendance. Un pays ne respire et ne peut fleurir bon que lorsqu'il est libre et indépendant. Pour autant c'est certain pour ceux qui y sont nés y ont grandis et vécus , l'odeur du pays est celle du pays qui les as vus naître. Surtout si il a les senteurs du jasmin et de l'oranger.
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« La Belgique, disait Brel, c’est l’odeur de la confiture dans le corridor de ma grand-mère ». Ne parle-t-on pas chez nos « exilés » volontaires ou non, guidés par leurs destins, de l’odeur du pays, de « rihat el bled » ?
L’Algérie, est tellement senteurs, parfums, et regards sur ses nombreux passés et son seul avenir, cueillis dans un territoire si grand, que des générations successives suffiront à peine à le parcourir, à lire en ses rires et en ses pleurs, les gouttes d’espoir qui l’habitent malgré tout. Ceux qui comptent faire partager cet espoir avec leurs progénitures, leur expliquer que ce pays a besoin d’elles comme elles ont besoin de lui ; ceux-là doivent se mettre au travail. D’abord, les raisons des discours sur la citoyenneté devraient moins l’emporter sur les discours de la raison, pour éviter les amalgames où se mêlent d’incohérentes terminologies importées voire ramassées çà et là dans certaines cultures livresques, symboles d’une adolescence tardive. Les choses les plus simples deviennent parfois complexes, pendant qu’on ne veut voir souvent dans la complexité, que de la simplification, jusqu’à passer à côté de l’essentiel.
La simplicité c’est que la citoyenneté se traduit par des actes, des réflexes, des résultats, où que l’on soit. Une lutte contre les propres perversions de chacun. La complexité c’est d’arriver à éviter la tentation humaine lorsqu’elle devient violente et destructrice, et de l’orienter ver un terrain d’expression approprié pour échapper au mal, au pire, à l’irréversible. La citoyenneté a horreur de la morale, lorsqu’elle tend à prendre toute la place, ne laissant que peu d’espace au texte, seul témoin transmissible de la mémoire. Ce ne sont pas de vaines paroles pour meubler un vide, une panne. En retenant que « l’enfer est partout mais que le paradis est aussi partout ». Au cours d’un pèlerinage de l’amour d’un pays, René, du haut de ses quatre vingt ans affirme, une larme retenue par sa seule dignité à ne pas montrer la faiblesse de son corps : « là-bas on n’est pas chez nous, ici on n’est plus chez nous où dois je partir ? ». Il ne s’agissait pas dans ses propos de papiers administratifs régularisant une quelconque situation d’existence, ou de celle de sa famille. Un peu comme ceux qui ont fui volontairement le pays au moment où il avait besoin de tous et qui reviennent maintenant en donneurs de leçons. Les « cerveaux fuyants » qui ont coûté à l’Algérie tant de sacrifices, tant d’espoirs et qui l’ont abandonnée à la sauvagerie, à la corruption et à l’affairisme au lieu de se battre ne serait-ce que par leur seule présence, par le seul maintien d’un lien. Non, René parlait de cette osmose qu’une terre crée avec les êtres qui l’habitent ne serait-ce qu’un temps et qui sont capables de ressentir le bonheur qu’elle leur procure, ne serait-ce qu’un moment.
Les signes d’un bien-être inégalable au point de ne plus l’oublier malgré ce qui s’y est passé. Ce qui s’y est passé appartient à l’Histoire qui saura, le moment venu, restituer ses douleurs loin de toute passion. L’Histoire sait attendre patiemment. Elle restituera peut-être que l’indépendance d’un peuple est une affaire de principes inscrits dans les humanitaires, véhiculés par tant de littératures, tant de souffrances de part et d’autre. Que l’indépendance ne doit pas être mise entre des mains tremblantes de peur devant le bonheur. Qu’à l’indépendance de l’Algérie de nombreux Pieds-Noirs ont rejoint la « métropole » où le décret Crémieux devait leur donner plein droit de « Dunkerque à Tamanrasset ». Avant leur arrivée au port de Marseille en ce mois de juillet 62, le maire de l’époque venait de déclarer « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs. ». Pendant qu’à l’initiative de la CGT, les dockers brandissaient en guise d’accueil des pancartes sur lesquelles on lisait « les Pieds-Noirs à la mer ». En réalité, la vaste majorité de ces « rapatriés » appartenait à la classe ouvrière ou à un prolétariat urbain de petits employés.
La population était urbaine à 85 %, composée de petits fonctionnaires, artisans et commerçants, dont le revenu moyen était inférieur de 15 % à celui des Français métropolitains. Le niveau d’instruction dépassait rarement le certificat d’étude primaire. 5 % seulement étaient des agriculteurs propriétaires et les très grandes fortunes se comptaient sur les doigts d’une main. Ils ont eu mal en partant d’Algérie. Très mal. Ils ont eu plus mal encore en débarquant sur cette terre de France, inconnue pour la plupart d’entre eux. Une terre dont ils ne portaient en fait qu’une citoyenneté, un simple certificat de nationalité qui avait le malheur de préciser leurs lieux de naissance. Un morceau de papier, sans soleil, sans bruit. Cela était-il suffisant ? Non. Ils étaient d’abord et avant tout Pieds-Noirs d’Algérie.
L’armée coloniale et l’OAS c’était autre chose. C’était le refus de voir clair. Pieds-Noirs ici comme là-bas, mais surtout là-bas, après le retour des contingents métropolitains qui leur avaient collé le sobriquet, dont les différentes explications n’ont jamais fait l’unanimité. Là-bas ils étaient chez les « Frankaoui », les « Patos ». Ici ils étaient chez eux. En 1959 ils étaient 1.025.000, soit 10,4 % de la population vivant en Algérie. Chez eux, depuis des générations. Là-bas ils durent affronter les invectives racistes, notamment de la gauche communiste, qui les caricaturait comme des colons profiteurs. Là-bas on n’avait rien compris malgré la fameuse déclaration du Général De Gaulle. Une tromperie de plus de l’ordre colonial inexplicable sinon par l’épuisement des richesses de terres et d’hommes pour la seule logique du profit qui comporte en son sein les germes destructeurs de la guerre. Et la logique du profit a toujours et partout semé la guerre seul aboutissement garanti.
Toujours à dresser les uns contre les autres dans une division qui n’a d’égal que le crime contre l’Humanité. La logique du profit devrait un jour être identifiée comme un crime contre l’Humanité. Un jour. Lorsque René admire le comportement des enfants dans la rue, lorsque la porte de son ancien logement dans le centre d’Oran lui est ouverte avec un chaleureux accueil de gens qu’il n’a jamais connu, il en tire une grande fierté à peine manifestée par un sourire discret, accompagné d’une rougeur oculaire. Il sent que la citoyenneté est ce sentiment qui vous permet de ressentir que vous êtes chez vous, que vous n’avez jamais quitté votre terre, lorsque vous pensez qu’elle est dans votre coeur, vos images de jeunesse. Ici. Bien que vos papiers soient là-bas. Bien sûr qu’il regrette que les rues et les intérieurs d’immeubles soient sales, que l’urbanisme soit un mélange de genres sans cohérence, mais il retient l’essentiel. L’essentiel pour lui c’est qu’il est là ne serait-ce que le temps de reprendre sa mémoire pleine d’amour pour un pays qu’il a tant aimé.
Un pays qui lui a donné l’amour de Clémence et des deux enfants qui y sont nés et dont il garde au moins une odeur. Mais René, lui, n’avait pas d’autre choix. Clémence qui était née dans un village oranien, avait écrit un jour au «Quotidien d’Oran », devenu sa passerelle avec l’Algérie « l’Algérie est pour moi le plus beau pays du monde. Elle est belle, elle est généreuse. Mon amour pour elle sort par tous les pores de ma peau et je crois que seule la mort apaisera ma souffrance ! Les années passent mais notre souffrance est toujours aussi profonde, nous aussi sommes très isolés, nos racines... Continuez de l’aimer ce si beau pays, il vous le rendra au centuple ». Elle est revenue pour y fêter ses 77 ans et lui transmettre la preuve que la citoyenneté c’est surtout cet amour qui sent bon envers une terre.
Par Le Quotidien d'Oran
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« La Belgique, disait Brel, c’est l’odeur de la confiture dans le corridor de ma grand-mère ». Ne parle-t-on pas chez nos « exilés » volontaires ou non, guidés par leurs destins, de l’odeur du pays, de « rihat el bled » ?
L’Algérie, est tellement senteurs, parfums, et regards sur ses nombreux passés et son seul avenir, cueillis dans un territoire si grand, que des générations successives suffiront à peine à le parcourir, à lire en ses rires et en ses pleurs, les gouttes d’espoir qui l’habitent malgré tout. Ceux qui comptent faire partager cet espoir avec leurs progénitures, leur expliquer que ce pays a besoin d’elles comme elles ont besoin de lui ; ceux-là doivent se mettre au travail. D’abord, les raisons des discours sur la citoyenneté devraient moins l’emporter sur les discours de la raison, pour éviter les amalgames où se mêlent d’incohérentes terminologies importées voire ramassées çà et là dans certaines cultures livresques, symboles d’une adolescence tardive. Les choses les plus simples deviennent parfois complexes, pendant qu’on ne veut voir souvent dans la complexité, que de la simplification, jusqu’à passer à côté de l’essentiel.
La simplicité c’est que la citoyenneté se traduit par des actes, des réflexes, des résultats, où que l’on soit. Une lutte contre les propres perversions de chacun. La complexité c’est d’arriver à éviter la tentation humaine lorsqu’elle devient violente et destructrice, et de l’orienter ver un terrain d’expression approprié pour échapper au mal, au pire, à l’irréversible. La citoyenneté a horreur de la morale, lorsqu’elle tend à prendre toute la place, ne laissant que peu d’espace au texte, seul témoin transmissible de la mémoire. Ce ne sont pas de vaines paroles pour meubler un vide, une panne. En retenant que « l’enfer est partout mais que le paradis est aussi partout ». Au cours d’un pèlerinage de l’amour d’un pays, René, du haut de ses quatre vingt ans affirme, une larme retenue par sa seule dignité à ne pas montrer la faiblesse de son corps : « là-bas on n’est pas chez nous, ici on n’est plus chez nous où dois je partir ? ». Il ne s’agissait pas dans ses propos de papiers administratifs régularisant une quelconque situation d’existence, ou de celle de sa famille. Un peu comme ceux qui ont fui volontairement le pays au moment où il avait besoin de tous et qui reviennent maintenant en donneurs de leçons. Les « cerveaux fuyants » qui ont coûté à l’Algérie tant de sacrifices, tant d’espoirs et qui l’ont abandonnée à la sauvagerie, à la corruption et à l’affairisme au lieu de se battre ne serait-ce que par leur seule présence, par le seul maintien d’un lien. Non, René parlait de cette osmose qu’une terre crée avec les êtres qui l’habitent ne serait-ce qu’un temps et qui sont capables de ressentir le bonheur qu’elle leur procure, ne serait-ce qu’un moment.
Les signes d’un bien-être inégalable au point de ne plus l’oublier malgré ce qui s’y est passé. Ce qui s’y est passé appartient à l’Histoire qui saura, le moment venu, restituer ses douleurs loin de toute passion. L’Histoire sait attendre patiemment. Elle restituera peut-être que l’indépendance d’un peuple est une affaire de principes inscrits dans les humanitaires, véhiculés par tant de littératures, tant de souffrances de part et d’autre. Que l’indépendance ne doit pas être mise entre des mains tremblantes de peur devant le bonheur. Qu’à l’indépendance de l’Algérie de nombreux Pieds-Noirs ont rejoint la « métropole » où le décret Crémieux devait leur donner plein droit de « Dunkerque à Tamanrasset ». Avant leur arrivée au port de Marseille en ce mois de juillet 62, le maire de l’époque venait de déclarer « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs. ». Pendant qu’à l’initiative de la CGT, les dockers brandissaient en guise d’accueil des pancartes sur lesquelles on lisait « les Pieds-Noirs à la mer ». En réalité, la vaste majorité de ces « rapatriés » appartenait à la classe ouvrière ou à un prolétariat urbain de petits employés.
La population était urbaine à 85 %, composée de petits fonctionnaires, artisans et commerçants, dont le revenu moyen était inférieur de 15 % à celui des Français métropolitains. Le niveau d’instruction dépassait rarement le certificat d’étude primaire. 5 % seulement étaient des agriculteurs propriétaires et les très grandes fortunes se comptaient sur les doigts d’une main. Ils ont eu mal en partant d’Algérie. Très mal. Ils ont eu plus mal encore en débarquant sur cette terre de France, inconnue pour la plupart d’entre eux. Une terre dont ils ne portaient en fait qu’une citoyenneté, un simple certificat de nationalité qui avait le malheur de préciser leurs lieux de naissance. Un morceau de papier, sans soleil, sans bruit. Cela était-il suffisant ? Non. Ils étaient d’abord et avant tout Pieds-Noirs d’Algérie.
L’armée coloniale et l’OAS c’était autre chose. C’était le refus de voir clair. Pieds-Noirs ici comme là-bas, mais surtout là-bas, après le retour des contingents métropolitains qui leur avaient collé le sobriquet, dont les différentes explications n’ont jamais fait l’unanimité. Là-bas ils étaient chez les « Frankaoui », les « Patos ». Ici ils étaient chez eux. En 1959 ils étaient 1.025.000, soit 10,4 % de la population vivant en Algérie. Chez eux, depuis des générations. Là-bas ils durent affronter les invectives racistes, notamment de la gauche communiste, qui les caricaturait comme des colons profiteurs. Là-bas on n’avait rien compris malgré la fameuse déclaration du Général De Gaulle. Une tromperie de plus de l’ordre colonial inexplicable sinon par l’épuisement des richesses de terres et d’hommes pour la seule logique du profit qui comporte en son sein les germes destructeurs de la guerre. Et la logique du profit a toujours et partout semé la guerre seul aboutissement garanti.
Toujours à dresser les uns contre les autres dans une division qui n’a d’égal que le crime contre l’Humanité. La logique du profit devrait un jour être identifiée comme un crime contre l’Humanité. Un jour. Lorsque René admire le comportement des enfants dans la rue, lorsque la porte de son ancien logement dans le centre d’Oran lui est ouverte avec un chaleureux accueil de gens qu’il n’a jamais connu, il en tire une grande fierté à peine manifestée par un sourire discret, accompagné d’une rougeur oculaire. Il sent que la citoyenneté est ce sentiment qui vous permet de ressentir que vous êtes chez vous, que vous n’avez jamais quitté votre terre, lorsque vous pensez qu’elle est dans votre coeur, vos images de jeunesse. Ici. Bien que vos papiers soient là-bas. Bien sûr qu’il regrette que les rues et les intérieurs d’immeubles soient sales, que l’urbanisme soit un mélange de genres sans cohérence, mais il retient l’essentiel. L’essentiel pour lui c’est qu’il est là ne serait-ce que le temps de reprendre sa mémoire pleine d’amour pour un pays qu’il a tant aimé.
Un pays qui lui a donné l’amour de Clémence et des deux enfants qui y sont nés et dont il garde au moins une odeur. Mais René, lui, n’avait pas d’autre choix. Clémence qui était née dans un village oranien, avait écrit un jour au «Quotidien d’Oran », devenu sa passerelle avec l’Algérie « l’Algérie est pour moi le plus beau pays du monde. Elle est belle, elle est généreuse. Mon amour pour elle sort par tous les pores de ma peau et je crois que seule la mort apaisera ma souffrance ! Les années passent mais notre souffrance est toujours aussi profonde, nous aussi sommes très isolés, nos racines... Continuez de l’aimer ce si beau pays, il vous le rendra au centuple ». Elle est revenue pour y fêter ses 77 ans et lui transmettre la preuve que la citoyenneté c’est surtout cet amour qui sent bon envers une terre.
Par Le Quotidien d'Oran
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